🇻🇪 Prix Nobel de la paix attribué à l’opposante de droite vénézuélienne María Corina Machado (revue de presse)
María Corina Machado, figure de proue de la droite extrême vénézuélienne, a reçu le prix Nobel de la paix 2025, ce vendredi 10 octobre. « Elle (le) reçoit pour son travail inlassable en faveur des droits démocratiques du peuple vénézuélien et pour sa lutte pour parvenir à une transition juste et pacifique de la dictature à la démocratie », a déclaré le comité dans son communiqué. Quelque 338 concurrents étaient en lice, dont 224 personnalités et 94 organisations. Cette décision du comité norvégien du Nobel porte son lot d’interrogations. Ci-dessous quelques analyses.
María Corina Machado, figure de proue de la droite extrême vénézuélienne, a reçu le prix Nobel de la paix 2025, ce vendredi 10 octobre. © Jesus Vargas / DPA / ABACAPRESS.COM
Prix Nobel de la paix : pourquoi Maria Corina Machado ? (Christophe Ventura / IRIS)
Le vendredi 10 octobre dernier, le prix Nobel de la paix 2025 a été décerné à Maria Corina Machado, femme politique vénézuélienne, figure d’opposition de droite face au président Maduro, revendiquant de longue date une plus large opposition au chavisme. Elle incarne une contestation résolue du régime en place.
Cette décision du comité norvégien du Nobel porte son lot d’interrogations : si la justification d’attribution du prix semble avoir été régie par des critères particulièrement occidentaux, certaines positions et méthodes de Madame Machado paraissent éloignées de l’image d’une « faiseuse de paix » que l’on associe traditionnellement à une lauréate du prix. Que révèle cette nomination de l’état des rapports de force stratégiques à l’échelle internationale ?
Venezuela : un prix Nobel de la paix pour précipiter la guerre ? (Luis Reygada / L’Humanité)
En récompensant la figure de l’aile ultra-radicale de la droite vénézuélienne María Corina Machado, le comité d’attribution nourrit la spirale guerrière alimentée par Washington.

« La paix, c’est la guerre » ? Avec cette reformulation à l’envers de la célèbre phrase tirée de la fable dystopique d’Orwell, les membres du comité d’attribution du Nobel de la paix semblent vouloir graver dans le marbre un nouvel oxymore en décernant leur prix, vendredi 10 octobre, à la Vénézuélienne María Corina Machado (MCM).
Considérée comme « l’un des exemples les plus extraordinaires de courage civique en Amérique latine » par le président du comité norvégien, la leader de l’aile la plus radicale de la droite vénézuélienne représente pourtant précisément ce qu’il y a de moins pacifique sur la scène politique de son pays tant son parcours affiche clairement son penchant antidémocratique.
« Depuis ce début de siècle, il n’y a pas un chapitre de violence politique à laquelle elle n’a pas participé », explique à l’Humanité Filip Ristic, doctorant spécialiste de l’Amérique latine à l’université Complutense de Madrid et spécialiste du Venezuela.
Des liens avec le Likoud en Israël et Vox en Espagne
De son soutien actif au coup d’État subi par Hugo Chávez en 2002 à celui des sanctions états-uniennes – qui ont contribué à mettre à genoux l’économie locale – en passant par les manifestations antigouvernementales ultraviolentes de 2014, MCM n’est en rien étrangère au climat explosif que traverse depuis des années le pays sud-américain. Complice notoire d’une stratégie de la tension permanente, cette récipiendaire des prix Vaclav-Havel et Sakharov (tous deux en 2024) n’a-t-elle pas aussi une part de responsabilité dans la dérive autoritaire d’un pouvoir porteur d’un projet socialiste dans la mire de Washington depuis vingt-cinq ans ?
« Ses actes et positions publiques radicales lui ont longtemps valu une place marginale au sein de l’opposition, souligne Filip Ristic. La montée de l’extrême droite à échelle internationale et le soutien actif des États-Unis ont grandement contribué à sa dédiabolisation », précise-t-il, non sans rappeler les liens entre MCM et le Likoud de Benyamin Netanyahou ou encore avec Vox, l’extrême droite espagnole. (…)
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María Corina Machado : la dissidence sous tutelle (Maria Luisa Ramirez / Le Vent se Lève)
Des liens continuels et multiformes de María Corina Machado avec les États-Unis, il sera peu question dans la presse française. Pas davantage que de son soutien aux tentatives de putsch contre le gouvernement vénézuélien – ou de son appui aux sanctions américaines qui ont contribué à détruire l’économie de son pays.
