🇨🇷 Le Costa Rica face à la menace populiste et néoconservatrice – Défis pour une démocratie en crise (Marielos Aguilar Hernández / Viento Sur/ Traduction Europe Solidaire Sans Frontière)
Le Costa Rica, l’une des démocraties libérales les plus anciennes du continent, n’a pas échappé à la vague populiste néolibérale et voit aujourd’hui menacées les conquêtes sociales qui subsistent encore, avec l’arrivée au pouvoir de Rodrigo Chaves Robles, un nouveau venu en politique, qui est rentré au pays après trente ans d’absence. Comment le pays en est-il arrivé là ?

Le fossé social creusé par les ajustements structurels et l’austérité budgétaire a laissé des milliers de jeunes sans accès à l’éducation et à un emploi stable. Cette même génération a été la plus touchée par la pandémie qui, pour ainsi dire, a porté le coup de grâce à ces jeunes qui font aujourd’hui partie des groupes sociaux qui se désintéressent du sort d’une démocratie qui ne répond pas à leurs besoins en matière d’éducation et ne résout pas leurs problèmes d’emploi.
La crise socio-économique que traverse le Costa Rica a été récemment aggravée par les liens entre des personnalités de l’administration Chaves Robles et des narcotrafiquants dont l’extradition est réclamée par la DEA américaine.
Les élections de 2022. La fin d’une époque
L’annonce des élections de février 2022 a été accueillie avec une grande apathie de la part des citoyens. Les déceptions accumulées sous le précédent gouvernement du Parti d’action citoyenne (PAC) ont été la goutte d’eau qui a fait déborder le vase. Le président sortant, Carlos Alvarado Quesada, avec son style élitiste et excluant, et surtout après avoir laissé sans solution des problèmes essentiels tels que l’augmentation des inégalités sociales et l’insécurité croissante que subit la population, a fini par affaiblir encore davantage le système démocratique costaricien.
Cependant, le pire héritage de cette administration peut se résumer à l’adoption de trois lois véritablement néfastes :
1. La « règle fiscale », une loi adoptée en 2018 qui a considérablement réduit les investissements de l’État, avec pour conséquence une baisse de la qualité des services publics et, en particulier, des conditions de travail des agent.e.s de l’État. L’adoption de cette loi a provoqué une longue grève des fonctionnaires qui a considérablement affaibli tant le gouvernement d’Alvarado que les syndicats du secteur public.
2. En réponse à cette importante grève, l’administration Alvarado a promu une autre loi, appelée « loi visant à garantir la sécurité juridique des grèves et de leur déroulement », plus connue sous le nom de « loi anti-grève ». Cette loi contenait une réforme du Code du travail visant à limiter le droit de grève des fonctionnaires.
3. En 2022, une troisième loi, également dirigée contre les employé·e·s de l’État, a été adoptée. Baptisée « Loi-cadre sur l’emploi public », elle visait à créer ce qu’on a appelé le « salaire global ». Cette loi a supprimé pour les nouveaux employé·e·s de l’État toutes les avancées obtenues précédemment grâce à la négociation de conventions collectives dans les différents services de l’État.
Ces lois ont bénéficié du soutien législatif de la fraction officielle du PAC, du Parti de libération nationale (PLN) et du Parti de l’unité sociale chrétienne (PUSC). Ainsi, l’amertume de la défaite a renforcé le scepticisme et le ressentiment des citoyens. Le bipartisme a ainsi fini par creuser sa propre tombe.
En février 2022, dans un climat aussi sombre et décourageant, les citoyen.ne.s se sont rendus aux urnes poyur y trouver une longue liste de candidats à la présidence, vingt-cinq au total (PEN, 2022). Toutefois, les résultats de ce scrutin n’ont pas permis d’élire le président suivant en raison du taux d’abstention élevé et de la dispersion des voix. Les partis arrivés en tête étaient le PLN avec 27,36 % des voix et le PPSD avec 16,67 % (TSE, 2022).
Au second tour, le vainqueur a été le Parti progressiste social démocratique (PPSD), un parti récemment fondé et pratiquement inconnu. Son candidat, Rodrigo Chaves Robles, a remporté 52,84 % des voix, face au candidat discrédité du Parti libéral, José María Figueres Olsen, qui briguait un second mandat après avoir déjà occupé le siège présidenciel entre 1994 et 1998.
Chaves Robles était revenu dans notre pays en 2019 pour occuper le poste de ministre des Finances du gouvernement sortant. À l’époque, il vivait depuis plus de trente ans hors du Costa Rica, après être parti étudier dans une université américaine, puis avoir occupé des fonctions internationales au sein de la Banque mondiale, ce qui l’avait empêché de suivre de près le développement de notre pays pendant plus de trois décennies. Il semble qu’il n’ait pas encore pu mesurer en détail les profonds changements politiques et culturels que le néolibéralisme avait provoqués dans notre société. Sa maîtrise des chiffres macroéconomiques ne lui a pas suffi pour avoir une vision claire de la nouvelle situation au Costa rica.
Il existe un autre élément conjoncturel qui a eu un impact considérable sur le style du gouvernement actuel.
À son retour au Costa Rica, Chaves s’est associé à une personnalité très connue nationalement et aux facettes multiples, la journaliste Pilar Cisneros Gallo, d’origine péruvienne mais naturalisée costaricienne. Depuis son plus jeune âge, elle a fait sa vie dans notre pays, a étudié les sciences de la communication à l’Université du Costa Rica et s’est installée définitivement ici, ce qui lui a permis d’acquérir une grande connaissance de la réalité costaricienne. Son visage est l’un des plus connus du petit écran, car elle a été pendant de nombreuses années présentatrice du journal télévisé de Canal 7, la plus ancienne chaîne du pays. Son visage est ainsi resté gravé dans la mémoire de toute la nation.
Il semble que diverses mésententes accumulées au fil de sa carrière dans les médias costaricains aient laissé en Cisneros des ressentiments irrésolus qui, depuis lors, ont fait d’elle une adversaire déclarée de la plupart des médias nationaux. Curieusement, c’est là la contribution la plus singulière qu’elle aura apportée à l’action et, surtout, au discours officiel du président. Adoptant un style rhétorique très similaire à celui de Cisneros, Chaves Robles a très vite déclaré une guerre sans merci aux grands médias du pays, une guerre qui se traduit chaque jour par des attaques verbales, qualifiant régulièrement la presse de « presse canaille ». Sans ignorer les intérêts plus ou moins obscurs que représentent ces entreprises, il est certain que le discours très agressif du président a engendré d’autres sources de polarisation sociale, dont les motifs ne sont pas toujours clairs pour les citoyens et citoyennes.
La victoire électorale de Chaves en 2022 n’a pas pu aller de pair avec une majorité législative solide qui lui aurait facilité la réalisation de ses aspirations autocratiques. Au contraire, ses résultats ont été très médiocres, puisqu’il n’a remporté que 10 des 57 sièges que compte l’Assemblée législative. C’est précisément Pilar Cisneros, députée, qui a pris la tête de ce groupe parlementaire et qui, souvent, a également créé un climat de grande agitation et de manque de respect lors des sessions législatives, secondant ainsi son président. (…)
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