🇨🇱 Au Chili, la nouvelle Constitution massivement rejetée par référendum (Revue de presse)


Ce dimanche 4 septembre, la majorité des Chiliens a voté contre le projet de Constitution (près de 62%). Les résultats s’expliquent par plusieurs facteurs: un pays fracturé, un électorat abstentionniste qui fut contraint d’aller voter, une campagne de désinformation alimentée par les médias (principalement conservateurs)… Les interprétations sont multiples!

Cette revue de presse en français et en espagnol a pour but de proposer plusieurs angles d’analyse pour comprendre comment les Chiliens ont été amenés à voter majoritairement “Rechazo”.


Au Chili, la nouvelle Constitution massivement rejetée par référendum
(Le Monde – le 5 septembre 2022)

Près de 62 % des Chiliens n’ont pas soutenu, dimanche, le texte qui devait remplacer celui hérité de la dictature de Pinochet. Le président, Gabriel Boric, a aussitôt annoncé sa volonté de relancer « un nouveau processus constitutionnel ».

Des opposants au projet de nouvelle Constitution chilienne réagissent après avoir pris connaissance des résultats du référendum rejetant le texte, à Santiago, le 4 septembre 2022. CLAUDIO REYES / AFP

Le projet de changement social au Chili a subi un coup d’arrêt. Les Chiliens ont massivement rejeté, dimanche 4 septembre, la proposition de nouvelle Constitution, qui visait à remplacer celle héritée de la dictature d’Augusto Pinochet (1973-1990).

Le verdict de ce référendum à vote obligatoire est sans ambiguïté et dépasse toutes les prédictions des instituts de sondage. Quelque 61,9 % des électeurs, soit plus de 7,8 millions de personnes, ont glissé le bulletin « je rejette », contre 4,8 millions (38,1 %) favorables à la mention « j’approuve », selon les résultats définitifs.

Ce choix ne fait cependant que suspendre le processus de nouvelle Constitution entamé après le violent soulèvement populaire de 2019 rejetant celle rédigée sous le régime militaire et réclamant plus de justice sociale.

« Appel à toutes les forces politiques »

« Je m’engage à faire tout ce qui est en mon pouvoir pour construire un nouveau processus constitutionnel », a solennellement déclaré, après les résultats, Gabriel Boric, le président de gauche de 36 ans élu en décembre 2021.

Depuis le palais présidentiel de la Moneda, il a lancé « un appel à toutes les forces politiques pour qu’elles fassent passer le Chili avant toute divergence légitime, et qu’elles se mettent d’accord le plus rapidement possible sur les délais et les contours » de ce nouveau processus « dans lequel, bien sûr, le Parlement devra être le principal protagoniste ».

Célébrant la « défaite pour les refondateurs du Chili », Javier Macaya, président de l’Union démocrate indépendante (UDI, parti ultraconservateur), a dit lors d’une conférence de presse vouloir également « poursuivre le processus constitutionnel », comme s’y était engagée l’opposition durant la campagne pour faire barrage au texte proposé.

Un premier référendum en octobre 2020 avait clairement appelé à la rédaction d’un nouveau texte fondamental (79 %), et voir effacée l’ombre de Pinochet et d’un Chili laboratoire de l’ultralibéralisme. Mais le fruit d’un an de travail des 154 membres d’une Assemblée constituante, élus en mai 2021 pour rédiger la proposition, a semble-t-il, beaucoup bousculé le conservatisme d’une majeure partie de la société chilienne.

Climat de désinformation

De nouveaux droits sociaux avaient pourtant été pensés pour équilibrer une société aux fortes inégalités sociales, en proposant de garantir un droit à l’éducation, à la santé publique, à une retraite, ainsi qu’à un logement décent, pour ne plus les laisser aux seules mains du marché.

L’inscription dans le marbre du droit à l’avortement, un sujet qui fait débat dans le pays où l’interruption volontaire de grossesse n’est autorisée que depuis 2017 en cas de viol ou de danger pour la mère ou l’enfant, ou encore la reconnaissance de nouveaux droits aux peuples autochtones ont crispé les débats souvent houleux dans une campagne baignée dans un climat de désinformation. (…)

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Intervention de Franck Gaudichaud sur Telesur
(Le 5 septembre 2022 – Telesur)


Le Chili rejette la Constitution écologique et sociale
(Reporterre – le 5 septembre 2022)

62 % des Chiliens ont voté « Non » à la proposition de nouvelle Constitution écologique, lors du référendum de dimanche 4 septembre. Un échec qui oblige le président Gabriel Boric à convoquer une nouvelle assemblée.

