Joe Biden et l’Amérique latine : changement dans la continuité ? (Jean-Jacques Kourliandsky / Espaces latinos)

La victoire du candidat démocrate, Joe Biden, aux dernières présidentielles états-uniennes, le 3 novembre 2020, a suscité beaucoup d’attentes, au sud du Rio Grande. Plus de deux mois après son entrée en fonction, le 20 janvier 2021, qu’en est-il exactement  ? La page Trump, vierge de tout projet et souvent très rude, a-t-elle été tournée comme on l’espérait à Caracas, La Havane ou Mexico  ? Le nouveau résident de la Maison-Blanche est-il plus attentif et positif à l’égard de ses voisins du Sud  ?  

Le passé plaide pour une approche rompant avec les années Trump.  Joe Biden n’a-t-il pas été vice-président de Barack Obama, président ayant ouvert un dialogue positif avec ses voisins du Sud et en particulier avec Cuba ? De 2009 à 2017, Joe Biden n’a-t-il pas effectué 16 visites officielles et de travail en Amérique latine ?  

Le legs trumpien a effectivement multiplié malentendus et humiliations entre nord et sud du continent américain. Donald Trump a remis systématiquement en question les acquis de la mandature Obama-Biden : renforcement de l’embargo cubain, menaces à l’égard d’un Mexique soupçonné de laisser-aller migratoire et de concurrence commerciale inamicale, violences verbales assorties de sanctions pour le Venezuela, pressions répétées sur la Colombie soupçonnée de complicité avec le trafic de stupéfiants, coups de menton tarifaires tous azimuts, de l’Argentine au Brésil, absence de visite officielle ou de travail dans l’un quelconque des pays d’Amérique latine.  

Son départ et la victoire du candidat démocrate ont provoqué le  soulagement quasi général des dirigeants latino-américains. Et l’espoir souvent exprimé d’une relation différente, apaisée au minimum. La plupart des gouvernements avaient, tout au long du mandat du milliardaire nord-américain, développé une triple stratégie, en vue de préserver leur tranquillité souveraine. Celle du soutien diplomatique à la diplomatie agressivement anti-vénézuélienne de la Maison-Blanche, pour certains.

Ce choix a été celui des responsables les plus conservateurs. Ils ont accepté de fabriquer une sorte de « Sainte-Alliance » anti-Caracas, le Groupe de Lima, qui ne leur a apporté aucun retour sur investissement, qu’il s’agisse du commerce bilatéral, de la gestion du dossier migratoire ou de celui des questions liées aux stupéfiants. Celle du dos rond a été pratiquée en 2019 par le nouveau chef d’État mexicain, Andrés Manuel  López  Obrador  (AMLO), échaudé par les humiliations répétées subies par son prédécesseur Enrique Peña Nieto.

AMLO a effectivement réussi à détendre l’atmosphère, mais au prix de concessions ayant permis de préserver l’accord tripartite Canada-États-Unis-Mexique. Et au risque d’une brouille future avec Joe Biden, AMLO ayant accepté en échange d’un entretien bilatéral à Washington, le 8 juillet 2020, en pleine campagne électorale états-unienne, d’ignorer le candidat démocrate. Ultime stratégie, enfin, celle de faire avec, en cherchant des partenaires d’équilibre.

La Chine, la Russie, saisissant les inconséquences diplomatiques de Donald  Trump comme une aubaine ont pris une place de plus en plus importante en Amérique latine. Les mises en garde, sans contreparties, de l’équipe Trump, n’y ont rien fait. La Chine et la Russie assortissaient leurs bonnes paroles d’offres sonnantes, trébuchantes et alléchantes. Le ministre des Affaires étrangères uruguayen, un homme de droite, a résumé la situation en ces termes : « Quand on nous demande que peuvent faire les États-Unis pour le Mercosur, bon, la première des choses serait de nous écouter, parce que pour l’instant, on dirait que le seul qui nous écoute, c’est la Chine ». 

Joe Biden a donc pris les rênes du pouvoir le 20 janvier 2021. Les grands discours prononcés ont ciblé une diplomatie de valeurs, de coopération, dans un cadre multilatéral. Ils ont été bien reçus en Amérique latine. À l’exception du Brésil dont le président, Jair Bolsonaro, a gardé de bout en bout un préjugé idéologique « trumpien ». Un bref échange de lettres courtois a toutefois rappelé l’importance attachée par Joe Biden à une coopération active pour lutter contre la Covid-19 et le réchauffement climatique. (…)

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