Au Brésil, la stratégie de privatisation de l’eau avance ( Dalila Calisto et José Josivaldo Alves du MAB- Mouvement des personnes atteintes par les barrages/ Observatoire de la démocratie brésilienne)

La période historique que nous vivons voit le processus de privatisation de l’eau, au profit de sociétés multinationales, s’accélérer. Cette semaine, par 65 voix pour et 13 contre, le Sénat fédéral a adopté la loi 4162, qui traite de la privatisation du secteur de l’assainissement au Brésil.

Plusieurs projets au Congrès intègrent une stratégie qui vise à transformer l’eau en marchandise et en propriété privée, sur tout le territoire national.

Selon la nouvelle loi, à partir de mars 2022, tous les contrats de services d’assainissement (qui comprennent la distribution d’eau, la collecte et le traitement des eaux usées) existant entre les municipalités brésiliennes et les sociétés d’assainissement publiques peuvent, pour la plupart, être revus et réévalués.

Au lieu de maintenir les conventions de service, il sera obligatoire d’organiser des appels d’offres pour les entreprises publiques et privées, ce qui pourrait conduire, en moins de deux ans, à la privatisation de la plupart des services d’assainissement du pays. Cela signifie que, si la privatisation était auparavant une possibilité dans le cadre de la législation sur l’assainissement, elle est désormais devenue une obligation en vertu du nouveau cadre juridique. Les entreprises publiques ne pourront renouveler les conventions qu’à la condition de prouver leur viabilité financière et technique de gestion des services sur 30 ans. La nouvelle loi détermine également que l’Agence nationale de l’eau (ANA) devient seule responsable des normes de référence pour la réglementation des services d’assainissement, y compris en ce qui concerne la progressivité des tarifs pour toutes les factures d’eau.

En plus de cette nouvelle loi, il y a aussi la proposition de créer des marchés de l’eau, par le biais du PL (Projet de loi) 495/17, en cours de discussion au Sénat, qui vise à privatiser le projet de transposition du fleuve São Francisco et des autres bassins hydrographiques, ainsi que, la vente éventuelle d’Eletrobras (Compagnie publique d’énergie) et la concession de 47 lacs hydroélectriques.

Dans le secteur électrique, l’approbation du mécanisme de séparation des eaux en ballast et énergie est également en discussion. Ce mécanisme imposera un prix à l’eau des réservoirs et liera le prix de l’eau au prix de l’énergie, conférant, à ce qui n’est pas monétisée à ce jour, une valeur potentielle de l’eau pour la production d’électricité. En buvant de l’eau, nous paierons comme si nous buvions de l’électricité.

Mais quelle est la relation entre toutes ces initiatives ? Tout cela fait partie d’une vaste stratégie du capital qui vise à transformer dans tout le pays l’eau en marchandise ; à en faire propriété privée.

En ce sens, l’approbation du PL 4.162 symbolise non seulement une énorme perte de notre souveraineté, en tant que peuple brésilien, mais aussi une plus ample possibilité de faire avancer tous les autres agendas néolibéraux, en instance au Congrès, qui touchent à l’application de la stratégie du capital sur la totalité de l’eau existante au Brésil.

Transposition du San Francisco

La transposition du fleuve São Francisco, également appelée « Projet d’intégration des bassins », est annoncée depuis de nombreuses années comme l’une des principales solutions au problème du manque d’accès à l’eau dans le Nord-Est. Son principal objectif est de relier les eaux du Velho Chico, surnom populaire du fleuve São Francisco, dans l’Etat de Pernambuco (PE), aux eaux des États de Ceará (CE), de Rio Grande Norte (RN) et de Paraíba (PB).

Il s’agit d’un gigantesque projet d’infrastructure selon deux axes qui captent les eaux du São Francisco pour élever mécaniquement l’axe nord de Cabrobó – PE, de 188 mètres sur 400 km, l’axe Est étant à 332 mètres de haut sur 217 km, sans parler des dizaines de kilomètres que les eaux doivent parcourir dans les bassins récepteurs respectifs. Tout cela est maintenant menacé de devenir l’affaire privée de grandes multinationales.

Une partie de cet immense ouvrage doit être inaugurée ce vendredi (26), dans la région frontalière entre les États de Pernambuco et de Ceará, par Jair Bolsonaro, qui s’en est pris de manière irrespectueuse et néofasciste aux habitants du Nord-Est et a encouragé l’émergence de nouveaux cas de covid-19 au Brésil, en ignorant totalement les protocoles techniques et les directives des agences sanitaires. Il est donc indigne d’inaugurer un tel ouvrage, celui-ci, peut-être d’envergure historique et stratégique, pour le Nord-Est du pays. (…)

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