Sentence du tribunal international des peuples Lima Mai 2008

Lima, 16 mai 2008

Fondateur : Lelio Basso
Président: Salvatore Senese

Membres du Jury :
François Houtart (Président, Belgique), Vilma Nuñez (Vice – Présidente, Nicaragua), Blanca
Chancoso (Equateur), Miren Etxezarreta (Etat Espagnol), Franco Ippolito (Italie), Edgardo
Lander (Venezuela), Francesco Martone (Italie), Lorenzo Muelas (Colombie), Patricio
Pazmiño (Equateur), Roberto Schiattarella (Italie), Giulia Tamayo (Pérou), Alirio Uribe
(Colombie), Gianni Tognoni (Secrétaire Général TPP, Italie).
FONDAZIONE LELIO BASSO. SEZIONE INTERNAZIONALE
www.internazionaleleliobasso.it

1 – INTRODUCTION.
Le tribunal Permanent des Peuples, créé en 1979 pour succéder aux Tribunaux Russel sur le Vietnam (1966-1967) et sur les dictatures d’AL (1974-1976), de par son statut, a
également pour vocation de donner une visibilité et de qualifier en des termes de droits
toutes les situations, où la violation massive des droits fondamentaux de l’humanité, qui ne trouve pas de reconnaissance ni de réponses institutionnelles, que ce soit dans le cadre national ou international.

Ainsi, depuis 25 ans et à travers 35 sessions, le Tribunal Permanent des Peuples a
accompagné, anticipé et appuyé les luttes des peuples contre le vaste spectre des violations des droits fondamentaux, incluant la négation de l’autodétermination, les invasions étrangères, les nouvelles dictatures, les esclavages de l’économie et la destruction de l’environnement.

Le jury désigné par la Présidence du Tribunal Permanent des Peuples était composé par:

•François Houtart (Belgique), Président de la Session, Fondateur du Centre
Tricontinental (CETRI) et de la revue Alternatives Sud.
•Vilma Nuñez (Nicaragua), Vice présidente, avocate et Présidente du centre
Nicaraguayen de Droits de l’Homme.
•Blanca Chancoso (Equateur), coordonnatrice de l’Ecole de Femmes Leaders
Dolores Cacuango de l’organisation Ecuarunari.
•Miren Etxezarreta (Etat espagnol), Professeure émérite d’Economie appliquée de
l’Université Autonome de Barcelone, membre du groupe des économistes alternatifs
européens, Euromemorendum Group.
•Franco Ippolito (Italia), Juge de la Cour Suprême de Cassation en Italie et du TPP.
Ex président de la Magistrature Démocratique et ancien porte parole du Conseil
Supérieur de la Magistrature d’Italie.
•Edgardo Lander (Venezuela), Professeur de Sciences Sociales à l’Université
Centrale du Venezuela à Caracas, membre du groupe d’investigation sur
Hégémonies et Émancipations du Conseil Latino-américain de Sciences Sociales
(CLACSO).
•Francesco Martone (Italie), Ancien sénateur italien.
•Lorenzo Muelas (Colombie), ancien sénateur colombien et actuel gouverneur du
peuple Guambiano. Écrivain et défenseur des droits des peuples indigènes.
•Patricio Pazmino (Equateur), Président du Tribunal Constitutionnel d’Equateur.
•Roberto Schiatarella (Italie), Professeur d’Economie de l’Université de Camerino.
Chercheur sur les ETN.
•Giulia Tamayo (Pérou), militante des droits de l’homme au Pérou.
•Alirio Uribe (Colombie), Président des collectifs des avocats José Alvear Restrepo
en Colombie. Défenseur des droits de l’homme.
•Gianni Tognoni (Italie), Secrétaire général du TPP.

1.1. La justification de l’existence d’un Tribunal Permanent des Peuples sur les
Transnationales européennes et leurs impacts en Amérique latine et Caraïbe.
L’opportunité et la nécessité de convoquer une session formelle du TPP, fut reconnue lors de l’audience du même TPP, à Vienne en mai 2006, dont la conclusion était : « la complexité et le sérieux des dénonciations et les violations relatives nécessitent plus d’investigations ».

Au coeur de la préoccupation du TPP se trouve l’impact de la politique économique
européenne sur les conditions de vie et la pérennité des droits fondamentaux des
populations latino-américaines, par le fait que la priorité apparaît reconnue dans les intérêts des entreprises, au mépris des principes du développement durable comme des droits de l’homme et des peuples. Cette tendance, clairement mise en évidence lors de la session de Vienne, s’est confirmée avec le document stratégique Global Europe Competing in the world d’octobre 2006, qui prévoit une nouvelle génération d’accords bilatéraux pour assurer tous les intérêts des corporations européennes à l’étranger.
Le réseau d’organisations représentées au sein d’Enlazando Alternativas 3 requiert
officiellement la convocation de la session à la fin 2007. Suivant l’étape d’instructions prévue par ses statuts, le TPP accepta la requête, laquelle fut considérée comme particulièrement pertinente par rapport au rôle institutionnel du TPP pour deux raisons basiques :
1- Les peuples, les mouvements et la diversité des acteurs participant à EA3 (voir annexe 1) représentent une des plus importantes expressions de la lutte actuelle relatives aux droits des peuples, celle qui justifie l’existence de la présente session du TPP, en se basant sur la Déclaration Universelle des Droits des Peuples d’Alger de 1976.
2- Les thèmes de la requête constituent une importante opportunité pour continuer et
amplifier la fonction investigatrice du TPP concernant la relation entre les lois économiques et les droits de l’homme et des peuples. Ce travail a débuté dès la création du TPP en 1979, à partir d’une série de jugements qui inclurent des thèmes tels que :
•Le rôle des corporations transnationales dans les dictatures d’Amérique Latine
(Bruxelles, 1975) ;
•Les causes de l’impunité de ceux qui ont commis des crimes dans las pays latinoaméricains
(Bogota, 1991) ;
•La conquête de l’Amérique latine et les origines du Droit International (Venise, 1992);
•Le cas du désastre de Bhopal et l’irresponsabilité corporative (Bhopal, 1991 –
Londres, 1994) ;
•Les corporations transnationales dans les industries textiles, du vêtement et de la
confection sportive et leurs impacts sur les droits du travail et de l’environnement
(Bruxelles, 1998) ;
•Les mauvaises pratiques des corporations transnationales (Warwick, 2001) ;
•Le rôle des corporations transnationales en Colombie (Berne, 2005 – Bogota, 2006-
2008).
Pour des informations additionnelles sur les procès mentionnés, voir le site web :

