Argentine : A l’heure de la revanche de classe au pas de charge

« T’as de beaux yeux tu sais ». D’un bleu inquiétant, à faire bleuir le Rio de « la Plata ». La « plata », c’est l’argent. Et l’argent, le nouveau président argentin Mauricio Macri, il en est plein aux as.

Homme d’affaires richissime, contrairement à son quasi homonyme, il n’est pas sorti de la Banque Rothschild, mais a quand même multiplié les affaires… Son père, lui, a trempé dans des affaires… mais de corruption. Ce « me vois-tu » (« m’as tu vu » ne convient pas) de fils de migrant qui a réussi, a tellement de flouse que -modeste et généreusement- il a décidé de faire don de son salaire de président à une sorte d’ONG de Buenos Aires, proche du modèle des Restos du cœur. Le cœur étant toujours à gauche…

Il aime tellement le foutebol le sieur Macri, qu’il a présidé, par altruisme, pendant 12 ans (1995-2007),  le prestigieux club de Buenos Aires, le Boca Juniors, gagnant 17 titres, remplissant la Bombonnière (le stade et la bourse). Pour les « bosteros » (les supporters), Mauricio, c’est goooooooooool !! Gol-gol-gol-goool !! Le foutebol : le nouvel opium du peuple.

Président de l’Argentine, depuis le 10 décembre 2015, le jeune  renard carnassier, fort people, s’est servi de son parti, créé sur mesure : « Engagement (toujours le ballon !) pour le changement », afin de marquer des buts pour son camp. Le « changement », ah « le changement » ! Que de canailleries ont été commises en son nom !

Mauricio Macri a constitué dare-dare un gouvernement ultralibéral musclé, de représentants friqués et d’héritiers des principales fortunes du pays, des grandes familles de milliardaires « décomplexés ». Les Bullrich « ont » deux ministres : Education et Sécurité. Un « prat-gay », gestionnaire d’une des plus énormes fortunes, devient  ministre des Finances. Un expert, un vrai ! Et il n’aura pas la tentation de se remplir des poches déjà pleines. L’héritier d’une grande entreprise de concession automobile se retrouve ministre des Transports, çà va de soi, et ministre de l’ Energie : l’ex PDG de Shell, Juan José Aranguren, bien entendu. Tous des spécialistes ! La revanche de classe, cela ne s’improvise pas.

Et elle a commencé, au pas de charge. Le nouveau président gouverne par décrets (97 entre les 10 et 16 décembre 2015), bafouant les règles du jeu démocratique, décrétant « l’Etat d’urgence de sécurité » sous prétexte ici (on connaît) de lutte contre les djihadistes du trafic de drogue , licenciant des milliers de fonctionnaires à la va que je te jette (il veut « réviser le contrat » de 24.000 d’entre eux), ouvrant tout grand le pays aux capitaux, levant le contrôle des changes, nommant à la tête de « l’Unité de l’information fiscale » dame Maria Eugenia Talerico, ex avocate de la banque HSBC, impliquée (la banque !) dans des affaires de blanchiment d’argent sale…

La grande lessive médiatique n’a pour l’heure fait réagir aucune belle conscience occidentale. En octobre 2009, les droitsdelhommistes hurlaient comme cochon que l’on égorge contre la loi « kirchnériste » de démocratisation des  médias, contre la monopolisation par le groupe Clarin, entre autres, d’un empire médiatique… Depuis l’élection de ce Macri, « La Mañana», le programme le plus populaire et critique de Radio Continental, ainsi que son animateur, le journaliste indépendant Victor Hugo Morales, ont été virés de l’antenne. Victor Hugo, cela ne s’invente pas ! La chaîne « Sénat TV » vient d’être « suspendue ». Le 18 décembre dernier, le contrat liant « Canal 7 », la chaîne publique, à l’entreprise de production « Pensado para tele » n’a pas été renouvelé. Ce contrat assurait la production de l’émission « 6,7,8 », un espace de réflexion très écouté, précisément sur le fonctionnement des médias. Qualifiée de « K » (Kirchner ? Komintern ?) l’émission est passée à la trappe.

Tout ce que les gouvernements progressistes de M. et Mme « K », avaient nationalisé, va être rendu au privé. Il est même question de privatiser le tango, de Anibal Troilo jusqu’au Cuarteto Cedron et Astor Piazzola !!

La riposte populaire commence à s’organiser, notamment contre les hausses déjà insupportables des prix (pain : plus 20%, viande : plus 30%, poulet : plus 25%). Dès lors, « l’état d’urgence de sécurité » paraît plus destiné aux mouvements et conflits sociaux qu’aux « narcos », qui ici comme ailleurs, ont des amis puissants et font bon ménage avec les politiques. Shoot ! Goooooooooooooooooooooooooool !
Source :

Jean Ortiz, Chroniques Latines – L’Humanité

18 janvier 2016