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Révolution Citoyenne en Équateur :
                     « Bien-vivre » ou néo-développement ?

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Photo : Cathy Ferré  Un dossier coordonné par Cathy Ferré, membre du Bureau National de France Amérique Latine
                                                             et Lucía Villaruel, FAL Marseille, consultante en projets à Quito

L’Équateur jouit d’un rayonnement international inversement proportionnel à sa modeste superficie.
On a pu le constater une fois de plus lors de la récente visite en France de Rafael Correa qui a donné à la Sorbonne une conférence
- très appréciée par les nombreux participants et les médias alternatifs- au cours de laquelle il a appelé les peuples d’Europe à lutter
contre le capitalisme financier pour sortir de la crise.
La Révolution Citoyenne fascine et une partie de la gauche européenne l’érige parfois en modèle.
Audit de la dette, Constitution élaborée avec la participation des citoyens, reconnaissance de nouveaux droits et de la dimension
plurinationale de l’État, planification, renégociations favorables des accords économiques, progrès sociaux, réalisation d’infrastruc-
tures dans tout le pays: depuis 2007, les réussites sont nombreuses et semblent conformes à la volonté de construire « une patrie
souveraine, digne, juste, sans misère, sans chômage, sans discrimination ». Les résultats électoraux successifs témoignent du recul
important des partis de l’oligarchie et du soutien populaire au projet gouvernemental.
D’ailleurs, l’ONG Latinobarómetro, soutenue par la Banque Interaméricaine de Développement, les Nations Unies et l’Organisation
des États Américains - organismes que l’on peut difficilement soupçonner de complaisance envers les gouvernements progressis-
tes d’Amérique latine - atteste dans son rapport 2013, que 62% des Equatoriens font confiance à leur démocratie, ce qui place le
pays à la 2ème place du continent, juste après le Venezuela.
Pourtant, le processus n’est pas sans contradictions et de nombreux mouvements sociaux du pays considèrent que la remise en
cause du capitalisme, revendiquée par le président Correa, ne va pas au-delà des discours.
C’est pourquoi, lors du suffrage de 2013, plusieurs composantes de la gauche radicale et des organisations indigènes se sont unies
afin de présenter des candidats indépendants : cette tentative n’a guère convaincu les électeurs mais elle est significative des ten-
sions qui s’accentuent entre le Mouvement Alianza País et une grande partie des forces militantes du pays.
Les principaux points de désaccord portent sur les choix de développement privilégiés par le gouvernement, qui considère la re-
crudescence de l’extraction pétrolière et minière comme seul moyen d’éradiquer la pauvreté.
En revanche, les mouvements indigènes et écologistes accusent le président Correa de trahir l’esprit de la Constitution, de bafouer
les droits des peuples autochtones, de criminaliser leurs luttes et insistent sur la nécessité de changer le modèle économique.
Les positions gouvernementales sur les droits des femmes et un exercice démocratique en deçà des attentes sont également au
cœur des critiques.
On le comprendra, les avis sur les succès, les enjeux mais aussi les paradoxes de la Révolution Citoyenne et les conflits qui en décou-
lent, sont contrastés, voire controversés. Les articles présentés dans ce dossier se veulent le reflet de certains débats qui traversent
la gauche équatorienne et de la diversité des sensibilités.
Au lecteur de se forger une opinion sur le difficile équilibre de la Révolution Citoyenne entre « Buen Vivir » hérité de la cosmovision
indigène et course au développement, entre Terre Mère et Dieu Pétrole.
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