🇧🇴 La Bolivie se tourne vers le « capitalisme pour tous » et opère un virage vers les États-Unis (Luis Reygada / L’Humanité)
Le nouveau président libéral de la Bolivie, Rodrigo Paz, a prêté serment comme nouveau chef de l’État plurinational. Vingt ans après l’arrivée au pouvoir d’Evo Morales, il renoue les liens avec Washington.

« Dieu, famille et patrie ». C’est en réaffirmant cette devise que le nouveau président de la Bolivie, Rodrigo Paz, a prêté serment, samedi 8 novembre, succédant à Luis Arce (2020-2025). Un tournant historique après deux décennies de domination du Mouvement vers le socialisme (MAS), une quasi-hégémonie seulement interrompue par la « parenthèse Jeanine Añez », entre 2019 et 2020.
Si la victoire de Morales (2006-2019), en 2005, avait représenté un symbole extrêmement fort avec le premier président se revendiquant d’origine indigène, que penser de l’arrivée au pouvoir de Rodrigo Paz, né en Espagne ? Pour l’ancien leader cocalero, le « retour en arrière » ne fait aucun doute : « Nous sommes revenus à l’époque coloniale, marquée par (…) la soumission aux envahisseurs et aux pillards de nos ressources », présageait-il il y a peu sur X.
La carte de la troisième voie
Vainqueur du second tour du 19 octobre avec 55 % des voix en battant l’ancien président Jorge Tuto Quiroga (2001-2002), Paz, 58 ans, du Parti démocrate-chrétien, se présente comme un modéré et reste catalogué comme étant libéral de centre droit. Durant la campagne qui l’a porté au pouvoir, il a joué la carte de la troisième voie entre une gauche divisée et à terre et une droite trop ouvertement néolibérale.
Promettant une ouverture au secteur privé et un contrôle plus rigoureux des dépenses publiques, il a pour le moment écarté toute possibilité d’appliquer un plan d’austérité. S’il a multiplié les gestes vers les secteurs sociaux, toujours dotés d’une forte capacité de mobilisation malgré l’éclatement de la gauche, c’est surtout au secteur privé qu’il fait les yeux doux.
La veille de son investiture, une réunion avec les milieux d’affaires de Santa Cruz (région de nouveau dirigée par l’ultradroitier Luis Fernando Camacho, libéré fin août après trois ans de prison) n’est pas passée inaperçue.
C’est en tout cas un « capitalisme pour tous » que Paz a confirmé vouloir mettre en œuvre samedi, devant un pouvoir législatif conquis (le Parlement est désormais trusté par la droite, qui dispose de 119 des 130 sièges de député et la totalité des 36 sénateurs, tandis que le MAS n’est représenté que par deux députés).
Au programme : crédits bon marché pour les entrepreneurs, formalisation de l’économie, simplification administrative, réductions d’impôts mais aussi baisses des subventions aux carburants.« Plus jamais une Bolivie soumise à des idéologies vouées à l’échec », a-t-il exprimé lors d’un discours d’investiture qui lui a permis d’attaquer longuement ses prédécesseurs socialistes, uniques responsables selon lui de la profonde crise économique que traverse le pays andin. Inflation, pénuries, dette, « État paralysé » et « monstre bureaucratique »… Le nouveau président a fustigé l’héritage de la gauche : « La pire crise des quatre dernières décennies », selon lui.
Le retour en force des États-Unis
Rien sur le rôle joué par la droite à l’Assemblée nationale ces deux dernières années pour bloquer toutes les tentatives de relance économique du gouvernement d’Arce. Aucun mot contre Jeanine Añez, inculpée pour « génocide » en 2021 suite à la féroce répression qui avait marqué son début de mandat. Tout juste sortie de prison après l’annulation de sa condamnation, celle-ci était présente à la cérémonie d’investiture, tout comme les présidents d’Argentine Javier Milei, du Chili Gabriel Boric, d’Équateur Daniel Noboa, du Paraguay Santiago Peña et d’Uruguay Yamandu Orsi.
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Pour rappel, voir :
– Bolivie: le candidat de centre-droit Rodrigo Paz élu président, après vingt ans de socialisme (Libération – AFP / France 24)
– Victoire de la droite en Bolivie : « Les luttes sociales à venir vont recomposer la gauche » (entretien avec Patrick Guillaudat de FAL, par Luis Reygada / L’Humanité)