De nombreux articles ont préféré souligner le dépit de Donald Trump, qui réclamait le Nobel de la paix. Sans remarquer que son attribution à María Corina Machado conforte le locataire de la Maison-Blanche dans sa politique étrangère, tant leurs prises de position, leurs alliances et leurs actions convergent. À l’heure où Washington multiplie les menaces contre Caracas, l’institution norvégienne vient-elle d’offrir la caution morale rêvée à une intervention militaire future ?
Dans le sillage de Washington
Dissidente libérale en « dictature tropicale », María Corina Machado incarne l’opposition rêvée des chancelleries occidentales. Au cœur de multiples actions visant à destituer Hugo Chávez dès ses premières années, elle prolonge son activisme comme députée sous Nicolas Maduro, avant d’être déchue de son mandat par la justice vénézuélienne en 2014. Grande gagnante des primaires à l’élection présidentielle dix ans plus tard, elle a été empêchée d’y concourir. Interdite d’exercer une fonction politique jusqu’en 2030, elle affirme vivre dans la clandestinité au Venezuela suite à des menaces de mort.
Cette trame a été reprise par la presse française suite à son attribution du prix Nobel de la paix. De Libération à BFM, les médias se sont complaisamment attardés sur le surnom de « libératrice » dont la gratifient ses partisans [libertadora, en référence au libertador Simón Bolivar, dans une tentative de ravir la mémoire du personnage dont Hugo Chávez puis Nicolás Maduro ont revendiqué l’héritage NDLR]. Mais au-delà de ces quelques éléments biographiques et des hommages officiels rapportés par les principaux quotidiens, on saura peu de choses sur le détail de sa vie politique. Celle-ci mérite pourtant que l’on s’y attarde.
Son entrée dans la vie politique, relativement tardive – aux alentours de ses trente-cinq ans – ne s’effectue pas sous n’importe quels auspices. Occupée jusqu’alors par des activités caritatives, María Corina Machado émerge comme figure de l’opposition en 2002, lors d’un éphémère coup d’État contre Hugo Chávez. Celui-ci renversé, c’est alors Pedro Carmona, à la tête d’une fédération patronale, qui s’empare du pouvoir durant quarante-huit heures ; il proclame un « Acte de Constitution pour un gouvernement de transition ». Parmi ses signataires : María Corina Machado. Le putsch, téléguidé par les États-Unis et une opposition de droite impopulaire, avorte. (…)
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Maria Corina Machado, Nobel de la paix : et si Trump avait finalement gagné ? (Thomas Posado / The Conversation)
La campagne de Donald Trump pour l’obtention du prix Nobel de la paix a été aussi inédite que pressante. La désignation de Maria Corina Machado a beaucoup surpris. Certes, elle vient couronner une lutte infatigable contre le gouvernement autoritaire de Nicolás Maduro ; mais le profil de la lauréate est davantage celui d’une militante opposée à la dictature de son pays que d’une pacifiste.

Cela reflète la tendance du Comité Nobel norvégien à davantage récompenser, ces dernières années, des promoteurs de la démocratie dans des régimes opposés aux intérêts géopolitiques occidentaux que des personnalités ayant « ayant le plus ou le mieux contribué au rapprochement des peuples, à la suppression ou à la réduction des armées permanentes, à la réunion et à la propagation des progrès pour la paix » comme le souhaitait Alfred Nobel dans son testament.
Ainsi, Maria Corina Machado s’inscrit dans la lignée du journaliste russe Dmitri Mouratov, lauréat en 2021, du militant des droits humains biélorusse Ales Bialiatski et de l’ONG russe Mémorial, célébrés en 2022, ou encore de Narges Mohammadi, militante des droits humains iranienne récompensée en 2023.
Qui est Maria Corina Machado ?
Le rapport à la paix de Maria Corina Machado mérite d’être questionné. En effet, outre son soutien à la tentative de coup d’État d’avril 2002 contre Hugo Chávez, alors président démocratiquement élu (soutien partagé par de larges secteurs de l’opposition vénézuélienne), Machado, âgée aujourd’hui de 58 ans, incarne les fractions les plus radicales des détracteurs d’Hugo Chavez puis de son successeur (depuis 2013) Nicolás Maduro et les plus subordonnées aux stratégies les plus brutales des États-Unis contre le gouvernement vénézuélien.
