🇪🇨 Équateur: l’activité minière illégale, contrôlée par les cartels et traquée par l’armée (Éric Samson / RFI)
Cela fait maintenant des années que l’Équateur exporte plus d’or qu’il n’en produit officiellement. Beaucoup plus même puisque la différence est de plus d’un milliard d’euros chaque année. Selon la chambre des Mines du pays, de 50 à 60 % de l’or exporté depuis l’Équateur est d’origine illégale et souvent contrôlée par les bandes criminelles. Notre correspondant en Équateur, Éric Samson a rencontré dans le nord du pays des mineurs artisanaux et d’autres travaillant de façon plus industrielle, essayant d’échapper aux rigueurs de la loi.

Près de la frontière colombienne, le village de Minas Viejas (les Vieilles Mines), porte bien son nom. Des pelleteuses rouillées sont abandonnées près d’anciens ateliers mécaniques au bord d’une rivière dévastée. Ici, on travaillait de nuit pour éviter d’être détectés par les hélicoptères militaires.
Directeur de l’ONG Tierra para Todos (Terre pour Tous), Pablo Iturralde connaît bien la zone où a commencé l’activité minière illégale en Équateur. « Pendant dix ans, ils ont remué tous les sédiments de cette rivière, au moins 2 ou 3 fois. Donc non seulement il n’y a plus d’or, mais ils ont mis en danger les bases du pont suspendu que nous avions contruit entre deux communautés. Il a fallu venir négocier et payer un peu d’argent pour qu’ils n’enlèvent pas les pierres trop proches des piliers du pont ».
Une exploration dévastatrice pour l’environnement
Attablé devant une bière dans le village d’Alto Tambo, « Geovanny » (un pseudonyme), connaît bien l’activité minière illégale. Il y est plongé depuis sa jeunesse. « Chaque semaine, je peux sortir jusqu’à 300 grammes d’or, parfois 200, voire 100 grammes ou rien du tout. Actuellement le prix du gramme d’or est à 86 dollars et on peut le vendre un peu partout, ici dans la zone et jusque dans la ville d’Ibarra. »
À peine âgé de plus de 30 ans, Geovanny vient d’acheter une pelleteuse de plus de 150.000 euros. Une machine qu’il n’a pas encore terminé de payer, qui lui permet de verser les sédiments dans d’immenses tamis à la recherche d’or et qu’il fait tout pour protéger des raids de la police et des militaires. « Ils les brûlent ou les font exploser. Et pourtant elles ne sont pas faciles à trouver. On fait passer les bulldozers et les pelleteuses dans des ravins, dans les lits de rivière pour cacher leurs traces et il faut souvent une journée pour arriver là où on veut chercher de l’or. La police connaît la région mais ils n’aiment pas marcher. Ils vont plutôt en hélicoptère. »
En Équateur comme partout, l’activité minière illégale dévaste l’environnement, comme le regrette cette mère de famille de 26 ans originaire du village frontière de Tobar Donoso. « Les rivières, ils les détruisent… Ils commencent à y jeter des ordures, il y a des traces de diesel dans l’eau et on ne peut plus la boire », se désole la femme qui souhaite rester anonyme et que nous appellerons María.
Maria est une mineuse artisanale qui a commencé à chercher de l’or à la batée avec sa mère. Elle avait alors sept ans. « Il n’y a pas de travail ici et quand on n’a pas fait d’études, comment voulez-vous gagner de l’argent ? On dépend de l’activité minière parce que l’agriculture ce n’est bon que pour la consommation personnelle et de la famille. Moi, j’ai essayé de faire de l’élevage de cochons, mais faute de transport et d’argent, je n’ai pas pu en prendre soin ».
Entre bandes criminelles et forces de sécurité
Une situation que confirme Pablo Iturralde, directeur de Tierra para Todos. « Il y a quelques années, les militaires ont détruit 70 pelleteuses dans la zone et cela a provoqué de graves problèmes sociaux. Près de 2000 personnes ont perdu leur emploi, direct ou indirect. Comme il n’y avait plus d’or pour vivre, les gens ont commencé à se voler de la nourriture, car c’est l’un des problèmes de l’activité minière : les gens abandonnent leurs exploitations agricoles. »
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