Bolsonaro, le bonimenteur utile d’un Brésil isolé (Olivier Poujade / France Culture)


Décryptage |Dans son discours à la tribune de la 76e assemblée générale des Nations unies, mardi 21 septembre, Jair Bolsonaro a tenté d’imposer son récit sur l’actuelle situation économique, sociale et environnementale du Brésil. Quitte à être bien loin des faits.

Jair Bolsonaro à la tribune de la 76ème Assemblée générale des Nations unies, à New York, le 21 septembre 2021.• Crédits : Wang Ying / Xinhua – Maxppp

Cette fois-ci, pas de provocation (comme en 2019 où il déclarait que “L’Amazonie n’appartient pas au patrimoine de l’humanité”) ni d’attaque… une litanie d’approximations, d’exagérations voire de mensonges destinés à vanter sa gestion politique du pays depuis son élection en octobre 2018. Décryptage des arguments mis en avant mardi 21 septembre à la tribune de l’ONU par le président brésilien d’extrême droite.

Je suis venu ici vous présenter un Brésil différent de celui que vous décrivent les journaux ou les télévisions…” D’emblée, dès ses premiers mots, Jair Bolsonaro installe le cadre de son intervention, se drape dans la position d’une victime et laisse entendre qu’il est ici, face au monde, pour rétablir sa vérité. Douze minutes d’un modèle de rhétorique négationniste…

Corruption zéro ?

Jair Bolsonaro : “Aucun cas concret de corruption n’a été constaté au Brésil, depuis 2 ans et 8 mois

FAUX. Depuis son investiture en janvier 2019, le chef de l’état brésilien affirme que les pratiques de corruption ont totalement disparu. 

Au mois de mai, une série de perquisitions ont été menées par la Police Fédérale brésilienne et des mandats d’arrêt lancés contre l’ancien ministre de l’Environnement Ricardo Salles, Eduardo Fortunato Bim, le président de l’Ibama (Institut brésilien pour l’environnement) pour corruption et incitation au trafic de produits environnementaux. Ces responsables auraient sciemment fragilisé la surveillance pour laisser la voie libre à l’extraction illégale de bois.

Une enquête est également en cours, concernant le contrat d’achat de doses de Covaxin (antidote indien à la Covid-19). Un cas classique de surfacturation. Suspendue à la dernière minute, mais envisagée par le ministère de la Santé, cette commande prévoyait l’achat de 20 millions de doses, soit 15 dollars l’unité, tarif qui aurait fait de ce vaccin le plus cher parmi ceux proposés par les autres laboratoires dans le monde.

Une agriculture au service du monde ?

Jair Bolsonaro : “Notre agriculture moderne et durable (…) alimente plus d’1 milliard de personnes dans le monde

FAUX. Selon une étude de l’Embrapa (Entreprise brésilienne de recherche agronomique), publiée en mars dernier, la production de céréales et de viande bovine du pays a permis d’alimenter 772,6 millions de personnes à travers la planète. Si l’on soustrait à ce chiffre la population brésilienne, l’entreprise d’état estime que 560,3 millions de personnes pont bénéficié des récoltes brésiliennes. Ces chiffres vont dans le sens de ceux avancés par la FAO, l’agence onusienne pour l’alimentation.

La très grande majorité des Brésiliens vaccinés contre le Covid ?

Jair Bolsonaro : “Plus de 140 millions de Brésiliens ont reçu leur première dose, ce qui représente presque 90% de la population adulte

OUI MAIS… À ce jour, 142 millions de Brésiliens de plus de 18 ans sont en partie immunisés après avoir reçu leur première dose, 87,7% de la population du pays. Mais si l’on considère que les risques graves ne peuvent être évités qu’après avoir complété les deux injections, le Brésil a encore du chemin à parcourir, seulement 50,07% des adultes sont aujourd’hui en mesure de pouvoir prétendre le pass sanitaire mis en place dans de nombreux pays à travers le monde.

L’Amazonie protégée?

Jair Bolsonaro : Dans l’écosystème amazonien “84% de la forêt est intacte

FAUX. Le quotidien brésilien Estadao a récemment déchiffré ces données. Selon ce journal, ce pourcentage est issu de l’addition, réalisée par l’Embrapa Territoriale, intégrant les statistiques des surfaces protégées en Amazonie, des registres de déclarations de propriétés en milieu rural et des terrains vagues de végétation native recensée dans ces mêmes zones. Le total s’élève à 84,1% de l’ensemble du biome, considéré comme des terres “préservées ou protégées”.

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