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La Révolution Citoyenne et les femmes

L’Équateur est le premier pays latino-américain et l’un des pionniers à l’échelle mondiale à re-
connaître le droit de vote des femmes. Le 2 mai 1924, Matilde Hidalgo de Procel, une médecin
de la ville de Machala décide de voter pour les élections cantonales et en 1929 le droit de vote
des femmes est intégré à la Constitution. Si la reconnaissance des femmes comme citoyennes
ne provient pas d’une lutte organisée de «suffragettes» mais plutôt d’une absence de contre-in-
dication au vote féminin dans les textes officiels, à partir des années 1980, lors de la transition
à la démocratie, des groupements féministes s’organisent, les premières études de genre appa-
raissent, et le débat sur les droits des femmes reprend.

A partir de 1995, les organisations de femmes publiques défendant l’égalité de droits entre les DOSSIER
s’intègrent au sein de l’État et dans le monde hommes et les femmes.
des organisations politico-sociales. La Nouvelle Il est vrai que de nombreuses femmes occupent
Constitution de 1998 adopte un corpus de lois des postes à hautes responsabilités politiques
en faveur des femmes et crée le Conseil National et sont représentées au gouvernement grâce à
des Femmes. De leur côté, les femmes indigènes l’intégration de la dimension de genre au sein de
de la CONAIE incorporent la dimension de genre l’État et à la pression tenace exercée par les or-
à leur lutte, et presque toutes les organisations ganisations de la société civile. La notion de res-
de femmes du pays appellent à une assemblée pect des femmes a été intégrée à l’espace public.
constituante et à la reconnaissance d’un État plu- Par exemple, plusieurs campagnes de commu-
rinational. nication contre le harcèlement verbal envers les
Le principe du « Buen Vivir », fondement de la femmes ont été organisées dans les transports
Constitution de 2008, définit un nouveau «contrat en commun par ONU-Femmes et le ministère
social» qui se base sur les droits humains, valo- d’inclusion sociale : la campagne aspire à décons-
rise la cohabitation éthique entre les femmes et truire les clichés machistes de l’imaginaire latino-
les hommes, et participe à la construction de la américain, et à montrer que les commentaires
femme comme sujet. En effet, depuis le début de que certains hommes adressent aux femmes ne
la Révolution Citoyenne, de nombreux droits ont sont pas d’ordre naturel mais relèvent de la vio-
été gagnés par les femmes équatoriennes : le droit lence de genre et portent atteinte à leurs droits.
à l’intégrité personnelle, à une vie sans violence, à Cependant des limites subsistent : en effet, la
l’égalité et à la non-discrimination, la parité hom- question qui reste en attente est celle de la dé-
mes/femmes lors des processus électoraux, l’égal pénalisation de l’avortement, mais la société pa-
accès aux instances de décision et de direction triarcale reste sur ses gardes et récemment les dé-
dans le domaine public, l’administration judiciai- putées d’Alianza País qui ont voté en faveur de la
re, les organismes de contrôle et les partis politi- dépénalisation de l’avortement en cas de viol ont
ques. Egalement, la reconnaissance des droits de été sanctionnées par le président de la Républi-
décision relatifs à la vie sexuelle et reproductive, que qui leur a retiré pendant un mois le droit de
la reconnaissance du labeur domestique comme réaliser leur activité politique.
travail productif, l’égalité et la coresponsabilité Cette polémique a été reprise par de nombreux
médias sans ouvrir un débat de fond sur l’avor-
dans la tement.
famille, Pour reprendre les mots du journaliste Alfonso Es-
le sou- pinosa : « le thème de l’avortement dans les médias
tien aux équatoriens est traversé par une série de valeurs ju-
«Jefas de déo-chrétiennes. C’est pourtant un thème public et
Familia», quotidien car chaque jour des milliers de femmes y
l ’é d u c a - ont recours, mais parce que c’est illégal, cela devient
tion sans un drame moral, qui reprend tout l’attirail cosmi-
discrimi- que-ontologique de la création et paralyse le débat.
nation de Et personne ne se risque à un débat public sur l’avor-
genre, et tement, car c’est un tabou, au grand bonheur des
l’adop-
tion de
politi-
ques

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