Des Chiliens célèbrent le rejet du projet de nouvelle Constitution après les résultats du référendum, à Santiago, le 4 septembre 2022. – © AFP/Martin Bernetti

Les Chiliens ont dit « Non ». Dimanche soir, ils ont rejeté à 62 % le projet de nouvelle Constitution qui aurait pu remplacer celle héritée de la dictature d’Augusto Pinochet (1973-1990). Ce rejet massif a été confirmé avant 20 h 30, alors que les rues de tout le pays se noircissaient de foules brandissant des drapeaux chiliens. Beaucoup se sont réunis sur la Plaza Dignidad, épicentre de la révolte sociale de 2019 à Santiago. Cette même place où le peuple andin exigeait une nouvelle Constitution, une éducation gratuite, une sécurité sociale universelle ou encore des droits pour la Nature.

Depuis la révolte sociale, le Chili a connu un basculement politique. La gauche est sortie vainqueur des cinq dernières élections, et a initié le processus constitutionnel qui proposait une Constitution reconnaissant « un État social démocratique de droits, plurinational, interculturel et écologique ». Mais a proposition ne semble pas avoir convaincu. « Il n’y a pas eu de consensus dans ce processus constitutionnel, a déclaré à la presse Javier Macaya, porte-parole de la Coalition de Chile Vamos (droite conservatrice). Il est impossible de dissocier le gouvernement de Gabriel Boric du rejet de cette proposition de Constitution. »

José Antonio Kast, ex-candidat d’extrême droite, rival déchu du président Gabriel Boric, s’est exprimé, lui aussi. C’était sa première apparition médiatique depuis sa défaite en décembre 2021. Pour lui, « ce processus constitutionnel n’apportait qu’insécurité, incertitude et pauvreté » et « le Chili a évité un chemin qui menait la patrie à l’échec ». Il a terminé son intervention en affirmant que « cette grande défaite est aussi celle du président Gabriel Boric ».

Nouveau processus constitutionnel

À 20 h 30, le jeune président chilien de 36 ans est apparu sur la Chaîne nationale. Il a affirmé avoir reçu le message du peuple qui « n’est pas satisfait de la nouvelle Constitution proposée ». Il a tout de suite appelé à « construire, avec le Parlement et la société civile, un nouveau chemin pour proposer un nouveau texte constitutionnel » aux Chiliens.

La députée porte-parole du « Oui », Karol Cariola, a reconnu la défaite quelques minutes après les résultats. Elle a réaffirmé néanmoins qu’elle allait poursuivre son combat. (…)

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Chili : surmonter l’échec de la réforme constitutionnelle
(Le Monde – le 5 septembre 2022)

L’engagement pris par le président, Gabriel Boric, et la droite de poursuivre le processus après le rejet massif par référendum du projet de Constitution devra être l’occasion de lever les inquiétudes suscitées par un texte très ambitieux.

Le reflux est brutal. À une très forte majorité (près de 62 %), les Chiliens ont repoussé, le 4 septembre, un projet très ambitieux de réforme de la Constitution qui promettait de clore définitivement les années sombres de la dictature d’Augusto Pinochet. Enclenché en 2019 par un mouvement massif de protestation contre un « modèle chilien » néolibéral décomplexé à l’origine d’une fracture sociale devenue insupportable, le processus de réforme constitutionnelle avait pourtant été loué initialement pour son exemplarité.

Il avait été soutenu massivement par le peuple chilien, qui avait approuvé à près de 80 % son principe par référendum, en octobre 2020, avant de désigner une assemblée constituante élargie à bien d’autres forces sociales que celles représentées par les partis politiques traditionnels. Deux ans plus tard, la défaite du camp Apruebo, incarné par le jeune président, Gabriel Boric, élu triomphalement en décembre 2021 mais qui n’a pris ses fonctions qu’au mois de mars, est d’autant plus cinglante.

Sentiment d’occasion perdue

Il appartiendra aux défenseurs de ce projet de transformation profonde du Chili d’analyser les causes de leur échec dans un référendum sujet, hélas, comme pour celui qui a entraîné le départ du Royaume-Uni de l’Union européenne, à la propagande du pire et à la désinformation. Le sentiment d’occasion perdue serait sans doute moins grand si les électeurs avaient voté moins pour donner leur sentiment sur le projet de réforme que pour exprimer un mécontentement conjoncturel lié à la crise migratoire alimentée par l’arrivée de Vénézuéliens quittant un pays à la dérive, à une inflation mondiale ou encore au sentiment d’insécurité.

