🇨🇱 Chili : du crépuscule progressiste à l’avancée réactionnaire (Karina Nohales et Pablo Abufom Silva / Jacobin América Latina / Traduction par Contretemps / fr.esp.)


Le premier tour des élections présidentielles chiliennes, ainsi que les élections législatives, qui ont eu lieu le 16 novembre dernier, confirment le déplacement de l’électorat du pays andin vers l’extrême droite – le candidat José Antonio Kast s’y affirmant comme leader du bloc des droites – dans un contexte régional marqué par l’expansion des forces réactionnaires.

Gabriel Boric et José Antonio Kast. Photo : Elvis González / POOL / AFP via Getty Images

Karina Nohales et Pablo Abufom Silva nous proposent ici leurs analyses à chaud, en attendant le second tour, le 14 décembre, dans un texte publié initialement en castillan par Jacobin América Latina et traduit pour Contretemps Web par Christian Dubucq.

 Leer en español : Chile: Del ocaso progresista al avance reaccionario

Tout indique que le Chili sera gouverné pendant les quatre prochaines années par une coalition de partis de droite, menée par l’une de ses fractions les plus radicales, avec José Antonio Kast en tête. Cette droite — le pinochetisme — existe depuis des décennies dans le pays, mais arriverait pour la première fois au gouvernement par la voie électorale, avec le soutien de secteurs populaires et dans un contexte international marqué par l’avancée rapide de forces d’extrême droite.

Les résultats du dimanche 16 novembre illustrent clairement l’ampleur de la victoire de la droite. À l’élection présidentielle, le bloc atteint 50,3 % des voix, réparties entre José Antonio Kast[1] (23,9 %, Parti républicain), Johannes Kaiser[2] (13,9 %, Parti national libertarien[3]) et Evelyn Matthei[4] (12,5 %, Chile Vamos[5]).

Dans le même temps, la droite s’affirme comme force majoritaire au Congrès. Sur les 155 sièges de la Chambre des députés, le secteur aligné autour de Kast en obtient 76, contre 64 réunis par la gauche et la centre-gauche. Au Sénat, le bloc atteint la moitié des sièges. Si l’on ajoute les 14 sièges obtenus par le Parti du peuple (Partido de la Gente[6]), tout indique que la droite au gouvernement pourra constituer une majorité parlementaire capable d’atteindre les 4/7 nécessaires pour promouvoir des réformes constitutionnelles.

Dans ce contexte, la droite traditionnelle — l’Union démocrate indépendante (UDI), Rénovation nationale (RN) et Evópoli, regroupées dans la coalition Chile Vamos — finit par s’aligner derrière Kast après une lutte interne pour le leadership du secteur et au terme d’une défaite retentissante. Leur candidate présidentielle arrive cinquième, derrière toutes les autres candidatures de droite ; le bloc passe de 12 à 5 sièges au Sénat et de 52 à 23 à la Chambre des députés, et l’un des partis de la coalition disparaît.

Loin de toute politique de « cordon sanitaire » — comme appliquée par certains secteurs libéraux-conservateurs dans d’autres pays pour isoler l’extrême droite —, au Chili, la droite traditionnelle maintient des liens historiques et organiques avec le pinochetisme. Cette connexion explique sa rapide subordination au leadership de Kast dans le nouveau cycle politique actuel.

La candidate du gouvernement sortant présidée par Gabriel Boric (Gauche-Centre-gauche), Jeannette Jara — du Parti communiste et présentée par le pacte Unidad por Chile[7] — s’est imposée avec une majorité étroite dans une campagne qui, bien qu’elle ait été la seule candidature progressiste, n’a pas proposé une véritable alternative de gauche. Les 26,7 % obtenus restent en deçà des attentes générées par sa gestion au ministère du Travail et même en dessous des 38 % qui ont soutenu la proposition constitutionnelle progressiste de 2022.

Il est vrai que Jara faisait face à un scénario défavorable : un contexte international de montée des droites, l’usure d’un gouvernement confronté à une contestation généralisée, et le poids d’un récit anticommuniste très efficace. Mais ni le gouvernement ni la candidate n’ont développé une stratégie claire de confrontation avec l’extrême droite. Au contraire, sur des thèmes sensibles comme la migration et la sécurité, ils ont choisi d’adopter une partie du discours et du programme de leurs adversaires.

La candidate n’a pas non plus cherché à se différencier du consensus néolibéral persistant adopté par toutes les forces institutionnelles depuis la défaite constitutionnelle d’octobre 2022, en commençant par le gouvernement Boric lui-même. C’est l’une des expressions les plus claires de l’avancée de l’extrême droite : elle ne fait pas que convaincre l’électorat, elle parvient aussi à imposer transversalement son agenda. (…)

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Pour rappel, voir :
Élections du 16 novembre 2025 au Chili : les analyses de Franck Gaudichaud, Christophe Ventura et Luis Reygada.
Présidentielle et législatives au Chili : la communiste Jeannette Jara en tête au premier tour mais l’extrême droite en force (revue de presse)