🇦🇷 Élections législatives partielles en Argentine : victoire de Milei (quelques analyses)


Le président d’extrême droite argentin, Javier Milei, est sorti victorieux des élections législatives de mi-mandat, dimanche 26 octobre, son parti obtenant 41 % des votes au niveau national, ce qui augmente considérablement sa base parlementaire, sans pour autant lui donner la majorité absolue. Il devance largement le bloc de gauche Fuerza Patria qui obtient 24,50 %. Le taux d’abstention est le plus fort enregistré depuis le retour de la démocratie.

Le président argentin, Javier Milei, après la clôture du scrutin des élections législatives de mi-mandat, à Buenos Aires, le 26 octobre 2025. Rodrigo ABD/AP

Un résultat inattendu, tant sa popularité était en baisse ces derniers mois. Rappelons que son parti Libertad Avanza avait subi une défaite lors du vote local pour les députés et sénateurs de la province de Buenos Aires, début septembre. Le dirigeant ultralibéral et « libertarien» jouit désormais de marges de manœuvre accrues pour mettre en œuvre son programme. « Aujourd’hui, commence le chemin de la construction de la grande Argentine », a-t-il déclaré, tandis que Donald Trump félicitait son allié avec enthousiasme. Quelques analyses.

Argentine : derrière la victoire de Javier Milei (Christophe Ventura / IRIS)

Dimanche 26 octobre, le parti présidentiel de Javier Milei, La Libertad Avanza, a remporté à la très grande majorité les élections législatives en Argentine, à la surprise générale des anticipations de vote. Avec 41 % des voix, soit 9,3 millions de votes, comptabilisant quinze provinces sur les vingt-quatre du pays, ce succès de la droite ultralibérale illustre l’évolution des rapports de force politiques internes en faveur du miléisme. Cependant, derrière les chiffres, des dynamiques plus complexes sont à appréhender.

Que révèle réellement ce scrutin des équilibres politiques et sociaux argentins ? Dans quel contexte s’inscrit-il ? Et quelles pourraient en être les répercussions régionales et internationales, alors que le soutien affiché de Donald Trump à Javier Milei souligne la proximité idéologique entre Buenos Aires et la droite populiste américaine ?

Chroniques de l’Amérique latine

Argentine : « Milei a gagné grâce à la peur de la débâcle ». (Entretien avec Claudio Katz / Traduction par Contretemps)

En Argentine, Milei et son gouvernement d’extrême droite au service du capital vient de remporter les élections législatives, de manière inattendue car tous les sondages prédisaient une défaite. De nombreuses conjectures et explications plus ou moins sérieuses ont circulé, sans toutefois offrir une image précise de ce qui s’est réellement passé.

Photo : Resumen Latinoamericano

Nous publions ici une traduction de l’entretien que Resumen Latinoamericano a mené avec Claudio Katz, membre des Economistas de Izquierda (« Économistes de gauche »), auteur de plusieurs ouvrages consacrés à la réalité latino-américaine.

Claudio Katz – D’abord, les faits. Ce fut une victoire écrasante d’un gouvernement qui semblait en déclin. Ils ont peint la carte électorale en violet, obtenu 40 % des voix et renversé le résultat dans la province de Buenos Aires, où ils avaient perdu de quatorze points il y a cinquante jours. Dans cette remontée, ils ont récupéré les électeurs absents en septembre et les suffrages d’autres options conservatrices. De plus, le parti au pouvoir a remporté la capitale fédérale avec vingt points d’avance, créé la surprise à Córdoba et Santa Fe, et confirmé sa primauté à Mendoza. En revanche, le péronisme s’en est à peine sorti dans les provinces où il a toujours eu la majorité.

Il existe de nombreuses interprétations de ce qui s’est passé, mais à mon avis, il y a une explication centrale : la peur de l’effondrement économique. Milei a gagné grâce à la crainte d’une débâcle. Il s’est imposé en raison de la perception généralisée que, si une dévaluation avait lieu le lendemain des élections, un désastre économique s’ensuivrait. Nous vivons dans une société qui garde en mémoire ces effondrements, et la population s’est prémunie en votant de manière conservatrice. Elle a choisi le moindre mal pour préserver ce qu’elle a face à la possibilité d’un effondrement.

