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ACTUALITES

TERREUR D’ÉTAT                                                                COLOMBIE

QUI VEUT LA PAIX ?

Coordonnée en France par le comité FAL Bordeaux, une Mission Internatio-
nale d’Observation sur les exécutions extra légales et l’impunité s’est ren-
due en Colombie du 4 au 10 octobre dernier. La journaliste Françoise Escar-
pit, mandatée en tant qu’observatrice pour cette mission témoigne :

Officiellement,il n’existe pas de conflit armé           sieurs dizaines de syndicalistes ont été assassi-
     à l’intérieur des frontières de la Colombie.      nés en Colombie, 78 en 2006, 560 depuis 2002,
Pas de guerre, pas de guérilla, seulement des          date de l’élection à la présidence de la Répu-
« terroristes » et des « délinquants ». Comme          blique du conservateur Alvaro Uribe. Des avo-
il n’existe pas de guerre intérieure, le gouver-       cats et autres défenseurs des droits humains
nement colombien, en toute logique, refuse             sont menacés de morts. Des candidats aux
d’appliquer les protocoles internationaux pro-         élections municipales ont été exécutés par les
tégeant les victimes des conflits armés sans            divers acteurs de la guerre. Dans les campa-
caractère international prévus par les accords         gnes, on enlève et on tue systématiquement,
de Genève de 1949. Cette volonté de nier la            en toute impunité.
guerre que vit le pays depuis près d’un demi-
siècle induit inévitablement des conséquen-            Dès son élection, le nouveau chef de l’Etat a
ces tragiques pour une population prise en             résolument inscrit la politique colombienne
étau entre armée, police, groupes guérilleros          dans la lutte globale contre le « crime et le ter-
et paramilitaires, et lasse de tant de violence.       rorisme », décrétée par Washington après les
Depuis de nombreuses années, des militants             attentats du 11 septembre 2001.Une politique
politiques, des syndicalistes, des dirigeants in-      qui, loin de protéger les citoyens, font d’eux les
diens, des responsables paysans, des membres           premières victimes. Après avoir déclaré le pays
d’ONG civiles ou religieuses, des journalistes,        « en état de commotion interne », après avoir,
des enseignants, des avocats, des magistrats           sans trêve, dénoncé les « groupes terroristes »
ont payé de leur vie cette guerre qui n’existe         comme responsables de « la terreur » régnant
pas. On se souviendra en particulier du géno-          dans le pays, le président Uribe a mis en place
cide contre l’Union patriotique (UP) dans les          une politique dite de « sécurité démocratique ».
années 80 et 90. Née des débuts de négocia-            Au royaume d’Alvaro Uribe, la Force publique
tions de paix, elle a vu mourir plus de 6000 de        (armée, police et services de renseignements
ses membres.Le président Alvaro Uribe,ancien           -DAS-) s’est vu attribuée des pouvoirs extra-
gouverneur du département d’Antioquia, con-            ordinaires pour lutter contre les « groupes cri-
naît bien cette histoire. Il en a été l’un des ac-     minels » car, a alors affirmé le président, « on
teurs, notamment avec le « Plan retour » pour          n’en finit pas avec le terrorisme en lui faisant des
la région bananière d’Uraba où seront, ensuite,        concessions mais uniquement en l’attaquant de
assassinés des centaines de membres de l’UP.           front ». Alvaro Uribe se donnait ainsi les instru-
                                                       ments et les moyens nécessaires « pour délo-
Cette année encore, selon les chiffres de la           ger jusqu’au dernier des terroristes ».
Confédération syndicale internationale, plu-           Cette politique a immédiatement eu pour effet

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