http://www.internazionaleleliobasso.it

1 A Vienne, les cas présentés concernaient les entreprises suivantes Suez, Aguas de Barcelona, Union Fenosa, ING,
Rabobank, ABN AMRO, BBVA, British Tobacco, Unilever, Telefónica, Calvo, Marine Harvest, Andritz, Botnia, Ence, Aracruz
Celulosa, Monterrico Metals, Benetton, Bayer, Cargill, Bunge, Hendris-Nutreco, Vion Food Group, BP, Repsol-YPF, Consorcio
OCP, Riu Resorts, Ibero Star, Oasis, Gaia, Viva, et de l’agence de coopération allemade GTZ .
Pour plus d’informations : http://peoplesdialogue.org/es/node/414

1.2. La procédure
Les audiences du TPP se sont déroulées, entre les 13 et 14 mai, à travers trois sessions.
Témoins et experts ont présenté oralement les cas sélectionnés, remettant les documents de support, et aussi en répondant aux questions des membres du jury.
La session a également compté avec la contribution de deux experts, nommés par le TPP comme amici curiae, Alejandro Teitelbaum et Juan Hernández Zubizarreta.
La commission européenne à Bruxelles, qui a reçu la notification de la célébration de la
procédure du TPP et l’existence de la session de Lima, a répondu en justifiant son absence dans le débat public, due à des engagements institutionnels.
Parmi les entreprises inclues dans la session du Tribunal (Aguas de Barcelona, Bayer,
BBVA, Botnia, Camposol, Cermac Mainstream, Marine Harvest, HSBC, Monterrico Metals, Proactiva, Repsol-YPF, Roche, Santander, Shell, Skanska, Suez, Syngenta, Telecom Italia, Thyssen Krupp, Unilever, Unión Fenosa), CAMPOSOL de Norvège s’est fait présente et est intervenue devant le Tribunal.
La délibération du Tribunal s’est déroulée à huit clos, le 15 mai jusqu’à l’aube du 16 mai 2008.

2- LES CAS.
Le travail d’identification et de documentation des cas sélectionnés pour cette session du TPP devait tenir compte des conclusions formulées lors de la session de Vienne (mai 2006), pour approfondir particulièrement, d’un coté, la typologie des violations des droits humains et des peuples, ainsi que les mécanismes qui les produisent et, d’un autre coté, l’attribution des responsabilités des différents acteurs, privés comme les transnationales, et publics comme les entités des gouvernement d’Europe et d’Amérique latine.
Les résultats de cette activité d’approfondissement tout au long de ces deux années, se sont traduits par :
a) des pré audiences dédiées à des cas exemplaires, comme celui d’UNION FENOSA dans les pays d’Amérique centrale (Managua, octobre 2007) et du BBVA (Bilbao, octobre 2007), et des évènements parallèles organisés à Glasgow, Madrid et La Haye, dont la documentation a été amené au TPP et doit être considérée comme matériel intégrant de cette session ;
b) la préparation d’une documentation écrite et visuelle plus détaillée sur les cas choisis pour la présentation de la session publique de Lima, a été mise à disposition des membres du Jury quelques semaines avant la session même.
Comme on peut le voir dans le programme (Annexe 2) et dans les documents examinés par le Jury (voir le site : www.internazionaleliobasso.it), les cas peuvent être considérés comme une démonstration qualitative et représentative tant en considérant les secteurs identifiés à Vienne comme les plus critiques du point de vue des violations des droits humains et des peuples, qu’en essayant de comprendre ce que ces cas exemplaires signifient par leurs implications, leurs conséquences structurelles et leur qualification juridique.
De fait, chaque cas individuel a mis clairement en évidence que les violations dénoncées ne sont pas des accidents casuels, mais sont bien des indicateurs et expressions normales de la façon dont les politiques générales et les pratiques concrètes de violation de droits par les transnationales, développées dans des conditions de totale permissivité et/ou impunité, et cautionnées par les autorités publiques responsables (dans les pays d’origine des transnationales et/ou dans les pays des victimes des violations).
Ce qui a particulièrement impressionné le TPP, et qui a été perçu à travers la diversité de cas, c’est la récurrence systématiques du mépris de la vie et de la dignité des personnes et des communautés, que ce soit des femmes ou des enfants, des paysans, des pécheurs et des travailleurs de l’industrie.
Le tribunal a entendu 21 cas des entreprises transnationales appartenant à 12 secteurs
(mines, pétrole, complexe forestier, pharmaceutique, télécommunications, agroalimentaire, sidérurgie, électricité, eau, agrochimiques, banque et instruments financiers, graines transgéniques) qui opèrent dans les pays d’Amérique latine et qui apparemment ont des patrons de conduite similaires dans leur façon d’agir, causant d’impressionnants effets négatifs, particulièrement dans les secteurs comme :