Mais la victoire du camp rechazo traduit plus certainement le rejet de progrès qui s’inscrivent pourtant dans le sens de l’histoire. Il s’agit de plus grands droits sociaux, de la parité, du droit des femmes à disposer de leur corps, d’une véritable reconnaissance des peuples autochtones et de droits qui alimentent les résistances, ou encore de celle de l’eau comme « bien commun » et non plus comme produit soumis à l’arbitraire d’un marché complètement dérégulé.

Parce que ces thèmes parcourent une bonne partie de l’Amérique du Sud, comme on l’a encore vu en Colombie, en juin, avec la défaite historique de la droite, l’échec du référendum du 4 septembre dépasse d’ailleurs les frontières du Chili. A la veille d’une élection présidentielle encore incertaine au Brésil, ce rejet constitue le premier revers majeur d’une gauche qui n’avait cessé jusqu’alors d’accumuler les succès à l’échelle du sous-continent. (…)

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¿Adónde fue a parar el apoyo al proceso constituyente chileno? (en español)
(Nueva Sociedad – le 5 septembre 2022)

Chile votó mayoritariamente contra la nueva Constitución redactada por la Convención surgida del estallido de 2019. ¿Cómo interpretar la amplia victoria del Rechazo?


Lo que hace un año parecía que sería un trámite para validar el proceso constituyente ha terminado siendo una dura derrota para las fuerzas progresistas chilenas, con el Rechazo arriba del Apruebo por casi 25 puntos porcentuales en un referéndum con voto obligatorio (a diferencia de elecciones anteriores) y participación récord. Diversos referentes del Rechazo salieron a festejar el triunfo contra el «revanchismo», el «octubrismo radical» y un texto constitucional «refundacional» y opuesto al «alma de Chile» y al «sentido común de los chilenos».

¿Cómo un proceso que comenzó con un nivel de apoyo pocas veces visto en la historia nacional terminó truncado? ¿Adónde fue a parar el apoyo al proceso constituyente?

Este proceso constitucional comenzó el 15 de noviembre de 2019. Como resultado de un masivo estallido social en octubre de ese año, un acuerdo transversal de la política chilena fijó un calendario para la redacción de una nueva Constitución. El primer hito de este calendario fue un plebiscito en el que los chilenos votaron por aplastante mayoría, más de 78%, por terminar con la Constitución vigente en Chile, y decidieron que el órgano a cargo de redactar la nueva Constitución fuera una Convención Constitucional cuyos integrantes serían electos para ese fin. Estos resultados eran verdaderamente impresionantes, no solo en términos del porcentaje de votos, sino también por su distribución territorial. En solo cinco de las 346 comunas del país ganó el rechazo al proceso constituyente. Estas cinco comunas incluían las tres icónicas comunas de Santiago donde reside la elite económica nacional. Fueron varios quienes se apresuraron a señalar que este resultado demostraba que el país no estaba polarizado entre izquierdas y derechas, sino que el verdadero clivaje del momento era pueblo/elite. El imaginario de un pueblo homogéneo en disputa con la elite se cristalizó en las referencias a «las tres comunas», que se volvió parte del léxico común en las discusión política.

Se estableció que la Convención Constitucional sería paritaria en género, con cuotas para pueblos originarios y, en sintonía con un fuerte sentimiento antipartidos de la movilización de octubre de 2019, con algunas facilidades para las candidaturas independientes. En particular, se les permitió a los candidatos no afiliados a partidos agruparse en listas equivalentes a las partidarias.

El resultado electoral para la Convención fue un golpe a las expectativas de quienes esperaban un retorno a la política preestallido social. Las dos coaliciones históricas tuvieron magros resultados. La derecha alcanzó un porcentaje paupérrimo de votos: 20%. Esto la dejó lejos de alcanzar el tercio de los convencionales y un potencial poder de veto. La coalición de centroizquierda vio a sus fuerzas de centro y más moderadas desplomarse. Quizás el ejemplo más notorio de esta crisis fue el de la Democracia Cristiana, que solo logró elegir a un militante de sus filas para la Convención Constitucional (el presidente del partido). Pero, por lejos, el hito más relevante de estas elecciones se produjo con un éxito contundente de los independientes ligados a la movilización social de 2019. De los 155 miembros de la Convención Constitucional, 103 no tenían militancia en la política tradicional. De este modo se terminó configurando una Convención con claras mayorías para los sectores progresistas y, en particular, para nuevas fuerzas políticas que emergieron desde el estallido social levantando banderas del feminismo, el indigenismo y un fuerte discurso antielite. 

