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ACTUALITES
militaires alors que les témoins affirment qu’il times sont souvent enterrées comme NN (non
n’y a pas eu de combat. Le modus operandi est identifiés) même si leurs proches ou des tier-
le même tout au long du territoire : la victime ces personnes les ont reconnues. Les intimida-
(paysan, indien, travailleur, personne handica- tions et les menaces aux familles et témoins,
pée, dirigeant communautaire) est capturée il- qui finissent par quitter les villages pour re-
légalement chez elle, sur le chemin ou sur son joindre les trois millions de déplacés intérieurs,
lieu de travail pour être conduite là où elle sera facilitent une impunité généralisée. Il faut dire
exécutée après avoir été revêtue de vêtements clairement que ce sont les juges d’instruction
militaires. Elle est ensuite reportée par l’armée militaires qui s’arrogent, dès le premier instant,
comme « insurgé tué au combat ». La mise en la compétence des enquêtes. La justice civile,
scène est partout la même : revêtues d’unifor- dite ordinaire, ne fait pas toujours son travail
mes, les victimes ont des armes à la main et, (malgré le courage de certains juges et ma-
autour d’elles, quelques tracts de propagande gistrats). Elle préfère éviter les conflits avec la
des FARC (Forces armées révolutionnaires de juridiction militaire. Elle s’engage de manière
Colombie). Les premières investigations sont insuffisante et manifeste une certaine passi-
généralement effectuées par ceux là mêmes, vité pour faire valoir ses droits.
membres de la Force publique, qui, préalable-
ment, l’ont « tué au combat ». L’existence de L’armée n’est pas la seule à faire régner la ter-
récompenses et primes incitatives, économi- reur dans les campagnes. Quelques chefs pa-
ques et professionnelles, pour présentation de ramilitaires ayant accepté de se démobiliser
guérilleros tués (appelés des « positifs ») et de dans le cadre de la « Loi justice et paix » sont
sanctions en cas de mauvais résultats provo- aujourd’hui en prison mais continuent à diri-
que une dangereuse émulation dans l’armée. ger leurs troupes depuis les cellules. Des grou-
Sur les corps, dépouillés d’objets personnels et pes nouveaux, plus violents encore, comme les
sans pièces d’identité,on trouve fréquemment Aguilas negras (aigles noirs), ont fait leur appa-
des signes de torture. Ils sont transférés vers rition. Les « paras » continuent leurs exactions
des communes éloignées du lieu de l’enlève- mais ils ont aussi pénétré les appareils politi-
ment ce qui oblige les familles à un véritable ques et se sont souvent installés au comman-
chemin de croix pour chercher des informa- dement des villes et des villages. Le scandale
tions, identifier et récupérer le corps. Les vic- de la « parapolitique » est arrivée jusqu’aux
© Françoise Escarpit
Malgré un climat de criminalisa-
tion sociale, la population persiste
à manifester son mécontentement.
Exemple de la manifestation à Bo-
gotá pour la défense de la sécurité
sociale, en octobre 2007.
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