À l’occasion du 8 mars, FAL se mobilise pour la libération de Milagro Sala, détenue depuis deux ans en Argentine (articles et vidéos).

Milagro Sala, la voix des exclus qui résistent en Argentine

Femme, révolutionnaire, indigène, Milagro Sala a consacré son énergie aux va-nu-pieds de l’Argentine ravagée par le libéralisme. Ses actions ont toujours été vilipendées par Gerardo Morales, le gouverneur de la province de Jujuy, qui a juré avoir la peau de cette militante acharnée dont la popularité ne cesse de croître auprès des plus démunis.

 À la fin des années 1990, avec des adolescents toxicomanes et les mères célibataires des bidonvilles de San Salvador de Jujuy, Milagro organise des collectes de lait pour les enfants. Jusqu’à il y a peu, pas moins de 15 000 verres étaient ainsi distribués. Dans la foulée, elle fonde l’association Tupac Amaru pour structurer son travail en direction des minorités discriminées. Les premières réalisations autogérées de son organisation attirent l’attention du président Nestor Kirchner qui, en 2004, débloque des fonds. Là, où un seul lotissement de maisons était financé, trois verront le jour. Les femmes se forment au métier du bâtiment au sein d’une coopérative de briques. Un dispensaire, un centre culturel, des écoles primaires poussent de terre. Une piscine et un parc aquatique ouvrent leurs portes aux mômes défavorisés. Milagro Sala s’engage en politique. Sa notoriété la porte en 2013 à la députation et renvoie Gerardo Morales à son inaction. L’emprisonnement de la députée en 2016 a été qualifié d’ « arbitraire » par l’ONU, faisant d’elle, aux yeux des organisations sociales et politiques, la première prisonnière politique de l’ère du président Mauricio Macri. Son portrait est, depuis, de toutes les manifestations contre les politiques d’austérité. De quoi faire enrager ses détracteurs qui ont tout entrepris pour l’accuser de « corruption » et de « clientélisme » au sein de l’« État parallèle » qu’elle aurait prétendument créé. Mais sans la moindre preuve face à une Milagro Sala dont le seul crime est d’avoir démontré que les pauvres ont, eux aussi, droit au meilleur. « Ils veulent nous maintenir en prison parce qu’ils ont peur de nous », a-t-elle rappelé lors de sa parodie de procès.

Cathy Dos Santos/ Elles changent le monde (8 mars 2018)

https://humanite.fr/milagro-sala-la-voix-des-exclus-qui-resistent-en-argentine-651710

Milagro Sala, l’étincelle d’un peuple

Un livre de Alicia Dujovne Ortiz/ Préface d’Adolfo Perez Esquivel, Prix Nobel de la Paix/Édition des Femmes / 2017/ Traduit de l’espagnol (Argentine) par Anne-Charlotte Chasset

Qui est donc Milagro Sala, prisonnière politique la plus célèbre d’Argentine et pour la libération de laquelle une mobilisation internationale s’est manifestée ? Arrêtée alors qu’elle venait d’être élue au Parlasur (assemblée du Mercosur latino-américain), retenue en détention préventive depuis plus d’un an sur ordre du gouverneur de la province de Jujuy, au Nord de l’Argentine, elle est menacée de toutes parts. Les accusations les plus variées ne cessent de s’amonceler contre elle, provenant de supposés témoins dont les flagrantes contradictions n’inquiètent pas la justice. La Cour interaméricaine des droits humains a exigé à plusieurs reprises sa libération immédiate. Un temps placée en résidence surveillée dans sa maison, elle a été, comme sous la dictature, enlevée à l’aube du 13 octobre par des policiers cagoulés, qui l’ont reconduite en prison dans une voiture non immatriculée. Sa vie est en danger, il y a urgence à la protéger. Puisse ce livre y contribuer, c’est sa raison d’être. Le pouvoir en place, un pouvoir mâle, blanc et féodal, n’a pas supporté de voir grandir l’influence de Milagro Sala, dirigeante populaire du mouvement qu’elle a créé, Tupac Amaru (du nom du descendant du dernier Inca qui a bravé le colonisateur espagnol au XVIIIe siècle). Indienne pauvre, fille des rues confrontée à la violence et à la drogue et passée par la prison, elle a pris en main son destin et celui de milliers d’enfants des rues, créant des centres de santé et des écoles autogérées, des maisons et même une piscine pour ces petits coyas, indiens ou métis n’ayant connu que les flaques d’eau pour se baigner. Elle a reçu, pour ces réalisations, des aides de l’État sous les gouvernements Kirchner, un des prétextes à la répression qu’elle subit. Alicia Dujovne Ortiz, grande journaliste et romancière argentine, est allée enquêter sur place au printemps 2017 ; elle a rencontré Milagro Sala dans sa prison ainsi que son mari, ses camarades de luttes, ses voisins, ses ennemis aussi. Ce récit nous fait découvrir une femme hors du commun, d’une générosité exceptionnelle, incarnant de la manière la plus authentique l’esprit Inca, celui de la communauté paysanne qui ne baisse pas l’échine, celui de l’institution dite du « verre de lait » : qui reçoit quelque chose de la communauté se doit de lui faire un don en retour.

Libérez Milagro Sala

Dans cette vidéo, Alicia Dujovne Ortiz exprime sa vive inquiétude, en même temps que son admiration pour le combat de Milagro Sala. Et celle-ci prend elle-même la parole, à l’occasion d’une très relative accalmie de la répression qui lui avait permis de répondre à une interview en octobre 2017.

Conférence de presse pour la libération de Milagro Sala 

Amnesty International, l’Association des Citoyens Argentins en France et France Amérique Latine se mobilisent pour la libération de Milagro Sala. Vidéo de la conférence de presse réalisée le 15 janvier 2018, à deux ans de la détention de Milagro Sala avec Sophie Thonon (FAL), Génevieve Garrigos (Amnesty International), Javier Zorrilla (ACAF) et Christine Villeneuve (Espace des Femmes).