🇦🇷 Stratégie d’annihilation de la culture en Argentine (Jérémy Rubenstein / AOC Média)


Des centaines de milliers de personnes ont manifesté dans plusieurs villes d’Argentine fin avril contre la politique du président Javier Milei qui tente d’assécher l’enseignement supérieur, la recherche, le journalisme, la culture, tous les secteurs qui se dédient à établir des vérités, par la connaissance, l’information ou l’exploration artistique et sont considérés comme peuplés de parasites par le nouveau gouvernement argentin.


Depuis l’investiture de Javier Milei à la présidence de la République argentine le 10 décembre dernier, son gouvernement s’est employé à bloquer les financements d’à peu près tous les services, directs ou délégués, de l’État. Cet assèchement s’est accompagné d’une rhétorique sur une supposée gabegie antérieure des finances publiques, ainsi que d’un lot quotidien d’invectives et d’insultes qui constituent désormais une bonne part de la parole publique du haut de l’État.

À la fois cibles de coupes budgétaires remettant en cause leurs existences et des insultes présidentielles, les institutions culturelles – au sens large, depuis l’Éducation publique jusqu’à celles dédiées aux arts – sont particulièrement détestées par le nouveau pouvoir. Au-delà la violence verbale, souvent délirante, cette hargne relève d’une stratégie d’une droite qui se dit nouvelle.

Recherche, journalisme, art, tous les secteurs qui se dédient à établir des vérités, par la connaissance, l’information ou l’exploration artistique, sont considérés comme peuplés de parasites et mis au pilori par le nouveau gouvernement argentin. Durant sa campagne, Milei a promis de fermer le CONICET (l’équivalent du CNRS en Argentine), probablement l’organisme de recherche le plus performant d’Amérique latine. Une fois à la tête de l’État, effectivement, le CONICET est asphyxié financièrement et de nombreux chercheurs sont contraints de prendre la route d’un exil « économique » (la distinction entre « migration économique » et exil politique n’a jamais été très convaincante du fait de politiques économiques forçant à la migration, son ineptie est flagrante dans ce cas).

L’agence de presse nationale, Télam, a brutalement été fermée. Du jour au lendemain, ses travailleurs ont trouvé porte close, dont l’accès était protégé par des clôtures et des policiers. Enfin, l’ensemble des financements des arts et de la culture ont été sévèrement sabrés, y compris l’emblématique INCAA (Institut National du Cinéma et des arts audiovisuels) qui permet à l’Argentine de compter parmi les meilleures productions de cinéma mondial. Bref, l’ensemble des professions qui ont pour raison d’être d’établir et discuter des vérités, questionner, vérifier, mettre en perspective, sont mis à l’index par le nouveau pouvoir.

Détruire les organismes qui ont pour vocation d’établir des vérités (questionnables, par nature) s’inscrit dans un agenda où le brouillage des vérités et leur recouvrement par une propagande permanente sont essentiel à ce pouvoir. Cela se comprend de la part d’un gouvernement qui vit dans une « vérité alternative », selon l’indétrônable expression de l’administration Trump. Il a cependant un acharnement particulier contre tout ce qui ressemble, de près ou de loin, au monde culturel qui interroge.

Tout d’abord, une telle hargne ne peut s’expliquer par le seul discours officiel, centré sur le budget et l’objectif de « déficit zéro », dont l’effet est un très rapide appauvrissement de la population bien au-delà des seuls secteurs culturels nommés. Lorsqu’il est question de recherche scientifique, de journalisme ou d’art, le gouvernement accompagne ses mesures d’asphyxie financière d’insultes ou de dénigrements envers les professions affectées.

Ainsi, Patricia Bullrich (ministre de la Sécurité) a justifié la fermeture de Télam car « les informations parviennent aujourd’hui par Twitter. Twitter est bien plus important qu’avoir une agence de presse ». Ironiquement, le chef de Reuters pour la région avait dû corriger la ministre. En effet, dans la même déclaration, elle a affirmé que l’agence britannique employait 250 journalistes à travers le monde afin de faire croire, par comparaison, que le millier de journalistes pour la seule Argentine de Télam fussent des fainéants ou des inutiles. (En réalité, Reuters emploie plus de 2500 journalistes et Télam était présent dans de nombreux pays). Quoiqu’il en soit, outre sa bêtise, Bullrich a exprimé tout le mépris dans lequel elle tient le journalisme. Mépris qu’il était tout à fait inutile d’exposer s’il ne s’agissait que d’une question d’économie budgétaire. (…)

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