a) Secteur des relations de travail : à travers la précarisation et l’exploitation du travail, la criminalisation de la contestation sociale, caractérisée par des répressions violentes
amenant à l’extrême violation du droit à la vie et à la liberté individuelle, ainsi que des
imputations délictueuses qui vont du délit d’association à l’accusation de terrorisme. La
persécution syndicale avec des renvois injustifiés et massifs, a été considérée comme
évidente dans le cas de l’entreprise agroalimentaire CAMPOSOL, à travers des actions
conformes à la pratique régulière, parmi elles, le renvoi massif en décembre 2007 de 385 travailleurs, parmi lesquels 80 % d’entre eux étaient syndiqués.
b) Secteur de l’environnement : en particulier, mais pas exclusivement, de la part des
industries des mines et du pétrole, qui continuent à jouer un rôle dans la dégradation des
sols, contaminant les eaux, entraînant la déforestation et même dans certains cas la
désertification, avec un impact énorme et irréversible sur la biodiversité de nombreuses
régions.

Le cas emblématique présenté par les personnes affectées par l’entreprise minière MAJAZ, qui – si elle continue à s’étendre – affecterait la vallée du fleuve Amazone. Dans de nombreuxcas, le cas dramatique de l’impact des délits environnementaux sur la sécurité alimentaire, l’accès à l’eau, le déplacement forcé des espaces de vie. Parmi lesquels, on peut citer le cas de THYSSEN KRUPPP, paradigme du modèle d’investissement excluant et contaminant, rendu possible grâce à l’indifférence et à l’absence de l’Etat du Brésil.

c) Dans le secteur des graines transgéniques : le cas de SYNGENTA, présenté au TPP par Via Campesina et Terra de Dereitos, documente sur la manière dont les anciens
mécanismes de la contamination massive, la répression violente par les forces
paramilitaires, jusqu’à l’assassinat des travailleurs, de l’absence voire la connivence de l’Etat et la criminalisation des opposants, continuent d’être immuables dans les secteurs présentés comme des secteurs « du futur ».

d) Secteur de la santé de la population : le TPP a reçu des preuves solides sur les
dommages directes, due à la contamination des aquifères, ainsi que l’intoxication des
pesticides. Deux cas apparaissent comme exemplaires : a) l’intoxication, par le produit
Paration de l’entreprise allemande BAYER, de 44 enfants de la Communauté de
Tauccamarca et la mort de 24 d’entre eux ; b) l’intoxication avec le pesticide Nemagon,
distribué largement par SHELL OIL COMPANY, avec une violation ouverte des règles du marché, en particulier au Honduras et au Nicaragua, et les conséquences dramatiques de maladies et décès (non reconnus de manière adéquate, du moins du point de vue de la
compensation économique).

De même, des accusations ont été reçues contre l’entreprise ROCHE pour sa conduite
corporative au Brésil. Les témoins ont dénoncé la violation, de la part des transnationales, du droit citoyen et de l’accès aux médicaments génériques comme conséquence de l’application, du droit de la propriété intellectuelle. Dans le même temps, ils ont mis en lumière la conduite de la ROCHE qui attente – à travers des actions en justice – à la viabilité du programme d’accès universel au traitement médical au Brésil et aux droits reconnus par la même constitution fédérale.

e) La corruption, endémique, dans laquelle est impliquée différents acteurs, à travers l’octroi de concessions d’exploration et d’exploitation, ainsi que les privatisations imposées comme conditionnelles pour la concertation des accords avec les pays par les organismes financiers internationaux. Des exemples particulièrement clairs sont illustrés dans le cas d’UNION FENOSA, dans le processus de privatisation de la distribution de l’énergie au Nicaragua, et dans le cas de l’entreprise suédoise SKANSKA, dénoncée pour son engagement dans des cas de corruption et de paiement de surcoût au Pérou dans le plan d’expansion du gazoduc de Camisea.

f) Secteur financier : les mécanismes généraux, ainsi que des cas spécifiques dans ce
secteur chaque fois plus influant dans le cadre global, ont été documentés à travers l’analyse de trois cas ; celui de HSBC, qui a permis de mettre en évidence pour le TPP, la complexitédes croisements d’intérêts des acteurs privés et publics, individuels et collectifs, présents pendant des années au Pérou.

Il est évident que ces processus affectent la démocratie et la souveraineté des Etats : les
responsables gouvernementaux deviennent complices des acteurs privés nationaux et
internationaux et renoncent tacitement au devoir d’application de la législation interne devant protéger les habitants. Quand au contraire, les gouvernements nationaux décident de revendiquer leur propre souveraineté économique et contrôle public sur des secteurs
stratégiques, les entreprises transnationales ont d’autres options pour protéger leurs propres intérêts.

Le cas TELECOM-ITALIA a prouvé le rôle des organismes arbitraux internationaux comme le CIADI dans la défense des intérêts exclusifs des entreprises transnationales qui profitent des processus de privatisation des services publics en Amérique latine, à travers le cas spécifique dans les secteurs des télécommunications en Bolivie. Il faut souligner que dans ce cas, le gouvernement bolivien a méconnu l’autorité du CIADI, en retirant sa participation à l’organisme, considéré antidémocratique et partial.

