🇺🇸 L’inhumanité de la politique migratoire de Trump (Bernard Duterme / CETRI)
Tourmentées à raison par les rodomontades zigzagantes du président des États-Unis, Donald Trump, sur les taxes douanières ou les guerres en Ukraine, à Gaza et ailleurs, les opinions publiques européennes ne font plus grand cas, il faut bien le reconnaître, de sa gestion de la question migratoire. Or, l’enjeu est considérable, les convulsions, majeures, et les impacts, désastreux.
Certes il est encore trop tôt pour dire si, quantitativement, l’actuel occupant de la Maison Blanche fera « mieux » que ses prédécesseurs – rappelons que le premier mandat de Trump avait enregistré plus d’entrées illégales que sous Obama, bien moins d’expulsions que sous Obama ou Biden et nettement moins de kilomètres de mur frontalier construits… [1] –, mais le caractère humainement ignoble des décisions et actes politiques en cours, lui, est déjà avéré.
Les exemples sont légion et dépassent l’entendement, tant ils mêlent l’arbitraire à la brutalité, la confusion à l’illégalité. Un racisme viscéral, exprimé dans les termes les plus crus, irrigue le tout [2]. Et l’impéritie de la démarche, pour ne pas évoquer la bêtise de son responsable, paraît désormais indéniable. L’ensemble des organisations nord- et latino-américaines de défense des droits humains, des droits des migrant·es et du droit d’asile en particulier, tout comme le Conseil des droits de l’homme de l’ONU convergent aujourd’hui pour dénoncer « la déshumanisation et la criminalisation croissantes de la mobilité humaine » à l’œuvre depuis l’entrée en fonction de la nouvelle administration Trump [3]. Pour autant, les mesures d’exception, les discours haineux et la surenchère répressive semblent ne plus devoir respecter de limites.
Chasse et traque tous azimuts
Dès son investiture, le leader populiste, flattant en cela le vif ressentiment anti-immigration de son électorat, a décrété une « urgence nationale » à la frontière Sud des États-Unis, nommé des figures à poigne – des « molosses » – pour garantir un caractère « systématique » au « refoulement » et « massif » aux « déportations » promises, fixé des quotas quotidiens d’expulsions à atteindre et opté pour le recours tous azimuts à l’armée. La chasse aux « sans-papiers » a suivi, ciblant pour l’essentiel des Latino-Américain·es souvent établis aux States de longue date et exploités dans les plantations agricoles, la construction, le soin aux personnes, la restauration… À tel point que, paradoxalement, pour compenser la tendance et rassurer les employeurs, jamais dans l’histoire Washington n’a octroyé autant de nouveaux visas de travail saisonnier dans l’agriculture et les services qu’aujourd’hui. Plus d’un demi-million déjà, en six mois à peine, principalement à des migrant·es en provenance du Mexique et d’Amérique centrale [4].
S’est vite ajoutée à la chasse aux « sans-papiers », la traque aux victimes de l’annulation – avec effet quasi immédiat – de divers statuts de protection accordés récemment (sous Biden) ou il y plus longtemps (jusqu’aux années 1990). Des centaines de milliers de personnes ayant reçu le droit d’asile d’une administration précédente sont ciblées. Avec à la clé, pour faciliter le sale boulot des traqueurs, l’abrogation d’une décision de 2011 qui interdisait les arrestations dans les lieux sensibles (écoles, églises, hôpitaux, funérailles), ainsi que l’extension des centres de détention sur le territoire national et… en dehors (Guantánamo, Panamá, Ouganda, etc.) par les vertus d’une externalisation de l’endiguement migratoire en pays tiers vassalisés.
Crime : avoir fui l’insécurité
L’on a vu apparaître ainsi tous les cas de figure, aussi improbables qu’injustes. Telles ces 200 personnes originaires du Népal, de Russie, d’Inde, du Congo, du Yémen, d’Afghanistan… expulsées au Costa Rica du jour au lendemain, sans mandat judiciaire, et détenues dans un centre improvisé, sans accès à la protection internationale, sans informations dans leur langue et sans garantie du principe de non-refoulement. Ou ces Vénézuéliens qui bénéficiaient de l’asile aux États-Unis mais qui ont été éjectés vers le Salvador et enfermés dans le « Centre de confinement pour terroristes » (le CECOT) du président Bukele, le nouveau « très bon ami » de Trump [5].
Certes les journaux progressistes états-uniens s’alarment de l’« indifférence troublante à l’égard de l’humanité des immigrants » et certains gouverneurs d’État ou maires de grandes villes, des coûts économiques de cette politique. Mais, en dépit des protestations ou du cadre constitutionnel que la Justice rappelle de temps à autre [6], la Maison Blanche enfonce le clou : suspension des voies légales de demande d’asile, suppression du « droit du sol » pour les enfants nés aux États-Unis, liquidation de la plupart des services d’accueil, recours à des lois d’exception ou exhumation d’anciens textes permettant à l’armée de procéder à des détentions massives en dehors du cadre civil, création d’un registre anti-immigration et d’instances de « remigration », etc. (…)
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Tribune également publiée dans Libération (article réservé aux abonné·es) et La Libre Belgique