El ánimo de la población respecto del proceso que comenzaría era muy alto. 52% describía la «esperanza» como la principal emoción que le generaba el proceso, seguida de «alegría», con 46%. ¿Qué pasó entonces con ese 78% de apoyo y la esperanza y alegría depositados en el proceso? Es probable que las fuerzas progresistas y de izquierda se pasen los próximos años intentando explicárselo.

Razones provisorias de la derrota

A medida que se liberen más datos y avance el debate, se podrá afinar más el análisis de lo que ocurrió. Por ahora, son tres las razones que parecen destacarse como explicaciones del resultado del 4 de septiembre: 

(1) El rechazo a la política de espectáculo en la Convención.

(2) La homologación de la convención con la política tradicional.

(3) La reacción de las identidades tradicionales ante la fuerza que tuvieron identidades subalternas en el proceso.

Respecto a la política del espectáculo en la Convención, esta fue una de las características que dominaron el debate. A poco andar, la Convención Constitucional comenzó a perder apoyo, sobre todo entre los votantes de derecha, que veían con recelo una suerte de cónclave de activistas de causas progresistas. En definitiva, si para los activistas dejar de movilizarse, incluso desde las esferas del poder, era una traición, para algunos electores, en particular quienes valoraban el orden, una movilización sin fin era una pesadilla. 

Varios de los convencionales habían alcanzado notoriedad y legitimidad social por sus performances callejeras, que incluían disfraces y declaraciones provocativas sobre aspectos identitarios tradicionales. Desde la protesta callejera habían sido frecuentes las denuncias a la autoridad entre gritos y cánticos. Sin embargo, las mismas actitudes que en la calle se percibían como una rebeldía ante el abuso, expuestas en la Convención, y desde el seno del poder, se veían con otra luz. Además, persistía un ethos de la movilización social que teñía de un sentido testimonial varias de las acciones que se veían en la Convención. Para algunos de estos referentes, era importante presentar propuestas maximalistas, llamativas y simbólicas, aunque no contaran con los votos para ser aprobadas (por ejemplo, una convencional propuso disolver todos los poderes del Estado y reemplazarlos por órganos asamblearios). Los medios amplificaron estos actos performáticos y las propuestas más descabelladas, que fueron, además, reforzadas por campañas de desinformación en las redes sociales. En coherencia con esto, videos de algunas de estas declaraciones aparecieron frecuentemente en la campaña y franja televisiva del Rechazo. Lo que en un comienzo parecía pintoresco y llamativo terminó por generar desasosiego. 

Respecto a la homologación de la política de la Convención con la política tradicional, esta se da en el contexto de una fuerte pulsión destituyente y antiestablishment político. Según datos del Centro de Estudios Públicos, el porcentaje de personas que se identificaba con algún partido cayó desde 53% de la población en 2006 a 19% en 2019. Es más, algunos estudios han señalado que un porcentaje no menor de la población (12,9%) ha hecho de las posiciones antipartidos «tradicionales» su principal identidad. La fuerza de la Convención provenía en un primer momento de que se la viera como distinta a la política tradicional. 

Es posible que, paradójicamente, el uso y abuso de la política del espectáculo y las trifulcas testimoniales asemejaran más a los convencionales al Congreso y a la política tradicional, donde también abundan estas prácticas. En cualquier caso, ciertamente los alejaban de la imagen de representantes más eficaces que los políticos tradicionales en llegar a acuerdos y sacar adelante demandas ciudadanas. A su vez, en medio del proceso constituyente hubo una elección presidencial que significó un cambio de signo del gobierno. El nuevo gobierno estaba fuertemente asociado a la génesis del proceso constituyente, y en particular el presidente Gabriel Boric en su rol como diputado. Estar contra el proceso constituyente pasó a ser una forma de ser oposición al nuevo gobierno. Parte de la energía contra la institucionalidad política había pasado al lado del Rechazo. (…)

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Chili : “Le corps électoral silencieux s’est exprimé et a choisi massivement le rejet”
(TV5 Monde – le 5 septembre 2022)

Le référendum sur la nouvelle Constitution proposé par le gouvernement de Gabriel Boric a été massivement refuté par les Chiliens. Après une période de fortes contestations sociales qui appelaient au changement en 2019, ce résultat interroge sur les aspirations de la population chilienne. Précisions avec Franck Gaudichaud, Professeur d’études latino-américaines à l’Université Toulouse – Jean Jaurès

Les opposants à la nouvelle Constitution célèbrent la victoire du “non” du référendum  à Santiago, au Chili, le 4 septembre 2022. AP/Matias Basualdo

TV5MONDE : Comment comprendre ce “non” massif alors qu’en 2020, 79% des Chiliens avaient approuvé la nécessité de la rédaction d’une nouvelle Constitution ? 