Claudio Katz – Oui. La panique face à la catastrophe économique était très visible dans les jours précédant la flambée du dollar, avec la sensation d’une inflation imminente si la monnaie s’envolait. C’est très paradoxal : l’effondrement économique du gouvernement a déterminé son salut. La crainte généralisée du chaos s’est imposée.

Ce fut une élection marquée par le chantage de Trump planant au-dessus des urnes. Le magnat l’a dit sans détour : « Votez pour Milei ou je retire l’aide, et tout ira au diable. » C’était une menace directe : ils ont annoncé qu’ils ne soutiendraient le dollar que si leur vassal remportait les élections, et l’extorsion était explicite : sans Milei, nous faisons s’effondrer l’économie.

Ce message a semé la panique, ravivant la peur d’un retour à 2001 ; entre l’ajustement de Milei et cet effondrement, les électeurs ont choisi l’ajustement. Ce n’était pas un choix, mais un chantage, renforcé par le gouvernement qui assimilait le retour du péronisme à un désastre économique. Cette peur a profondément marqué la population.

C’est pourquoi, le lendemain, Trump s’est attribué à juste titre la victoire. Avec effronterie, il a déclaré : « Nous avons gagné », ajoutant : « Nous avons gagné beaucoup d’argent. » Et il l’a célébré, car il est le véritable vainqueur. Ils ont déjà commencé à s’emparer de l’Argentine pour très peu d’argent. (…)

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Leer en español : Argentina. Entrevista a Claudio Katz: «Milei ganó por el temor a la debacle» 


L’écrasante victoire de Milei que personne n’avait vu venir (entretien avec Denis Merklen, France Culture)

« Rendre à l’Argentine sa grandeur » : c’est par ces mots que Javier Milei a salué, dimanche 26 octobre, la victoire écrasante de sa coalition aux législatives de mi-mandat. Mais quel bilan tirer de ses deux ans au pouvoir, et comment expliquer une telle victoire qui n’était pourtant pas anticipée ?

Javier Milei après la victoire de sa coalition aux élections législatives de mi-mandat, le 26 octobre 2025 ©AFP – Luis ROBAYO

Avec 40,7 % des suffrages, il consolide nettement son pouvoir, tandis que l’alliance péroniste Fuerza Patria chute à 31,6 %. Milei proclame la “mort” de ce courant, promet de poursuivre une transformation radicale du pays.  Que change ce nouveau rapport de force parlementaire pour la suite de son mandat ?

Analyse de Denis Merklen, sociologue, professeur à l’Université Sorbonne Nouvelle – Paris 3 et directeur de l’Institut des Hautes Études sur l’Amérique latine.

Les résultats électoraux en Argentine n’ont été qu’une demi-surprise : s’ils confirment une progression du camp présidentiel, ils se déroulent dans un climat de forte incertitude. Le pays traverse une crise politique et économique profonde, marquée par un taux d’abstention inédit et une inflation ayant atteint jusqu’à 300 %, mais Milei, à force de politiques restrictives, est tout de même parvenu à abaisser cette inflation. Denis Merklen explique que « l’inflation est arrivée à des pics de 300%, donc la situation générale de la société est invivable, et cet arrêt de l’inflation a été l’une des principales promesses de Milei, et donc effectivement, d’une certaine façon, il tient bon. », ce qui permet de comprendre, entre autre, la victoire du président aux élections législatives de mi-mandat. (…)

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 Élections législatives en Argentine: «Milei a réussi à rattraper son retard au niveau national» (entretien avec David Copello / RFI)

Dimanche 26 octobre, le parti du président argentin Javier Milei a largement remporté les élections législatives partielles en récoltant plus de 40% des voix. Décryptage de David Copello, maître de conférences en sciences politiques et spécialiste de l’Argentine à l’Institut catholique de Paris.

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Voir également ces articles réservés aux abonné·es
« L’Argentine s’inscrit peu à peu dans la grande vague autoritaire qui traverse le monde » (tribune de Olivier Compagnon et David Copello (Le Monde)
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Pour rappel, voir :
Donald Trump conditionne l’aide à l’Argentine à la survie politique de Javier Milei (RFI) (16 octobre 2025)
Argentine : une défaite électorale pour Javier Milei (Revue de presse) (19 septembre 2025)