🇪🇸 🇲🇽 L’Espagne et le Mexique, deux frères fâchés (Bernard Duterme CETRI ) / Communiqué du CADTM


Une crise diplomatique divise le Mexique et l’Espagne à la veille de l’investiture de la nouvelle présidente mexicaine, Claudia Sheinbaum. Le roi d’Espagne, Felipe VI, n’y a pas été invité. Une première. Interview de Bernard Duterme (CETRI) par Estelle Falzone (RTBF) pour l’émission Ici le monde.

Pedro Sánchez (Photo : La Moncloa – Gobierno de España) et Claudia Sheinbaum (Photo : Secretaría de Cultura Ciudad de México)

Compte-rendu écrit par Estelle Falzone (RTBF)

L’Espagne n’a pas été conviée à cause d’une lettre. En 2019, le président sortant, Andres Manuel Lopez Obrador, avait demandé à l’Espagne de s’excuser et de reconnaître « de manière publique et officielle » les « dommages » provoqués par la conquête espagnole entre 1521 et 1821. Lettre restée à tout jamais sans réponse.

Le temps est passé, mais pas l’amertume. En guise de réponse, le Mexique a décidé de ne pas inviter le Roi d’Espagne à la cérémonie. Le Premier ministre, Pedro Sanchez, a lui bien été invité, mais il a refusé cette invitation, en signe de « contestation » à cette « exclusion » du Roi qu’il juge « inexplicable » et « inacceptable ».

Outre la polémique, cette querelle entre l’Espagne et le Mexique touche à une question identitaire profonde au Mexique. Bernard Duterme, directeur du CETRI, le Centre tricontinental, explique : « C’est une polémique symboliquement forte car elle renvoie à des questions identitaires historiques, à la constitution même de la société mexicaine. La colonisation espagnole fut une colonisation de peuplement, donc l’essentiel de la population mexicaine aujourd’hui est d’origine espagnole, dont une part métissée avec les populations indigènes. C’est une question fondamentale d’injustice historique donc, en cela cette crise est symboliquement importante ». Selon l’expert, cette polémique apparaît cependant comme légèrement décalée, au regard des nombreux enjeux qui secouent le pays, comme la violence extrême, la migration ou encore la pauvreté très présente.

Par ailleurs, l’enjeu de la reconnaissance de la violence de la conquête espagnole ne représente pas, à ce stade, un frein à la coopération entre les deux pays. Souvent considérés comme des « pays frères », l’Espagne et le Mexique sont des partenaires économiques privilégiés, et le restent. « En Europe, le premier partenaire du Mexique est l’Espagne, et en Amérique latine, le premier client de l’Espagne est le Mexique », précise le directeur du CETRI. Cette crise diplomatique ne devrait donc sans doute pas remettre en question les relations économiques entre les deux États.

Ce contentieux existe, en plus, depuis l’arrivée au pouvoir de l’ex-président mexicain, Andres Manuel Lopez Obrador. Ce dernier n’a jamais visité l’Espagne, il est le premier président mexicain à ne pas le faire : « Mais ces relations économiques sont si importantes qu’il n’ira pas au-delà du champ politique, symbolique, sans incidence dès lors sur les relations prolifiques que les deux États entretiennent entre eux », ajoute Bernard Duterme.

Si cette question semble « décalée » par rapport aux préoccupations des Mexicains, c’est parce qu’elle sert également la popularité du président sortant : « Andres Manuel Lopez Obrador est le président le plus populaire de l’histoire du Mexique. Malgré les crises en cours, il termine son mandat sur un bilan relativement positif. Dans ses adresses quotidiennes à la nation mexicaine, il exerce souvent ce que les observateurs appellent »un populisme habile« , en jouant régulièrement le peuple contre les élites. Ici, en l’occurrence, les peuples indigènes mexicains contre la monarchie espagnole. »

Le président mexicain surfe également régulièrement sur le clivage entre la gauche mexicaine et la droite monarchique espagnole. Précisons qu’en Espagne, les partis de gauche dénoncent aussi cette « arrogance » de la monarchie espagnole – pour reprendre les termes d’Andrés Manuel López Obrador – à refuser toute reconnaissance de la violence de la colonisation au Mexique.

Dans le Sud-Est du Mexique, une partie des peuples d’origine indigène, les rebelles zapatistes mayas, a carrément tourné cette lettre du président sortant en ridicule. Ils invitent Andrés Manuel López Obrador à lui-même s’excuser des politiques menées par le Mexique contre les indigènes, le Mexique pays indépendant depuis deux siècles : « Il est vrai qu’au bas de l’échelle de la société mexicaine actuelle, il y a les peuples d’origine indigène. Ils représentent près de 20% de la population, soit entre 20 et 25 millions de personnes. Des peuples surreprésentés parmi les populations les plus marginalisées, les plus exploitées, et les premières victimes de racisme. Dans le Sud-Est mexicain, dans l’État du Chiapas, un indigène sur deux vit sans électricité… dans une région qui fournit pourtant l’essentiel de l’hydroélectricité du reste du pays ».

(…) Lire la suite de l’article et écouter l’interview ici


Le CADTM se félicite de la décision du nouveau gouvernement mexicain de ne pas inviter le roi Felipe VI d’Espagne à son investiture

Lors de la cérémonie de passation de pouvoir entre le Président du Mexique, Andrés Manuel López Obrador, et la nouvelle Présidente, Dr. Claudia Sheimbaum Pardo, qui aura lieu mardi prochain, le 1er octobre, il y aura une absence notable, celle du Roi Felipe VI de Bourbon du Royaume d’Espagne.

Diego Rivera La conquista de México, 1929. Palacio Nacional-INBA

La raison de cette absence est due au comportement arrogant et colonialiste du roi Felipe VI qui n’a pas répondu à la demande de l’actuel président Andrés Manuel López Obrador (AMLO) de présenter des excuses aux peuples indigènes du Mexique pour les atrocités commises lors de la colonisation de ce pays et du reste du continent. Face au silence arrogant et impérialiste du roi, le gouvernement mexicain a gelé ses relations diplomatiques avec le royaume espagnol en 2022.

L’attitude colonialiste arrogante de Felipe VI s’est également manifestée lorsqu’il a refusé de se lever lors de la cérémonie d’investiture du président colombien Gustavo Petro, lorsque l’épée du libérateur Simón Bolívar a été déplacée du Palais de Nariño au lieu de la cérémonie, ou lorsqu’il a adopté une attitude froide lors de l’investiture du président bolivien Luis Arce Catacora.

La position du nouveau gouvernement mexicain à l’égard du roi Felipe VI remet en question les postures de soumission des gouvernements de droite latino-américains, ainsi que la complaisance du gouvernement « socialiste » espagnol à l’égard d’une institution anachronique et corrompue comme la monarchie espagnole. (…)

(…) Lire la suite du communiqué ici