Franck Gaudichaud, professeur d’études latino-américaines à l’Université Toulouse – Jean Jaurès : L’ampleur de la victoire du rechazo (“rejet”) est en effet une surprise, y compris pour les sondeurs. Il y a plusieurs facteurs qui peuvent cependant l’expliquer. Le premier, c’est qu’il y a eu une campagne très offensive de la part des grands médias et des milieux conservateurs contre la Constitution. Il y a eu tout une série importante de fake news qui a vraiment marqué l’opinion publique. J’ai pu m’en rendre compte en parlant dans la rue avec les gens qui affirmaient qu’on allait prendre leur maison, qu’une partie des héritages serait finie. 

Il y a aussi tout un travail d’explication de ce qu’est la convention constitutionnelle qui n’est pas arrivé jusqu’au bas de la société. Toutes les discussions sur les avancées possibles, sur la sécurité sociale, les droits fondamentaux, le retour de l’eau comme bien public, sont restées dans les hautes sphères de la société.

TV5MONDE : Comment s’est déroulé la campagne de ce référendum ?

Elle a été très polarisée. La Constitution a été distribuée assez tardivement. Ça a été  d’ailleurs accompagné de polémiques car c’est le gouvernement lui-même qui les a imprimées. 

Il y a aussi eu une relation asymétrique dans le traitement du nouveau texte constitutionnel d’un point de vue médiatique. Les anciens constituants (NDLR : les rédacteurs du texte constitutionnel) affirment aussi que c’est une défaite avant tout médiatique, mais je pense que c’est plus profond que ça. C’est aussi une défaite politique importante pour le gouvernement. 

Il y a dans ce résultat des votes sanction contre le gouvernement de Gabriel Boric. Si on regarde les sondages, il a perdu une grande partie de son appui initial et il y a une grande désillusion au sein même des files de la gauche chilienne.

TV5MONDE : C’est d’ailleurs Antonio Kast, leader de l’extrême-droite, qui déclarait que cette défaite était aussi celle de Gabriel Boric.

Oui, et sur ce point je pense qu’il n’a pas tort. D’ailleurs, Boric l’a reconnu en filigrane après l’annonce des résultats, en disant qu’il fallait qu’il fasse sa part d’auto-critique. C’est peut-être juste une phrase mais c’est en effet une défaite politique, qui d’ailleurs va avoir des effets inconsidérables sur la suite de son mandat. 

Le dernier élément à prendre en compte, c’est l’effet du système électoral. Pour la première fois au Chili, il y a eu une inscription automatique et une obligation de vote pour un scrutin. Pour rappel, quand il y a eu cette immense majorité pour la rédaction d’une nouvelle Constitution en 2020, il y a aussi eu une très forte abstention qui dépassait les 60% dans certaines communes du pays. Tout ce corps électoral silencieux s’est exprimé ce 4 septembre et a choisi massivement le rejet.

TV5MONDE : Qu’est ce que ce référendum comportait de trop radical pour la population chilienne ? 

La question des droits indigènes a eu un véritable impact dans les secteurs conservateurs et centristes. Certains avançaient que les nouveaux droits indigènes territoriaux allaient plus peser que ceux des Chiliens et que la question de la reconnaissance de la pluri-nationalité allait diviser le pays. Là, encore des arguments de fake news. 

La question du logement et de la propriété a aussi été fortement remise en question. Le texte constitutionnel stipulait le renforcement du système de logements sociaux et de l’intervention de l’État dans la construction de logements. Cela a été faussement traduit comme comme la fin de la propriété privée. 

À propos du système politique aussi, les débats sur la suppression du Sénat et le nouveau rôle du Parlement ont fait débat mais c’était moins central.

TV5MONDE : Qu’est-ce que ce résultat dit de l’opinion chilienne ? 

Ce résultat confirme ce qu’on voyait déjà dans les dernières élections. Dans les grands centres urbains notamment Santiago, il y a eu plutôt un vote progressiste et favorable à la nouvelle Constitution. Dans le Nord, la question de la crise migratoire et de violence des cartels a beaucoup pesé en faveur du “rechazo“. Dans le Sud, la question des revendications et du conflit Mapuche a aussi radicalisé les positions. (NDLR : les Mapuche, littéralement le « peuple de la terre », est la principale population indigène du Chili (1,7 million de personnes sur 19 millions))

Il y a donc une grande fracture territoriale au Chili entre les centres urbains et les régions rurales, entre le Nord, le Sud et le centre du pays. (…)

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Leer en español: El electorado silencioso ha hablado y ha elegido masivamente el rechazo


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