2.1. Le tribunal a examiné aussi plusieurs cas relatifs à des violations des droits des
communautés, des peuples et nationalités indigènes et afro descendantes, dans
lesquels ont été dénoncé :
1° La destruction de la nature , source et espace de vie et, pour eux, sacré. Il ne s’agit pas seulement d’une agression physique par la contamination des sols et de l’eau, l’érosion des terres et la destruction des forêts, mais aussi une agression morale contre la Pacha Mama (mère nourricière). Elle ne peut pas être un objet d’exploitation, elle doit être respectée. Dansla mondovision des peuples indigènes, les êtres humains, fils de l’eau et de la terre, vivent en symbiose avec la nature dont ils puisent de quoi vivre. C’est pourquoi sa destruction signifie un manque de respect pour la vie dans son ensemble, et pour autant, une oeuvre de mort. C’est ce qui a été mis en évidence, par exemple, dans le cas de l’entreprise UNION FENOSA de l’Etat Espagnol avec l’entreprise de SALVAJINA dans le Cauca de Colombie et dans le fleuve Anchicaya, Vallée du Cauca, avec la destruction de la biodiversité et la contamination de l’eau ; par les opérations de la MINERA MAJAZ, de Grande Bretagne dans le nord de Piura au Pérou avec la destruction de la biodiversité et la contamination de l’eau ; avec REPSOL, la compagnie pétrolière espagnole, qui endommage gravement les écosystèmes de plusieurs régions de Colombie, d’Equateur, de Bolivie et d’ Argentine.

2° L’expulsion des communautés de leurs terres, de plus en plus accompagnée de violences de l’armée, de la police et des milices armées. Dans de nombreux cas, des abus d’autorité – voire d’indifférence, d’inaction, et même de complicités de certains médias judiciaires – ont aussi été prouvés.
Aussi, des cas d’achat de conscience et de cooptation d’individus et de communautés, faits qui se sont avérés par de nombreux témoins, comme les cas présentés dans le cadre de l’accusation d’UNION FENOSA opérant en Colombie, Guatemala, Mexique et Nicaragua, qui n’a pas payé les compensations des populations indigènes, paysannes et afro descendantes. Dans le cas de SHELL, cette entreprise hollando britannique a utilisé la répression illégale contre des communautés brésiliennes et argentines, à Loma de la Lata et à Neuquén ; REPSOL a été assigné, comme responsable du manque de respect des droits des Mapuche Paynemil et Kaxipayin de l’Argentine, de la Bolivie et d’Equateur.

L’entreprise SHELL a aussi été dénoncée en ce qu’elle sollicite les mêmes traitements
répressifs contre des communautés qui réclament leurs propres droits environnementaux
dans un pays européen comme l’Irlande.

En prenant en compte les graves conséquences générées par les activités des entreprises
multinationales dans les territoires des communautés indigènes et afro-américaines et
considérant que, dans la majorité des cas, les faits générés sont irréversibles et irréparables, il est essentiel que les autorités compétentes prennent des mesures pour les prévenir.

3- UNE PRATIQUE DE L’ECONOMIE QUI DEGRADE LES DROITS.
Les cas concrets qui ont été portés à la connaissance du TPP ne sont pas des faits isolés
mais, au contraire, ils reflètent les schémas des agissements à grande échelle conduisant
nécessairement à réfléchir sur de nouveaux problèmes plus généraux. Le comportement des entreprises en milieu local se manifeste dans toute sa rigueur et permet de percevoir plus clairement leurs objectifs et leur ligne de conduite, mais il ne s’agit que de manifestations concrètes de logiques plus générales, qui encadrent les agissements des agents au niveau local. Par conséquent, en partant d’expériences spécifiques, il convient d’en déduire les lignes de conduite et les schémas qui traduisent les tendances plus générales de la compétitivité mondiale qui régit le monde actuel.
La recherche de bénéfices par les ETN, ajoutés à la priorité qu’accordent les politiques et la culture économique aux intérêts des entreprises ont pour conséquence :

