🇺🇸 L’Amérique latine selon Trump : des menaces aux réalités (Bernard Duterme / CETRI / Le Vent se Lève)


Les rodomontades de Donald Trump vis-à-vis de l’Amérique latine font écho à ses folles promesses de campagne. Sa surenchère protectionniste, visant à « rendre sa grandeur » à l’Amérique, pourrait avoir des effets contradictoires. Et notamment compromettre l’accès des États-Unis aux précieuses matière premières du sous-continent, également convoitées par la Chine. Pour surmonter cet obstacle, les États-Unis pourraient doubler leur protectionnisme d’une intensification de l’ingérence politique dans le sous-continent.

Analyse du « protectionnisme interventionniste » hybride que la nouvelle administration s’apprête à déployer. Par Bernard Duterme, directeur du Centre tricontinental – CETRI.

USA States Collection 1935 – Panama Canal & Caribbean – Art Ruth Taylor (Flickr/cc/ausdew)

Les propos tenus par Donald Trump à l’occasion de sa nouvelle investiture à la tête des États-Unis et la cascade de décrets présidentiels signés dans la foulée auront été à la hauteur des outrances de sa campagne électorale. L’Amérique latine ne fait pas exception, entre menaces commerciales, coercition politique brandie à tout va et coups de menton sur la question migratoire, de la criminalité et du narcotrafic – l’élu républicain amalgamant régulièrement ces trois phénomènes.

Avec tout ce que ses outrances peuvent avoir d’imprédictibles ou de circonstancielles, une constante, une priorité-phare : la défense de la sécurité nationale, de l’exceptionnalisme états-unien, de la suprématie de la 1ère puissance mondiale. Et un agenda – possiblement contradictoire – pour atteindre le Graal, c’est-à-dire pour « rendre sa grandeur à l’Amérique » : d’un côté, des mesures protectionnistes, isolationnistes, nationalistes en rafale ; de l’autre, des visées expansionnistes, hégémoniques, impérialistes. Un « protectionnisme expansionniste » guidé par un horizon plus affairiste qu’idéologique. Álvaro García Linera, intellectuel bolivien et ancien vice-président d’Evo Morales, parle, lui, de « néolibéralisme souverainiste » pour nommer cette « voie hybride testée ailleurs dans le monde, que l’on pense à Meloni en Italie, à Orban en Hongrie ou à Bolsonaro au Brésil précédemment »1.

Soit. Qu’en sera-t-il vis-à-vis de l’Amérique latine ? Les deux principales préoccupations de Trump tiennent en quelques mots : d’une part, y vendre plus et y acheter moins, d’autre part, y gagner le bras de fer hégémonique engagé avec la Chine. La première, strictement mercantiliste, il la rabâche depuis toujours, avec la hausse des droits de douane comme arme de dissuasion favorite, en dépit de ses limites évidentes et de ses effets contraires selon les situations. La semaine même de son investiture, sans doute conseillé par plus outillé que lui en matière économique2, il l’a d’ailleurs déjà infléchie… pour mieux y revenir trois jours plus tard, en menaçant la Colombie d’une taxe de 25% puis de 50% sur ses exportations si son président, Gustavo Petro, ne revenait pas sur sa décision de refouler les avions militaires remplis d’immigrés expulsés des États-Unis.

De la cinquantaine de pays avec lesquels Washington accuse une balance commerciale déficitaire, seuls cinq sont latino-américains : Mexique, Nicaragua, Costa-Rica, Venezuela, Guyana… De ceux-ci, seul le Mexique pèse réellement. D’un poids très significatif à vrai dire. À lui seul, il représente quelque 20% du déficit total des États-Unis, se classant ainsi deuxième derrière la Chine et ses 35%. Il constitue dès lors la première cible « mercantiliste » de Trump au sein du continent américain, avec le Canada (9% du déficit commercial états-unien), l’un et l’autre pourtant membres de l’« Accord Canada–États-Unis–Mexique », ex « Accord de libre-échange nord-américain » déjà renégocié au cours du premier mandat de Trump. L’annonce a donc été prononcée et réitérée à l’envi par le leader populiste : une hausse des droits de douane de 25% va venir grever, à partir du 1er février, les importations mexicaines et canadiennes. (…)

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