🇧🇷 Brésil: la région du Cerrado, victime oubliée de la déforestation (Lucile Gimberg / RFI)
Alors que la déforestation en Amazonie a atteint son plus bas niveau en six ans sur la période janvier-février, une autre région du Brésil, elle aussi riche en biodiversité, est victime d’un déboisement accru : l’immense savane arborée du Cerrado. Une délégation de peuples autochtones et des ONG sont, ces jours-ci, à Bruxelles pour alerter sur la situation et tenter de faire intégrer le Cerrado à la loi européenne contre la déforestation importée.
À partir de début 2025, les entreprises qui font entrer des marchandises dans l’Union européenne (UE) devront vérifier qu’elles n’ont contribué ni à la déforestation ni à la dégradation des forêts. Cette obligation concerne la viande, le cacao, le café, l’huile de palme, le bois, le soja et tous leurs dérivés. Pour le moment, l’UE ne considère que les forêts avec des arbres de plus de cinq mètres de haut, mais la Commission s’était engagée à étudier la possibilité d’inclure, par la suite, « les écosystèmes boisés autres que les forêts ».
Dans le Cerrado, qui occupe un quart du pays et qui est situé au sud-est de la forêt amazonienne, les grands exploitants agricoles déforestent surtout pour planter du soja. Ce soja est ensuite exporté notamment vers l’Europe où il sert en grande partie à nourrir les poulets et porcs d’élevage.
Et cette déforestation provoque les mêmes ravages environnementaux qu’en Amazonie, dénonce Eliane Xunakalo, présidente de la Fédération des Peuples Autochtones de l’État du Mato Grosso. Membre du peuple Kurâ Bakairi, elle fait partie de la délégation présente ce jeudi 21 mars à Bruxelles : « Nous, les communautés autochtones et traditionnelles, nous sommes encerclés par les fermes de soja. Cela a des conséquences négatives sur notre accès à l’eau, car le niveau des nappes baisse à cause des plantations de soja. Les pesticides qu’ils utilisent polluent aussi nos rivières, polluent les sols, provoquent des maladies dans les villages alentour, et nuisent même à notre agriculture », détaille-t-elle. Comme en Amazonie, le déboisement dans le Cerrado s’accompagne de violences contre les populations locales.
Une loi environnementale plus laxiste
Pourquoi la lutte contre la déforestation progresse-t-elle en Amazonie et pas au Cerrado ? En Amazonie, les terres sont pour la plupart publiques : elles sont soit protégées, soit reconnues comme territoires des peuples autochtones, soit elles appartiennent à l’État. Le gouvernement fédéral peut donc sanctionner les cas de déforestation illégale sur ces zones et les contrôles ont repris avec force depuis le retour au pouvoir de Lula.
Au Cerrado, au contraire, la déforestation a surtout lieu sur des terres privées. Dans ce cas-là, les organes de contrôle sont régionaux et ils sont plus sensibles « aux pressions de l’agrobusiness, des pouvoirs locaux et à la corruption », analyse Isabel Figueiredo, de l’Institut pour la société, la population et la nature (ISPN).
Ajoutée à cela, la loi environnementale brésilienne est plus laxiste au Cerrado en ce qui concerne les terres privées : les propriétaires ont l’obligation de protéger 20% de leurs terres de la déforestation, contre 80% en Amazonie. Résultat: les ONG comme Mighty Earth, qui traque le déboisement par satellite et sur le terrain, constate un report de la déforestation de l’Amazonie vers le Cerrado. (…)
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