Ainsi, elle a été reçue par George W. Bush dans le bureau Ovale, le 31 mai 2005, en pleine guerre en Irak. En 2019, au moment de l’auto-proclamation de Juan Guaidó comme chef de l’État vénézuélien alternatif, qui sera reconnu par une soixantaine de pays, elle en appelait à une intervention militaire étrangère contre le Venezuela parce que « les démocraties occidentales doivent comprendre qu’un régime criminel ne sera chassé du pouvoir que par la menace crédible, imminente et grave d’un recours à la force ».
Plus récemment encore, début octobre, à l’antenne de Fox News, elle remerciait Donald Trump pour les assassinats ciblés qu’il commet dans la mer des Caraïbes et pour ses menaces militaires contre son propre pays.
Si d’autres lauréats, aux positionnements idéologiques variés, tels Henry Kissinger, Nelson Mandela, Yasser Arafat, Yitzhak Rabin, Shimon Peres ou Juan Manuel Santos, avaient pu commettre ou appeler à commettre des actes violents avant leur désignation, ils avaient rompu avec cette orientation au moment de leur prix ou participé au règlement d’un conflit, aussi provisoirement que ce soit. Ce n’est pas le cas de Maria Corina Machado. (…)
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Le Nobel de la Paix va à une des plus fidèles alliées de Trump au Venezuela (François Bougon / Médiapart)
Malgré les pressions de Washington et de ses alliés, malgré l’insistance du président états-unien et l’annonce d’un accord entre Israël et le Hamas la veille, Donald Trump n’a pas reçu, vendredi 10 octobre, ce prix Nobel de la paix qu’il convoitait tant. C’est une de ses fidèles alliées en Amérique latine, l’opposante vénézuélienne María Corina Machado, figure historique de la lutte contre le régime chaviste, qui a été distinguée cette année.
Dans un communiqué, le comité norvégien du Nobel a expliqué avoir distingué María Corina Machado « pour son travail inlassable en faveur des droits démocratiques du peuple vénézuélien et pour sa lutte en faveur d’une transition juste et pacifique de la dictature à la démocratie ». Il a aussi justifié son choix en expliquant vouloir récompenser l’engagement de l’opposante vénézuélienne « face à l’autoritarisme croissant au Venezuela ». À 58 ans, María Corina Machado, membre de la haute bourgeoise (sa famille possédait l’un des plus grands groupes sidérurgiques du pays), est une adversaire historique du régime autoritaire chaviste. Elle appartient à la droite la plus radicale, à la fois politiquement et économiquement, qui n’a cessé de lutter contre le projet socialiste mis en œuvre par Hugo Chávez, militaire putschiste arrivé au pouvoir par les urnes en 1998, puis par Nicolás Maduro après sa mort en 2013.

« Le prix Nobel est décerné soit à des personnalités qui agissent pour la paix, soit à des figures qui s’opposent à des dictatures. Avec María Corina Machado, on est clairement dans le deuxième cas. Car elle n’est pas particulièrement pacifique : elle a appelé à une intervention militaire des États-Unis contre son propre pays. Elle a aussi remercié Donald Trump pour les bombardements contre des embarcations de prétendus trafiquants de drogue dans les Caraïbes », dit Thomas Posado, maître de conférences en civilisation latino-américaine à l’université de Rouen et auteur de Venezuela : de la révolution à l’effondrement. Le syndicalisme comme prisme de la crise politique (1999-2021), aux Presses universitaires du Midi (2023).
« Son projet est de transformer le Venezuela en hub énergétique pour les États-Unis et le continent américain, poursuit-il. Elle a un discours extrêmement libéral et plaide pour la privatisation du géant pétrolier vénézulien PDVSA. »
De son côté, Yoletty Bracho, spécialiste de la région et maîtresse de conférences à l’université d’Avignon, relève que « lorsque le comité Nobel affirme qu’elle a réussi à unifier l’opposition, ce n’est pas conforme à la réalité : l’opposition au pouvoir de Caracas est plurielle et divisée ». (…)
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