•La marchandisation de tous les aspects de la vie sociale visant à renforcer le droit de
propriété privé et l’accumulation de capital.
•Des transformations du rôle de l’Etat.
La coïncidence de l’intérêt privé avec l’intérêt publique. L’Etat perd son rôle de
garant des Droits de l’Homme et du bien-être général.
Les politiques publiques se construisent et s’articulent autour des intérêts des
entreprises au lieu de le faire sur la base de l’intérêt général. En exemple de cette
tendance, on pourrait citer les politiques de favoritisme que les gouvernements
pratiquent afin d’attirer les investissements étrangers ou encore certaines formes
de législations sur le travail favorable aux entreprises.
La politique actuelle de l’Union Européenne, qui utilise les négociations bilatérales
avec les Etats limitrophes pour stimuler les intérêts économiques de la ETN, et
les défendre comme s’il s’agissait de pays de l’Union. De même, n’oublions pas le
rôle des autres organismes internationaux comme l’OMC, FMI, BM, OCDE, BID,
CAF dans la même ligne de collaboration avec les ETN qui ont déjà été largement
commentées lors de précédentes sessions du Tribunal.
Le fonctionnement actuel du système économique et social soutient le fait
qu’encore et toujours, il y ait de moins en moins de personnes et d’agents qui prennent des décisions sur les conditions d’existence et la vie de la majorité. Ceci
est encore plus évident avec la croissance actuelle des capitaux financiers et son
empire sur l’économie mondiale ainsi que la modalité de ses bénéfices. Le
intérêts financiers énormes gravitent de diverses manières sur tous les aspects
de la vie économique, en introduisant des innovations technologiques tendant à
renforcer le taux de leur bénéfice son emprise sur l’économie mondiale.
•La redéfinition de la sphère publique et la privatisation des services publiques
conduisent à la restriction du bien-être déjà en état de faiblesse. Les obligations des
ETN se transfèrent à la sphère publique et les droits des personnes se voient
subordonnés à l’objectif que vise la compétitivité mondiale.
•L’actuelle crise financière et les graves perturbations économiques, auxquels celle-ci
donne lieu dans tous les milieux, montrent que ce système comporte cycliquement
d’importants coûts économiques et sociaux en son sein, de telle sorte qu’il est de plus
en plus remis en question par ses propres créateurs au niveau théorique (bien qu’il
est utilisé de plus en plus intense dans la réalité).
•Un système d’une inefficacité intrinsèque et croissante, sauf pour ceux, qui contrôlent
l’économie mondiale et dont les bénéfices augmentent, tandis que les autres
souffrent de plus en plus des inégalités et de la pauvreté. Plusieurs de ces cas
soumis à ce Tribunal rendent manifeste la persistance et l’approfondissement de la
situation d’inégalité de genre et le mépris des droits humains de la femme, avec des
résultats encore plus graves lorsque celle-ci est accompagnée d’autres inégalités.
L’évidence des terribles impacts négatifs de ces stratégies se passe de
commentaires. Aujourd’hui, plus que jamais, la soif de gains et la voracité ont
surexposé les situations critiques des victimes de discriminations. Loin de mettre en
pratique des politiques pour la combattre et de garantir les droits de ces personnes,
Les Etats facilitent et tolèrent le fait que l’on obtienne des avantages au dépend de
son pouvoir de protection sociale.
Nul ne peut ignorer la complicité de la pensée économique actuelle dans la légitimation de cette dynamique, puisque les éléments idéologiques se présentent comme scientifiques, pour justifier les agissements décidés par les intérêts économiques dominants. Les réflexions effectuées dans le cadre de ce Tribunal conduisent également à poser le problème de la nécessité de nouveaux champs de réflexion à propos d’autres éléments:
•Au vu de l’affaiblissement de l’Etat, il devient indispensable d’explorer les moyens
existants pour définir les intérêts collectifs et le rôle des nouvelles organisations
sociales desdits intérêts généraux. Ce qui signifie rendre compatibles et articuler les
intérêts locaux et les expériences spécifiques avec les intérêts généraux et construire
l’intérêt public comme espace qui ne nie pas les affaires locales, mais sans pour
autant s’y résumer. D’autre part, il est nécessaire d’articuler le cadre des intérêts
généraux avec le bien-être des populations et les territoires impliqués, de sorte que
l’on combine divers niveaux d’agissements sociaux et que l’on assure les droits et le
bien-être des populations locales. Les luttes politiques spécifiques constituent une
des formes fondamentales de l’élaboration de stratégies à un niveau plus général.
•Les ETN s’arrogent le droit d’incorporer les intérêts généraux à travers leurs propres
normes de conduite (responsabilité sociale corporative),ce qui est inacceptable, non
seulement parce qu’ils servent de légitimation fallacieuse aux intérêts corporatifs,
mais aussi parce que les intérêts publiques ne peuvent demeurer entre les mains des
gestionnaires des intérêts privés de tous ordres, et encore moins aux objectifs
avoués des ETN.

3.1. LES DETTES ENVERS LES PEUPLES INDIGENES ET AFRO-AMERICAINS.
Nous reconnaissons l’existence d’une dette historique avec les peuples originaires de ce quel’on appelle aujourd’hui le continent américain, générée par l’invasion, la conquête et lacolonisation de leurs terres depuis le XVème siècle, par les nations européennes. Non
seulement on a spolié leurs terres et on les a réduit en esclavage pour travailler dans les
mines, les plantations et les élevages mais de surcroît les autochtones furent tués en masseet connurent une coupure verticale dans leur propre processus de développement. On a effacé une civilisation avec ses savoirs, sa science, ses connaissances, dont il ne reste que des traces sur des pierres et des vestiges archéologiques. L’aspect sensoriel et de nombreuses valeurs se perdirent. Il est désormais impossible de retrouver ces trésors des civilisations orales. Ce pillage fut aussi un génocide culturel. Les peuples indigènes perdirent les plaines et furent obligés de se réfugier dans les montagnes et dans la jungle. Celles-ci font aujourd’hui l’objet de pillage. Viendra le jour où ils n’auront plus d’endroits pour vivre. Ce sont historiquement des déplacés de force, ce qui constitue un crime de lèse humanité. Les peuples originaires d’Afrique amenés en Amérique comme esclave pour combler les vides occasionnés par le génocide, connurent un sort similaire.
La dette écologique qui concerne l’ensemble de l’humanité est particulièrement grave pour les peuples indigènes et originaires d’Afrique. La terre-mère (pacha-mama), l’origine de la vie et par conséquent inviolable, fut détruite: les fleuves sont pollués, les sols regorgent de produits chimiques, l’eau perd sa pureté, mélangé à des pesticides, les oiseaux et les papillons disparaissent des monocultures de palmiers et de soja, les jungles se meurent à cause du réchauffement de la planète, la biodiversité est en danger, en raison de l’extension de l’élevage, de la canne à sucre et des plantes destinées à produire des biocombustibles, à cause des mines, de l’extraction pétrolière et des mégas projets routiers et touristiques. La faune perd chaque année des dizaines d’espèces en voie d’extinction. Tout cela pour le profit immédiat des grandes compagnies nationales et internationales qui ne servent qu’une minorité de l’humanité. Même la coca, la plante la plus sacrée par les peuples indigènes, pour son pouvoir et ses vertus (sagesse des sages), s’est vue conféré un pouvoir économique et criminel en la transformant en drogue. Ce n’est pas le problème des indigènes donc ils ne doivent pas être pénalisés. La dette écologique est en continuelle augmentation et signifie la disparition certaine des peuples indigènes et des communautés de descendants d’africains qui pourraient être les meilleurs gardiens de la biodiversité.
La justice pour ces peuples doit impliquer, non seulement la reconnaissance de telles dettes, mais aussi le dédommagement et l’indemnisation de celles-ci.

