Chili : comment rebâtir une nation ? (entretien avec Franck Gaudichaud par Antoine Dhulster / Enjeux Internationaux / France Culture)

Le 11 avril 2021, les Chiliens éliront 155 représentants chargés d’écrire la nouvelle constitution du pays. Ce texte devra remplacer l’actuelle loi fondamentale, adoptée sous Pinochet. Comment sera mené ce processus constituant ? La société chilienne pourra-t-elle s’y exprimer pleinement ?

Santiago du Chili: manifestants aspergés par les canons à eau de la police en décembre 2020• Crédits : MARTIN BERNETTI – AFP

Symboliquement et juridiquement c’est une révolution qui va avoir lieu au Chili en cette année 2021 avec les travaux d’écriture d’une nouvelle constitution. La loi fondamentale en vigueur actuellement dans le pays a été adoptée sous Pinochet. Le principe de cette nouvelle constitution a été acté par référendum le 25 octobre dernier, un an après un mouvement de contestation sociale et politique inédit dans l’histoire du pays. Le texte constitutionnel sera rédigé par une assemblée spécialement élue pour cela. Une assemblée constituante qui sera désignée en avril prochain et qui aura la lourde tache de traduire en actes les espoirs de changement suscités partout dans le pays…

Les demandes sociales sont très fortes, et nombreuses. C’est tout l’héritage de la dictature de Pinochet mais aussi de 30 années d’une démocratie très limitée et d’un modèle néo-libéral le plus radical d’Amérique latine, qui ont été remis en cause massivement. Il y a des demandes sur les services publics dans tous les domaines : l’eau, la santé, l’éducation, et plus globalement sur la relation entre la société et l’Etat. De ce point de vue il y a de nombreux doutes : la convention constitutionnelle sera-t-elle représentative de toutes ces demandes ? Les grands partis annoncent déjà qu’ils aspirent à dominer cette convention (…) Il y a aujourd’hui un État subsidiaire, qui intervient très peu dans la société et l’économie. Il y a un espoir de retour de l’État sur la santé, sur l’éducation, sur la question de l’eau (qui est presque entièrement privatisée au Chili). La question des réserves naturelles est également très importante (le pays a la plus grande réserve de cuivre au monde). Est-ce qu’il y aura des avancées en ce sens ? Ce sera l’un des points de crispation, de tension, dans les discussions de la Constituante… (Franck Gaudichaud, professeur des universités en civilisation hispano-américaine à l’Université de Toulouse II – Jean Jaurès, chercheur au laboratoire FRAMESPA – France Amériques Espagne)

Entretien à écouter ici