🇭🇹 Le cauchemar des migrants Haïtiens bloqués en Turquie faute de visa (RFI)


En Turquie, des centaines d’Haïtiens en situation irrégulière attendent de rentrer à Haïti. Mais pour traverser l’Atlantique, les pays par lesquels ils doivent transiter leur demandent un visa auquel ils n’ont pas accès. Sans papiers turcs valides, ils ne sortent plus de chez eux par crainte de se faire arrêter par la police. Reportage à Esenyurt, un quartier en banlieue ouest d’Istanbul, où se trouve un immeuble devenu, pour les Haïtiens qui y habitent, une prison qui ne dit pas son nom.

En Turquie, des centaines d’Haïtiens en situation irrégulière attendent de rentrer à Haïti. AP – Mucahid Yapici

C’est à même le sol, dans le couloir du 17e étage de son immeuble que Max, 28 ans, a installé son lit. Il y a deux mois, il s’est fait expulser de son appartement, juste après l’expiration de son permis de résidence en Turquie. « Il n’y a pas de lumière comme vous voyez, dit-il. C’était le seul endroit où je pouvais me réfugier. Maintenant il fait un peu froid, du coup, c’est plus difficile. » 

Depuis, sa vie est faite de débrouille. Chaque jour, il se balade dans l’immeuble à la recherche d’un peu d’aide. « Le matin, vers 8h-9h, je vais en bas, ou bien je vais chez des amis, et je passe la journée, je me baigne. Et s’il y a quelque chose à manger, je mange. Et puis je retourne là-haut encore. »

La guerre en Ukraine a changé la donne

Chez Jimmy, ils sont huit Haïtiens à vivre dans un appartement de trois pièces, tous en situation irrégulière, depuis le refus du renouvellement de leur permis de résidence en Turquie. Désormais, leur seul souhait est de rentrer à Haïti. Mais avec la guerre en Ukraine, le trajet est devenu difficile, voire impossible. Le transit par la Russie qui leur était ouvert est désormais interdit et tous les autres pays par lesquels ils pourraient transiter leur demandent un visa auquel ils ne sont pas éligibles.

Patrick s’est fait refouler plusieurs fois des deux aéroports d’Istanbul. « On est enfermé ici, on ne peut pas rentrer chez nous, même quand on a de l’argent, raconte-t-il. On n’a pas d’issues. On appelle les gens en Haïti pour leur dire la situation, ils nous disent il faut rentrer. Mais comment faire ? »

Sans papiers valides au regard des autorités turques, ils risquent à tout moment de se faire arrêter par la police. Pour Paul, c’était à la sortie du travail. Il revient de 22 jours de prison, où il dit avoir été maltraité par un gardien : « Je lui ai dit : “pourquoi tu m’as bousculé comme ça ? Moi, je n’ai rien fait, je ne suis pas un voleur”. J’ai passé sept jours à manger du pain et de l’eau. Sans me brosser, sans me laver. Je pleurais beaucoup. C’est dur, c’est dur, c’est dur. C’est pour cela que je conseille à tous mes amis de faire preuve de prudence pour ne pas aller en prison. »

« La Turquie me tue physiquement et psychologiquement »

Faire preuve de prudence, cela veut parfois dire ne plus sortir de son appartement. Christelle, 29 ans, n’a pas vu le jour depuis deux semaines.

« Je ne sors pas parce que les policiers ont l’habitude de se cacher, confie-t-elle. Et là, ils vous approchent, boum. Ils vous demandent la carte de séjour, vous ne l’avez pas, on vous arrête, et en prison. J’ai un ami garçon qui a la carte de séjour, alors si j’ai besoin de quelque chose, je l’appelle, lui il l’achète et il me l’apporte ici. Je suis emprisonnée dans mon propre appartement. La Turquie me tue physiquement et psychologiquement. J’étais venue pour une vie meilleure, mais là, c’est l’enfer. »

Leur faire miroiter une vie meilleure, c’est le business de nombreuses agences basées à Haïti. Pour plusieurs milliers d’euros, elles promettent à leurs clients un travail confortable et un bel appartement à Istanbul.

Jennifer et son frère se sont fait avoir par l’une d’entre elles, il y a un an. « Ils nous ont mis dans une maison où il y avait au moins douze personnes, explique Jennifer. Et tous les travaux qu’ils ont ici, c’est dans des “factory”, où tu travailles de 7h du matin à 7h du soir, debout. Et les Turcs ne respectent pas vraiment les immigrants. J’ai travaillé là-bas, ils ne m’ont pas payée. » (…)

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