4- VIOLATIONS DES DROITS INTERNATIONAUX, DES DROITS DE L’HOMME ET DU DROIT NATIONAL QUI SE TRADUISENT DANS LE COMPORTEMENT DES ETN EN ACCUSATION.

Le TPP considère que la responsabilité de promouvoir, de garantir, de respecter et faire
respecter les Droits de l’Homme incombe principalement aux Etats selon le DIDH et
reconnaît que, sur la base des cas présentés à ce Tribunal, il est des acteurs privés telles
que les entreprises transnationales qui se s’avèrent être des violeurs systématiques des
Droits de l’Homme.

Ces dernières décennies, la croissance démesurée de pouvoir économique des entreprises les dote d’un capital plus important que celui de nombreuses économies étatiques, ce qui leur permet de se soustraire au contrôle juridique et politique de l’Etat national. Il est nécessaire que les institutions publiques, nationales et internationales, fassent appliquer de manière effective les normes existantes et que soient dictées des règles internationalement reconnues afin que ces entreprises appliquent les mêmes modèles de respect des droits humains, quelque soit le pays concerné.
A présent, la différence de cadre légaux, due au manque de ratification des conventions
internationales par certains Etats où à la faiblesse, au manque de vigilance de la part
d’autres Etats, permet aux ETN de réaliser de grandes opérations spéculatrices en tirant
profit de ce manque de réglementation.

