Colombie: la catastrophe de Mocoa était prévisible et annoncée

La Colombie cherche toujours les disparus après la coulée de boue qui a détruit une partie de la ville de Mocoa, dans le sud du pays, tuant 254 personnes dont 43 enfants selon un dernier bilan officiel annoncé par le président Santos. Un bilan encore provisoire car un nombre encore indéterminé de personnes n’ont pu être localisées. Au milieu du deuil, des voix s’élèvent pour dire qu’il s’agissait d’une catastrophe annoncée.

Dimanche soir encore, les secouristes continuaient à sortir les corps attrapés sous la boue et les pierres, avec l’aide des habitants, tandis que les autorités organisaient la distribution de vivres, d’eau, de vêtements et de couvertures. Plus de 1000 personnes auraient perdu tout ou partie de leur maison et il faudra des mois à Mocoa pour reconstruire ce qui a été détruit.

Une catastrophe annoncée par les organisations de défense de l’environnement

Le pays découvre peu à peu que cette tragédie aurait pu être évitée si les autorités avaient écouté les alertes régulières de plusieurs organisations environnementales.

En 2014, un éboulement avait changé le cours de l’une des rivières qui a débordé dans la nuit du vendredi au samedi 1er avril, et d’énormes pierres avaient dévalé les montagnes sous la pression des pluies.

Une étude reprise à l’époque par la presse locale décrivait parfaitement ce qui a fini par arriver. Un rapport de juin 2016 émanant de l’autorité environnementale de la région, Corpo Amazonia, recommandait l’évacuation du quartier qui a été le plus touché, et le relogement de ses habitants.

La Colombie fait face régulièrement à ce genre de catastrophe. Sa topographie, associée à la déforestation galopante la rendent vulnérable aux glissements de terrain. Un rapport officiel pointait récemment que le département du Putumayo était l’un de ceux qui avait le plus perdu sa couverture forestière.

Chaque saison pluvieuse apporte son lot de victimes mortelles. Et ces derniers mois, en raison du phénomène climatique El Niño, la zone andine a été particulièrement arrosée en Colombie mais aussi au Pérou et en Équateur. Mocoa n’était qu’une zone à risque, oubliée, parmi d’autres.

http://www.rfi.fr/ameriques/20170403-colombie-catastrophe-mocoa-annoncee-deforestation-nino

La coulée de boue a été causée par la déforestation

Interrogée par Radio Caracol, une radio colombienne, l’ex-ministre de l’Environnement et directrice de The Nature Conservancy (TNC) Adriana Soto met en avant plusieurs pistes pour expliquer ce drame : « Le premier facteur, c’est le changement climatique. Partout dans le monde, nous assistons à une multiplication des événements climatiques extrêmes. Le second facteur est lié à la déforestation dans le bassin de Mocoa, qui favorise les glissements de terrain et les avalanches ; les rivières qui entourent la ville n’ont trouvé aucun obstacle en sortant de leur lit. »

D’après l’Ideam, l’Institut National d’Études sur l’Hydrologie et l’Environnement, la forêt colombienne recule d’année en année, lentement mais sûrement : « En 1990, elle représentait 56,4 % de la surface du pays ; aujourd’hui, les forêts ne recouvrent plus que 51,6 % de la Colombie. » Un avis partagé par de nombreux observateurs, comme l’environnementaliste Julio Carrizosa, également cité par Radio Caracol : « La déforestation a été très intensive dans cette région [notamment en raison de plantations illégales de coca, ndlr]. Les pentes ont été érodées. Et ainsi, avec les pluies torrentielles, les zones déforestées ont tendance à s’effondrer, à se déliter, occasionnant des mouvements de terre importants. » Dernier facteur pointé du doigt par Adriana Soto, l’urbanisation. « La seule solution pour empêcher de tels drames, c’est de préserver une couverture verte et des rivières en bon état. »

https://reporterre.net/En-Colombie-la-coulee-de-boue-a-ete-causee-par-la-deforestation