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ACTUALITES

LE MEXIQUE ENTRE VIOLENCE
ET RÉSISTANCE

Il y a vingt ans, le 1er janvier 1994, une insurrection secouait la vie politique mexicaine. A
l’aube même de l’entrée en vigueur de l’Accord de libre-échange nord-américain, les Indiens
du Chiapas, les oubliés, les sans-voix, les invisibles, rappelaient au monde qu’ils n’enten-
daient plus laisser piller leurs richesses et que, désormais, ils feraient entendre leur parole
pour construire un autre monde de justice, de dignité et de paix.

Le mouvement zapatiste a traversé les mandats Avec la réforme des articles 27 et 28 de la Consti-
de quatre présidents, deux du Parti révolution- tution mexicaine, le gouvernement s’apprête à
naire institutionnel (PRI, au pouvoir pendant 70 toucher à ce que beaucoup de Mexicains consi-
ans), Carlos Salinas et Ernesto Zedillo, deux du dèrent comme le bien inaliénable de la Nation,
Parti d’Action nationale (PAN, droite conserva- le pétrole, pour l’offrir au secteur privé.
trice et cléricale), Vicente Fox et Felipe Calderón, Pemex, ou Petróleos Mexicanos, a été créée le 18
et assiste aujourd’hui, sans illusion, au retour du mars 1938, par le président Lázaro Cardenas,
PRI aux commandes du pays, avec Enrique Peña suite à la nationalisation de l’industrie pétro-
Nieto. De ce président, rappelons seulement qu’il lière mexicaine, alors aux mains de compagnies
était, en 2006, gouverneur de l’Etat de Mexico et étrangères. Les travailleurs pétroliers, en conflit
l’un des responsables de la répression d’Atenco avec leurs employeurs britanniques et étasu-
contre le FDPT (Front de défense des peuples niens, avaient trouvé chez lui un soutien qui
pour la terre). aboutira à la création de l’entreprise publique.
Pendant que le mouvement zapatiste fait vivre, Soixante-quinze ans après, malgré les mobilisa-
au Chiapas et ailleurs dans le pays, avec quel- tions monstres contre la privatisation, la réforme
ques succès, son projet autogestionnaire dans de l’énergie, préparée conjointement par le PRI
les communes autonomes, personne ne croit et le PAN et qui sera approuvée par le Congrès
à une véritable volonté gouvernementale de avant Noël, redonnera aux compagnies étrangè-
reprendre les négociations suspendues depuis res le contrôle sur le pétrole, pour l’exploration,
1996. Même si un envoyé spécial du président, la production et la commercialisation, et sur la
Jaime Martínez Veloz, s’est rendu, il y a quelques production de l’électricité.
semaines, au Chiapas pour faire connaître sa Andrés Manuel López Obrador, qui vient de créer
stratégie pour relancer le dialogue avec l’Armée un nouveau parti, le Mouvement de régénéra-
zapatiste de libération nationale (EZLN). Même tion nationale (MORENA), est le principal anima-
si le président a amnistié Alberto Pathistan, un teur de l’opposition à cette privatisation. Pour
enseignant chiapanèque, injustement empri- lui, il s’agit d’un cadeau annuel, à des entreprises
sonné pendant treize ans. étrangères, de plus de 100 milliards d’euros, le
Enrique Peña Nieto a pris ses fonctions il y un vol du siècle, pire que ce qui a été volé aux Mexi-
an. Il souhaiterait probablement « pacifier » le cains dans le passé. Le gouvernement n’a nulle-
Chiapas, une région riche, entre autres, en gaz et ment l’intention de renforcer le secteur indus-
pétrole car le projet prioritaire de ce jeune pré- triel mexicain car il n’est pas prévu de construire
sident ultralibéral est la privatisation totale du de nouvelles raffineries, ni même de remettre
pétrole mexicain et de son entreprise nationale en état celles qui existent, pas plus que de ces-
Pemex ainsi que celle du secteur électrique, déjà ser d’importer de l’essence. Dans la mesure où
affaibli par le coup de force porté contre le Syn- l’extraction du pétrole finance actuellement une
dicat mexicain des électriciens (SME) par Felipe partie importante du budget du pays, l’impact
Calderón, en 2009, avec le lockout de plus de 40 de la privatisation touchera gravement l’investis-
000 travailleurs. sement public (éducation, santé) et le système
des retraites.