Cinélatino Toulouse : le palmarès 2023 (Espaces Latinos)


La 35e édition du festival de cinéma latino-américain de Toulouse, l’un des plus grands d’Europe, s’est achevée ce dimanche 2 avril 2023 et a dévoilé son palmarès. Le film mexicain Dos Estaciones a remporté le grand prix coup de cœur du long-métrage. Parmi les 24 prix décernés, nous avons fait une sélection des plus marquants.

Film du palmarès Cinélatino 2023

C’est le film franco-mexicain du réalisateur Juan Pablo González, Dos Estaciones, qui rafle le grand prix coup de cœur du jury dans la catégorie long-métrage de fiction. Nous suivons María, productrice de tequila, femme solitaire, aux prises avec des difficultés économiques suite à l’implantation de grandes compagnies étrangères en concurrence déloyale avec les entreprises locales. Teresa Sánchez campe avec intensité cette « tequilera ». Son calme apparent et son sérieux masquent sa détresse face à la disparition probable de sa distillerie. Un beau portrait psychologique de cette femme aux abois. Rafaela, embauchée contre gîte et couvert, sera son administratrice et lui redonnera espoir et réconfort, mais les fléaux naturels s’en mêlent et le dénouement sera… abrupt et radical. Avec cette histoire locale, concise et stimulante à la croisée du documentaire et de la fiction, le réalisateur crée une atmosphère réaliste et un personnage attachant. Juan Pablo González est né dans cette région des hautes terres de Jalisco, productrice de tequila. Il nous livre ici un film très personnel.

Le prix du public pour Totém (Mexique)

Dans cette même catégorie, le prix du public, en partenariat avec le quotidien régional La dépêche du midi, est décerné à Totém, un autre film mexicain, réalisé par Lila Avilés. Sol, une gamine de 7 ans, se trouve au milieu d’un monde d’adultes, dans la maison du grand-père, microcosme d’une famille réunie pour préparer la fête anniversaire de Tonatiuh, ce père, mari, fils, frère. Le film est centré sur la relation de la fillette à son père gravement malade et mourant. Naíma Sentíes, qui interprète Sol, est émouvante de gravité, de profondeur, de lucidité aussi car elle perçoit que quelque chose est en train de basculer dans son univers. Un film délicat et sensible sur la vie, les relations familiales parfois chaotiques et la perte, irrigué par une tendresse qui sort de la violence endémique du Mexique. À la fois chorale et intime, la tristesse y est aussi compensée par la relation ludique de la mère à cette enfant. Deuxième film de Lila Avilés après La Camarista , remarqué et primé dans de nombreux festivals, Tótem était l’unique représentant de l’Amérique latine dans la compétition officielle du festival de Berlin.

La fédération internationale de la presse cinématographique récompense Carvão (Brésil)

Le prix de la fédération internationale de la presse cinématographique est quant à lui décerné au film brésilien Carvão, de Carolina Markowicz. Dans une campagne perdue au loin de São Paulo, une famille, qui vit difficilement du commerce du charbon de bois, cache chez elle, dans des conditions scabreuses, un mystérieux Argentin pas très recommandable. La cohabitation va vite s’avérer compliquée pour maintenir les apparences. Non sans un peu de méchanceté, la réalisatrice se moque de ces « petites gens » attirées par l’appât du gain. Elle montre aussi beaucoup d’affection et de respect pour ses personnages, avec une pointe d’humour réjouissante. Interprétation remarquable de Maeve Jinkings, déjà vue dans les films de Kleber Mendonça Filho. Carolina Markowicz est une scénariste et réalisatrice basée à São Paulo (Brésil). Avant Carvão, son premier long-métrage, elle a écrit et réalisé six courts-métrages sélectionnés dans de nombreux de festivals tels que Cannes, Locarno, Toronto… Son court The Orphan a été présenté en première à la Quinzaine des réalisateurs et a remporté la Queer Palm à Cannes en 2018.

Documentaire : le prix des rencontres à La Bonga (Colombie)

Côté documentaire, le prix des rencontres de Toulouse (en partenariat avec la médiathèque de la région Occitanie), revient à La Bonga, un documentaire colombien. Guidés par les percussions et les chants, grands et petits se regroupent pour traverser la jungle colombienne. Ni la chaleur ni la pluie ne les empêchent de rejoindre leur but. Pour la première fois en 20 ans, 150 familles retournent à La Bonga après avoir été forcées de quitter la ville à cause du conflit armé et des menaces des paramilitaires. Il reste peu de l’école et des murs des maisons, aujourd’hui envahis par la nature. Les souvenirs restent eux aussi engloutis sous la végétation. Cette nuit, les danses célèbrent Santa Rosa, patronne du village. Le désir de réinvestir les lieux y est fort. La Bonga donne à voir avec douceur et sobriété les blessures encore ouvertes du conflit armé. Sebastián Pinzón Silva et Canela Reyes ont travaillé à la réalisation, à l’image et à la production pour des films documentaires tels que Palenque (Locarno, 2018) et Lapü (Sundance, Berlinale 2019), tous deux présentés à Cinélatino.

Documentaire : le prix du public pour Mamá (Mexique)

Le documentaire qui gagne cette année le prix du public est Mamá, de Xun Sero. Xun Sero est originaire d’une communauté tzotzil du Chiapas qui vénère la Vierge de Guadalupe et la Terre-Mère, sans pour autant réserver le même traitement aux mères réelles – surtout lorsqu’elles sont célibataires – comme la sienne. Dans le dialogue intime et sensible qu’il entame avec sa mère alors qu’elle vaque aux tâches domestiques, le réalisateur fait émerger progressivement la misogynie, la violence et la stigmatisation auxquelles elle a été confrontée et qu’il a inconsciemment reproduites. Tout en douceur, Mamá dresse le portrait d’une femme digne, forte et résiliente qui a su s’émanciper des diktats de sa communauté tout en offrant une réflexion pertinente et subtile sur la place des femmes dans la société. Xun Sero est né en 1988 au Mexique. Réalisateur et chef opérateur, il s’est formé à l’école de cinéma documentaire de San Cristóbal de las Casas. Son travail, en lien avec la lutte des peuples originaires dans le Chiapas, évite tout cliché. Mamá est son premier documentaire. (…)

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