En ce qui concerne le comportement des entreprises transnationales et les droits humain, le TPP identifie plusieurs niveaux de responsabilité. D’un côté, il y a les Etats qui ont le devoir de prévenir, protéger et de sanctionner les violations des droits humain commises par leurs agents et acteurs privés (surtout les plus puissants comme les ETN). Ce qui donne lieu à une responsabilité par omission du devoir de protection des Droits de l’Homme face aucomportement des ETN; ainsi qu’une responsabilité effective lorsque leur présence est encouragée, en concédant des licences d’opérations, en rendant flexibles les lois sur letravail et sur l’environnement, ce qui rend ces Etats tributaires des intérêts de ces entreprises.
Il faut bien garder à l’esprit que la responsabilité incombe à l’Etat qui est à l’origine ou qui est la matrice de l’ETN (soit qu’il en est le siège principal ou qu’il en détienne la plus grande partie du capital) et à l’Etat, aux Etats qui développent leurs activités.
Il convient de réaffirmer l’existence d’une hiérarchie dans les normes, en partant du principe que le respect des Droits de l’Homme se trouve au sommet de la pyramide normative, il faut considérer que les droits et les intérêts privés y sont subordonnés.
Les Droits de l’Homme ont un rôle prioritaire dans la garantie de la dignité humaine, ils se trouvent au dessus du doit de propriété des puissants et de la liberté économique, mais l’état des choses tel qu’il est décrit fait que les intérêts privés priment sur les Droits de l’Homme.
Il existe le système international de l’ONU qui proclame les Droits de l’Homme et qui trouve sa justification dans le maintien de la paix et dans la vigilance dans tout ce qui concerne les Droits de l’Homme, mais il y a également des instances dont les pratiques entrent en conflit avec ce dernier, comme c’est le cas de la Banque Mondiale, du CIADI et du FMI qui sont régies par des normes empêchant de garantir les Droits de l’Homme. Et celui d’autres instances, comme l’OMC dont la seule préoccupation est le marché et la libre concurrence sans prendre en considération les Droits de l’Homme.(CIADI?).
De surcroît, une circonstance particulière participe de ce processus: L’Union Européenne et les organismes internationaux deviennent complices des agissements des ETN, en plaçant comme critère principal de leurs politiques le principe de compétitivité mondial qui est contraire au respect effectif des Droits de l’Homme.
D’autre part, il y a une responsabilité évidente des agents ou acteurs privés, comme les
entreprises transnationales, qui par leurs agissements rendus manifestes dans les cas
présentés devant ce Tribunal, provoquent de graves violations de ces mêmes droits. Ces
agents doivent répondre de leurs actes et de leurs conséquences devant les instances
juridiques de chacun de ces pays.
Face aux pratiques des ETN, la société entière doit adopter une position éthique et juridique de rejet de la faim, du manque de logements, d’éducation, d’accès aux soins, d’emploi, de moyens de subsistance et, en général, un refus des conditions infrahumaines de pauvreté et de carences absolues qui empêche le développement des personnes et des peuples dans des conditions de dignité. En effet, il s’agit d’une attitude similaire à celle qui doit être maintenue face aux actes de tortures, aux exécutions extrajudiciaires, aux déplacements forcés et aux détentions arbitraires.
Cette perspective implique un refus et une condamnation des politiques des Etats qui font de la compétitivité mondiale, de la privatisation des biens publiques et de la précarisation du travail, leur priorité, niant les agissements des entreprises transnationales qui nuisent aux droits et intérêts de leurs peuples et par là même empêche les respect des droits humains.
De la même manière, on doit identifier et dénoncer les acteurs non étatiques, tels que les
entreprises transnationales, par la façon dont ils génèrent et encouragent ce type de
violations imposant leurs politiques à des gouvernements tantôt faibles tantôt complices de tels agissements. Il est entendu que garantir les droits humains, les droits économiques, sociaux, culturels et environnementaux est une obligation fondamentale de l’Etat qui doit mettre en place des politiques publiques adéquats, des politiques judiciaires, administratives et autres, pour garantir le respect, la satisfaction et la protection des droits humains, ce qui oblige un contrôle effectif des diverses opérations des entreprises transnationales.
Le droit international des droits humain, les constitutions et les normes des pays prévalent afin d’éviter que les entreprises transnationales ne violent les droits de l’humanité toute entière, l’autodétermination des peuples, le droit au développement, la souveraineté ( sur la définition de politiques publiques et l’utilisation de ses ressources naturels; pour éviter la privatisation des biens publiques tels que l’eau et l’énergie, l’insécurité des personnes, la discrimination de genres; pour assurer l’accès à la terre et au logement, pour défendre le droit à la santé, à la culture et à l’éducation, pour en finir avec la criminalisation des protestations et des formes de protestation sociale; pour éviter l’usage de la force (militaire, paramilitaire) contre les communautés et la corruption des politiques publiques; pour garantir le droits à la vie, au développement, à l’intégrité, au territoire, à la liberté des personnes, à un environnement sain, à un ordre économique et social juste, pour garantir le droit à la justice, le droit au travail, et la liberté syndicale.
Les Etats doivent respecter le droit international et faire que les entreprises transnationales le respectent de façon directe, indépendamment du lieu où se situe leur siège et de leur champ d’action. Les ETN doivent être dans le respect des régimes légaux des Etats où ils opèrent et des traités internationaux ratifiés pas ces pays notamment: la Convention sur l’esclavage (1926); la convention pour la prévention et la sanction des actes de génocide (1946); la Déclaration universel des Droits de l’Homme (1948), la Déclaration américaine sur les droits et les devoirs de l’Homme (1948); les conventions de la OIT sur la liberté syndicale (1948); la convention 98 le droit à la syndicalisation et à la négociation collective (1949); la convention internationale sur toutes les formes discrimination raciale (1965); le PacteInternational des droits économiques, sociaux et culturels (1966); le Pacte International des droits civils et politiques (1966); la convention 135 sur les représentants des travailleurs (1971); la Déclaration universel sur l’éradication de la faim et de la malnutrition (1974); la Déclaration universel sur l’utilisation du progrès scientifique et technologie dans l’intérêt de la paix et au bénéfice de l’humanité (1975); la Déclaration universel du droit des Peuples (1976); la convention 151 sur les relations de travail dans l’administration publique (1978); la convention contre la torture (1984); la convention 87 sur la liberté syndicale et la protection du droit à la syndicalisation (1984); la Déclaration sur le droit au développement (1986); le protocole supplémentaire de la Convention américaine sur les droits humain en matière de libertés économiques, sociales et culturelles (1988); la Convention 169 sur les peuples indigènes et tribaux en pays indépendants (1989); la Convention sur les Droits de l’enfant (1989); la Convention interaméricaine sur la disparition forcée de personnes (1994); la Convention interaméricaine pour prévenir, sanctionner et éradiquer les violences faites aux femmes (1994); la convention interaméricaine contre la corruption (1996); la Convention pénale européenne anti-corruption (2002) et la Déclaration sur les droits des peuples indigènes (2007).
Dans les cas présentés devant ce tribunal, il a été repéré quelques mécanismes d’impunité, favorisés par la mobilité des capitaux et la délocalisation des entreprises transnationales, car elles empêchent de déterminer les sièges et les membres responsables; à cause de l’utilisation d’entreprises filiales et sous-traitantes car elles dissimulent la responsabilité des ETN; à cause de l’existence de codes de conduite volontaires car ils leur donne un sentiment d’irresponsabilité face au droit positif des Etats et au Droit International; à cause de la disparition des instances nationales de juridiction à travers l’arbitrage ou le CIADI qui cherchent la création d’un droit privé international en dehors des droits humains. Il est très important que les Etats et la Communauté Internationale reconnaissent la responsabilité solidaire des entreprises transnationales avec leurs filiales de fait ou de droit et avec leurs fournisseurs, leurs partenaires, leurs sous-traitants, leurs associés et leurs clients en ce que l’ignorer engendre l’impunité de celles-ci face à leurs responsabilités.
Les peuples et les personnes ont le droit à la justice, c’est à dire le droit de se voir garantir leurs droits propres. L’Etat est obligé par le droit international de garantir le droit à la justice, c’est à dire de proposer les recours nécessaires à l’efficacité du système judiciaire et d’assurer l’indépendance des juges vis à vis des autres pouvoirs de l’Etat et des pouvoirs économiques. L’Etat doit prévenir, enquêter, et sanctionner les délits à l’aide d’une justice indépendante, propre à juger et appliquer la loi national et internationale. L’Etat de Droit constitutionnel n’existe que s’il enquête et sanctionne selon ce processus; car l’impunité représente en soi une violation grave de ce droit. L’Etat ne peut renoncer ni se passer du devoir de juger, en recourant à des amnisties ou à d’autres formes d’impunité. Les victimes et la société ont le droit de connaître la vérité et d’obtenir une totale réparation.
Le Tribunal observe qu’en de nombreux cas ici examinés, la justice n’a pas agi en toute
indépendance, impartialité, de façon rapide et efficace pour garantir les droits des victimes affectés par les agissements illégaux des entreprises transnationales.

