🇧🇷 🇬🇾 Les Guyanes, nouvel eldorado pétrolier aux portes de l’Amazonie (Enzo Dubesset / Alternatives économiques)
Le plateau des Guyanes est en effervescence depuis la découverte d’importantes réserves pétrolières. Dans cette région à la biosphère inestimable, les espoirs de rattrapage économique éclipsent les risques environnementaux.

Le 20 octobre, la nouvelle a fait le tour du monde, donnant lieu à de virulentes critiques dans la presse internationale comme dans les milieux écologistes et autochtones brésiliens sur « l’hypocrisie du gouvernement Lula » en matière de politique énergétique.
À quelques semaines de l’inauguration de la COP 30, qui s’est ouverte à Belém le 10 novembre, le Brésil donnait son feu vert à un vaste projet d’exploration pétrolière offshore dont l’exploitation pourrait larguer l’équivalent de 13,5 milliards de tonnes de CO2 dans l’atmosphère.
Le « Bloc 59 », aux réserves estimées à dix milliards de barils se situe au large de l’Amapa, à l’extrême nord du Brésil, à 175 kilomètres d’Oiapoque, la ville marquant la frontière avec la Guyane française.
Dans cet État d’à peine un million d’habitant, isolé du reste du Brésil par le gigantesque fleuve Amazone et comptant parmi les plus pauvres du pays, l’annonce a été presque unanimement saluée. L’arrivée de Petrobras marque « une nouvelle étape dans l’histoire économique et sociale » de l’État, selon les termes de son gouverneur Clécio Luis, apparenté au centre gauche.
Le Guyana, un Koweït sud-américain
Les prospections du Bloc 59 par Petrobras, le géant pétrolier local, s’inscrivent dans une entreprise beaucoup plus large d’exploration de la « marge équatoriale » du Brésil. Cette vaste zone sous-marine, située au large de la côte septentrionale de l’Amérique du Sud, abrite plusieurs bassins sédimentaires prometteurs en hydrocarbures sur lesquels mise l’actuel huitième producteur mondial de pétrole.
Mais cette « nouvelle frontière énergétique mondiale », comme la décrit Petrobras, ne s’arrête pas aux eaux territoriales brésiliennes. Ce qui se joue aujourd’hui dans l’Amapa s’inscrit en réalité dans une dynamique commune à l’ensemble du plateau des Guyanes – un espace auquel est d’ailleurs géographiquement et historiquement rattaché cet État brésilien autrefois appelé « Guyane portugaise ».
Sur l’autre versant du « plateau », le Guyana, ex-colonie britannique d’à peine 800 000 habitants, a été la première des Guyanes à voir son destin percuté par l’or noir de sa propre « marge équatoriale ». En 2015, la multinationale américaine Exxon Mobil y a découvert un immense gisement offshore dont les ressources récupérables sont estimées à huit milliards de barils.
Cette zone baptisée « Stabroek Bloc », qu’Exxon se partage avec Chevron (30 %) et la China National Offshore Oil Corporation (25 %), a été exploitée dès 2019. La production, tournant autour de 900 000 barils par jour, devrait continuer de croître tant les investissements se multiplient. En septembre, Exxon a notamment reçu les autorisations pour son septième projet pétrolier dans le pays, qui devrait voir le jour en 2029.
De fait, le pétrole a dopé la croissance guyanienne, qui oscille entre 40 et 60 % depuis 2020, soit la progression la plus rapide du monde. Cette transformation, surveillée de près par les États-Unis, s’opère au grand dam du Venezuela, autre puissance pétrolière du plateau des Guyanes, qui revendique la région transfrontalière de l’Essequibo, administrée par le Guyana et au large de laquelle se trouve une grande partie du Stabroek Bloc.
Enfin, quoique le changement y soit pour l’instant moins spectaculaire, le Suriname, actuellement englué dans une crise économique sévère, se rêve aussi en puissance pétrolière. Total Energies, qui explorait depuis 2019 les eaux territoriales de ce petit pays néerlandophone voisin du Guyana, a annoncé en octobre 2024 y investir 10,5 milliards de dollars pour des premiers barils en 2028. En juin dernier, le pétrolier français a confirmé le potentiel de l’ancienne « Guyane hollandaise » en déclarant acquérir des parts dans un second gisement, déjà exploré par des firmes américaines et malaisiennes. (…)
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