Argentine : “Le péronisme se définit comme un mouvement national et populaire” (interview de Christophe Ventura par Louis-Alexis Luchtenberg/Marianne)

Christophe Ventura, directeur de recherche à l’Iris (Institut des relations internationales et stratégiques) et spécialiste de l’Amérique latine, revient sur la victoire des péronistes aux primaires en Argentine le 11 août dernier.

Alberto Fernández et Cristina Kirchner (image Reuters)

Les élections primaires qui se sont tenues le dimanche 11 août ont marqué la lourde défaite du président libéral Mauricio Macri et le retour en force d’un péronisme de centre gauche incarné par l’ancien chef du gouvernement Alberto Fernández. Ce dernier a en effet obtenu 47% des suffrages contre 32% pour le président sortant, ce qui apparaît comme une marque de désaveu pour la politique libérale menée par le gouvernement. Le colistier du président Macri, Miguel Angel Pichetto, se dit pourtant également dans la lignée du courant péroniste. Ce mouvement, qui semble ainsi balayer toute les sensibilités politiques, est traditionnellement incarné par le Parti justicialiste de Fernández et Kirchner. Décryptage avec Christophe Ventura, directeur de recherche à l’Iris, spécialiste de l’Amérique latine.

Marianne : Les récentes mesures fiscales et les hausses de salaires annoncées par le président Macri, ainsi que la démission du ministre des Finances Nicolas Dujovne, semblent constituer un tournant social à visée électorale. Suffiront-elles à inverser la courbe de popularité du président ?

Christophe Ventura : Les résultats des élections primaires ont provoqué une crise politique et institutionnelle. Le sacrifice du ministre des Finances, par ailleurs un proche de Mauricio Macri, en est l’expression. Il s’agit de montrer que le message envoyé par les électeurs a été entendu. En effet, au sein du gouvernement, Nicolas Dujovne est l’homme de la négociation avec le FMI, de l’ajustement budgétaire et du “déficit zéro” exigé par l’institution. L’accord et les politiques d’austérité qu’il contient sont en grande partie à l’origine de la déconnexion entre le gouvernement et l’opinion publique. La démission de Nicolas Dujovne envoie également un message au FMI lui signifiant que le gouvernement va devoir lâcher du leste et donc aller à contre-courant des obligations qu’il a contractées, en menant une politique de dépense. Mais les mesures annoncées, si elles sont incompatibles avec le respect de l’équilibre budgétaire promis au FMI cette année, ne suffiront pas à améliorer la situation des Argentins. Elles arrivent tard après des années de cure d’austérité et d’accroissement de l’endettement du pays.

La situation économique et sociale s’est considérablement dégradée depuis 2015 : la croissance est passée de + 2,7% à l’époque à – 1,3 % (FMI) cette année après plusieurs années de récession, la pauvreté a augmenté pour frapper 35% de la population tandis que le chômage est passé de 7 % à plus de 10 %. De plus le pays s’est endetté à hauteur de 57 milliards de dollars auprès du FMI alors qu’il ne l’était pas auparavant et devient désormais le pays le plus endetté au monde auprès de cette institution. L‘inflation a quant à elle doublé passant en l’espace de 4 ans de 26% à plus de 55% avec des perspectives peu reluisantes. De fait la dévaluation du pesos face au dollar consume l’impact, déjà marginal, des mesures sociales annoncées par Mauricio Macri (…)

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