5-SENTENCE.
Le Tribunal Permanent des Peuples, après un processus d’investigation et d’audiences
publiques qui ont débutées à Vienne en 2006 et qui se sont poursuivies par diverses
sessions de travail menés à bien au Nicaragua, à Bilbao et par des événements parallèles à Glasgow, à Madrid, à La Hague, au TPP et en Colombie; après avoir écouté en audience
publique les organisations sociales et de travailleurs, les ONG, les communautés rurales et des nationalités indigènes venant d’autres pays d’Amérique Latine et de Caraïbes, et après avoir analysé leurs dénonciations, leurs témoignages et leurs demandes, ainsi que les plaidoiries de la défense présentées; à l’aune des principes et des normes du droit
international public, la Déclaration Universel des Droits de l’ Homme, les Conventions et les Pactes internationales des Droits de l’ Homme et la Déclaration universelle du droit des peuples; En vertu des pouvoirs qui lui sont conférés et par la disposition et l’autorisation des personnes, des communautés, des organisations et des peuples participant à la session;

DECIDE DE
1- Sanctionner moralement et éthiquement, dénoncer au niveau mondial les comportements et pratiques politiques, économiques, financières, judiciaires et de production du modèle néo-libéral, tolérées et permises par les Etats et les institutions de l’ Union Européenne, sous l’argutie de promouvoir la croissance et le développement économique pour combattre la pauvreté et réussir le développement durable;
2- Sanctionner moralement et éthiquement et dénoncer dans le forum international les
corporations multinationales aux capitaux privés et étatiques d’origine européenne, en raison de graves, de flagrantes et de persistantes violations des principes, des normes, des conventions et pactes internationaux qui protègent les droits civils, politiques, économiques, sociaux, culturels et environnementaux des communautés, des nationalités, des familles et des personnes des peuples d’Amérique Latine et des Caraïbes.
3- Demander au Conseil des Droits de l’ Homme des Nations Unies de désigner un
médiateur spécial afin que, dans les plus brefs délais, il présente un rapport à l’ Assemblée Général qui contienne la proposition de mettre à mal le concept de dette illégitime, écologique, social et culturel contre les personnes et les peuples, de la part des gouvernements, des institutions financières et des corporations multinationales, et dans ce sens, constituer un Tribunal International pour le jugement des crimes économiques et environnementaux, devant lequel les victimes individuelles ou collectives puissent se présenter se constituer partie civile en toute légitimité;
4- Demander aux gouvernements et aux Etats de l’Union Européenne et à ses organismes communautaires :
4.1. De soumettre, en les mettant en relation, leurs relations économiques internationales et leurs décisions en matière de politique économique et de coopération internationale, dans le cadre de la primauté, de la garantie et du respect des conventions, des pactes internationaux et des déclarations et des normes de l’ OIT en ce qui concerne les droits fondamentaux, le développement humain, la démocratie et la protection de l’environnement;
4.2. Aux systèmes judiciaires, de reconnaître le droit de recourir directement aux Tribunaux de justice et de demander des responsabilités et des réparations pour les éventuelles violations des droits par des entreprises, des institutions financières publiques et privées, pour des actions illégales en dehors du territoire national;
5- D’exiger des corporations multinationales et des institutions financières, internationales, commerciales et du capital privé ou étatique d’origine européenne l’abandon de la double morale et leur engagement pour rendre obligatoirement effective et publique, sous le contrôle citoyen, une politique qui respecte en priorité le droit international des droits humains;
6- De contraindre les Etats et les gouvernements d’Amérique Latine et des Caraïbes à:
6.1. Dans le cadre des relations de coopérations et d’intégration économique, commerciale
et industrielle avec l’ Union Européenne, que l’on garantisse la souveraineté et la dignité des peuples avant les intérêts économiques des secteurs privés, empêchant la privatisation des ressources fondamentales et vitales comme l’eau, l’air, la terre, les graines, le patrimoine génétique et les produits pharmaceutiques et en assurant l’accès universelle aux services publiques;
6.2. Garantir l’accès rapide et efficace à la justice, les respects et l’application prioritaire des conventions, des pactes internationaux, des déclarations et des normes de l’OIT et des droits humains, environnementaux et celui des peuples, des communautés et des nationalités indigènes en général;
6.3. Encourager et consolider par tous les moyens nécessaires le système judiciaire pou qu’il mène à bien les enquêtes et l’application de sanctions des délits, en particulier les délits commis en violation du droit des peuples et des communautés, en parvenant à la réparation matérielle et morale intégrale pour les graves dommages et préjudices occasionnés aux nombreuse victimes de violations de leurs droits;
6.4. Appliquer les mesures inspirées par le principe reconnue par la Communauté
Internationale, de consentement libre, préalable et informé des acteurs sociaux, des
communautés locales et des peuples indigènes, tout comme le principe de précaution,
lorsque que l’on projette d’appliquer des accords et des politiques de développement et
d’investissement de capitaux qui pourraient entraîner des effets négatifs sur la terre, l’espace de vie et les droits fondamentaux.
7- Ce Tribunal, considérant l’importance et le caractère fondamental des demandes de
justice qui ont accompagné les plaidoiries, ayant pour objectif d’encourager la mise en place
de tribunaux de justice afin de développer les contenus du droit et de parvenir à un droit à la
justice efficace, décide de remettre les jugement, le rapport et les recommandations aux
fonctionnaires des institutions suivantes pour qu’il agissent en conséquence selon leurs
compétence, leurs capacités et leurs fonctions :
– La Cour pénale internationale
– Le Conseil économique et social des Nations Unies
– Le Conseil des droits humains des Nations Unies et des médiateurs compétents en la
matière
– La Cour européenne des droits humains
– La Commission interaméricaine des droits humains
– Les présidents des Tribunaux et des Cours constitutionnelles, Ministères publiques,
fiscaux et défenseurs du peuple d’Amérique Latine et des Caraïbes
Ce Tribunal reconnaît l’importance, la difficulté et les risques inhérents aux luttes des
mouvements sociaux, paysans, ouvriers et indigènes, ainsi que d’autres organisation de
base. Il s’engage, de surcroît, à continuer d’accompagner de ses compétences et de son
travail- en approfondissant la recherche des responsabilités juridiques incombant aux ETN le processus de dénonciation des violations des droits des peuples par les entreprises transnationales, les Etats et les institutions internationales, ainsi que le processus de construction d’alternatives.

Traduction : Guillaume Beaulande et Renata Molina