Les Colombiens ont voté pour la paix et contre la corruption (Rodrigo Restrepo / FAL)
Dans un climat de violence, les Colombiens ont choisi le dimanche 27 octobre leurs autorités régionales et municipales et, contrairement à son habitude, la Colombie a voté dans le sens du vent qui souffle en Amérique Latine.
D’après un rapport présenté deux semaines avant les élections par la Fondation Paix et Réconciliation (PARES), toutes les trente-six heures, un candidat a été victime de violence politique dans la dernière année. Selon ce rapport, la « violence électorale » a produit 230 victimes dont 22 assassinats, 171 menaces et 27 attentats. 46 % de ces faits se sont produits au cours des deux derniers mois. Le tout dans un cadre d’inaction du gouvernement alors que la MOE (Mission d’Observation Électorale) avait signalé dans son dernier rapport des risques de fraude et violence dans 152 municipalités.
Malgré cette situation et avec une participation de 60% la journée électorale de dimanche 27 Octobre est marquée par une incontestable victoire du camp de la paix et une cuisante défaite du parti Centro Democrático, parti du gouvernement URIBE / DUQUE qui n’a gagné aucune des grandes villes du pays.
À Bogotá, c’est la candidate de l’Alliance Verte, Claudia López, avec une coalition de centre-gauche qui sera la première femme à la tête de la capitale de la Colombie, deuxième poste en importance politique après le président de la République. Claudia López soutient fermement les accords de paix et a toujours revendiqué publiquement son homosexualité. Elle a été sénatrice et se place au centre de l’échiquier politique. Dotée d’un fort caractère elle a été un des leaders du référendum contre la corruption en 2018. Avec 35,2% elle devance de trois points le candidat “indépendant” de centre-droit Carlos Fernando Galán (Bogotá para la gente 32%) et laisse loin derrière Hollman Morris (Colombia Humana – Unión Patriótica 13%) et Miguel Uribe Turbay (Avancemos 13%) coalition des droites,composée des partis traditionnelles Libéral, Conservateur, Centro Democrático, le parti Chrétien-évangéliste MIRA entre autres.
Sur la victoire de Claudia López à Bogotá voir aussi l’article du Monde ici et celui du Petit Journal ici
À Medellín, place forte de l’uribisme, c’est Daniel Quintero au nom du mouvement des “Indépendants” qui arrive en tête. Fervent défenseur des accords de paix et très engagé contre la corruption, il avait participé au gouvernement de Santos. Ancien membre du parti Alliance Verte, il a crée “le Parti de la Tomate” et avait soutenu Gustavo Petro au deuxième tour des élections présidentielles.
Leer en español: las propuestas de Daniel Quintero para Medellín (El Colombiano
À Cali, troisième ville du pays, Jorge Iván Ospina du parti Alliance Verte avec une coalition centre-gauche reprend la mairie. Ancien sénateur et ancien maire de Cali, il est le fils d’un commandant du M-19 abattu à Cali par l’armée en 1985.
Le parti FARC a gagné la mairie de Turbaco (Bolívar), bourgade de 75 000 habitants dans les alentours de Cartagena, avec Guillermo Torres, connu comme Julián Conrado, artiste musicien. C’est la seule victoire significative de la FARC. La veille des élections, Alexander Parra, un autre ex-combattant démobilisé avait été assassiné à l’intérieur de l’Espace Territorial de Capacitatión Rural “Mariana Paez”, en principe protégé par l’armée. Plus de 170 démobilisés des FARC ont été assassinés depuis la signature des accords de paix.
Une autre femme s’impose dans un des territoires les plus affectés par la violence. La Mamá Mercédes Tunubala, Indigène Misak, dans la municipalité de Silvia (Cauca), est élue maire pour le “Mouvement des Autorités Indigènes de Colombie” avec le slogan “Mujer hilando gobierno para la vida”.
La Colombia Humana subit les conséquences d’une profonde crise d’organisation et des quelques candidatures désignées en dépit de l’avis des militants. Néanmoins ce mouvement a participé dans plusieurs coalitions victorieuses.
Côté gouverneurs de départements, 24 sur 32 ont été élus grâce a des coalitions et le parti au pouvoir a reculé en nombre, battu notamment dans les départements d’Antioquia et Córdoba, berceaux de l’uribisme et royaumes des paramilitaires. C’est peut être le début de la fin du sortilège, “el fin del embrujo”.
Rodrigo Restrepo (Bureau National de France Amérique Latine)