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ACTUALITES
Retour de mission dans l’État du Guerrero
L’association Réseau solidaire Décennie contre l’impunité1 est née dix ans après l’insurrection zapa-
tiste de 1994. Elle regroupe des victimes de violations des droits humains, leurs familles ainsi que
des ONG et des défenseurs des droits de l’homme. Depuis 2009, elle a un statut consultatif auprès
de l’Organisation des Etats américains (OEA) comme une vingtaine d’associations mexicaines. Son
président est Raúl Vera López, évêque de Saltillo (Coahuila).
torture, que l’on menace ou que l’on
déplace. Il conduisait, en février der-
nier, une mission d’observation des
droits humains dans l’État de Guerrero,
appuyée par France Amérique Latine
et qui a fait étape à Iguala, ancienne
capitale économique de la région et
cœur de la production minière, à Chil-
pancingo, capitale administrative de
l’État, à Ayutla et, enfin, à Acapulco sur
la côte pacifique.
Photo : Françoise Escarpit. A Iguala, don Raúl, comme on l’appelle,
était attendu sur la place centrale de la
En 1995, Raúl Vera avait été nommé évêque coa- ville. Les mineurs de Taxco – ancienne
djuteur auprès de Samuel Ruiz à San Cristobal de capitale de l’argent-, étaient là, en lut-
las Casas au Chiapas, et lui a succédé lorsque ce te depuis des années contre le grou-
dernier a pris sa retraite en 1999. Mais, en 2000, pe México et solidaires des familles
sans doute considéré comme trop politique, il des 69 mineurs de Pasta de Concho (Coahuila)
est muté au nord du pays. Dès lors, sans renon- dont les corps gisent, depuis 2006, au fond de la
cer à ses liens avec le Chiapas, il mène, avec Sa- mine, les propriétaires refusant d’engager les dé-
muel Ruiz (décédé en 2011) une lutte inlassable, penses nécessaires pour les remonter. Présente
en particulier auprès des migrants, mexicains et la famille d’Arturo Hernández Cardona, enlevé
centraméricains, et des familles de disparus. après une manifestation et dont le corps a été
« Auparavant, rappelle Raúl Vera, de 1988 à 1995, retrouvé avec ceux de deux autres personnes,
j’étais évêque de Ciudad Altamirano, dans l’État de six jours plus tard, portant de multiples traces de
Guerrero. Et j’ai parcouru, à dos de mule souvent, tortures, et d’autres encore qui ont eu à souffrir
tous les villages et hameaux de la Sierra (connue d’une disparition, d’agression, de tentative d’ho-
pour la culture de pavot et la violence qui découle micide, d’arbitraire policier… En deux ans, dans
de son trafic NDLR) qui faisaient partie de mon dio- l’État de Guerrero, il y a eu plus de quinze assas-
cèse. C’est dire que je connais la région». sinats de défenseurs des droits humains, crimes,
Cet homme, auréolé de cheveux blancs comme en majorité, impunis.
neige, travaille aujourd’hui aux côtés de tous Pour Raúl Vera, «la seule voie pour la paix sociale
ceux dont les droits sont bafoués, ceux que l’on et le rétablissement du droit est la construction de
la justice». Il a appelé les partis politiques à « ces-
ser de pratiquer le clientélisme et la corruption »,
à ne pas utiliser « les bandes criminelles contre le
peuple » et, surtout, à ne pas considérer les « dé-
fenseurs des droits humains, comme leurs ennemis ».
A ceux qui lui reprochent d’être trop politique,
1(Red Solidaria Década Contra la Impunidad A.C. http://decadacontra-
laimpunidad.blogspot.fr/)