La 11ème ronde pétrolière et ses conséquences sur les droits de la Nature
“La nature ou Pacha Mama, où se reproduit et se réalise la vie, a droit au respect intégral de son existence, au maintien et à la régénération de ses cycles vitaux, structure, fonctions et processus évolutifs” Constitution équatorienne
L’Equateur est le seul pays au monde qui reconnaisse à la Nature des droits constitutionnels. Grâce à un long processus de discussion et de débats au sein de la société civile équatorienne et malgré l’opposition des secteurs corporatifs, en 2008 au cours de l’Assemblée constituante de Montecristi, la Nature a obtenu le statut de sujet de droit.
Si, en théorie, la Constitution établit le droit au respect intégral de son existence, au maintien et à la régénération de ses cycles vitaux, structure, fonctions et processus évolutifs (Article 73) et le droit à la restauration de la Nature (Article 72), en pratique l’application de ces droits s’affronte au modèle neo-extractiviste choisi par l’actuel gouvernement équatorien.
En effet, le 13 octobre 2011, le ministère des ressources non renouvelables et la présidence de l’Équateur ont pré-approuvé l’appel d’offres de 21 blocs dans les provinces de Pastaza et de Morona Santiago, au sud-est du pays. Cette région est encore libre d’activité pétrolière, elle est reconnue pour son caractère irremplaçable, son extrême vulnérabilité socio-économique, sa priorité absolue pour la conservation et le maniement durable de la diversité biologique [1]
. De plus c’est la région avec le plus faible taux de déforestation du pays.
Cet appel d’offres affecterait 77 % de la province de Pastaza, 54 % de la province de Morona Santiago et environ 3 millions d’hectares de territoires ancestraux Achuar, Andoa, Sapara, Kichwa, Shuar, Shiwiar et Waorani [2]. La nouvelle ronde pétrolière affecterait un total de 2.927.513,37 d’hectares, c’est-à-dire 75,91 % des territoires indigènes.
L’exploration et l’extraction du pétrole en Amazonie Sud deviennent d’actualité en raison de l’épuisement des réserves du nord amazonien du pays. L’impact de l’exploration du pétrole sur les forêts et les groupes indigènes de l’Amazonie Centre et Sud, est très préoccupant car des routes seraient ouvertes, ce qui, on le sait, donnerait accès aux colonisateurs, provoquerait des destructions des forêts et pourrait avoir des effets désastreux dans cette région du sud-est.
Les Nationalités Indigènes d’Orellana, de Pastaza et de Morona Santiago ont proposé un moratoire pétrolier à perpétuité dans leurs territoires, pour le respect de leur cosmovision, leurs droits collectifs et les droits de la nature. Il faut rappeler que les peuples indigènes sont les premiers garants “naturels” des Droits de la Nature : sans avoir besoin de législation, ils ne l’ont jamais considérée comme une ressource mais comme un être qui fait partie intégrante de leur culture. Ils ont toujours protégé les forêts et l’eau, dont ils dépendent pour survivre, dans le respect et la défense de la Nature.
La relation apparemment harmonieuse avec la Nature, prônée par le gouvernement dans sa Constitution, est en contradiction avec la dépendance croissante à la rente pétrolière, maintenue par l’Etat, quitte à sacrifier des territoires ancestraux et megadivers pour quelques barils de plus au détriment de la nécessaire diversification de la matrice énergétique.
Si les blocs de la onzième ronde sont exploités, les citoyens pourront exiger :
• que, en cas d’impact environnemental grave ou permanent, y compris ceux provoqués par l’exploitation des ressources naturelles non renouvelables, l’État établisse les mécanismes les plus efficaces pour atteindre la restauration, et adopte les mesures appropriées pour éliminer ou pour diminuer les conséquences environnementales nocives. (Article 72/ 2ème alinéa)
• que l’Etat applique des mesures de précaution et de restriction pour les activités qui pourraient conduire à l’extinction d’espèces, à la destruction d’écosystèmes ou à l’altération permanente des cycles naturels. (Article 73)
Il ne faut pas oublier que les droits de la Nature sont liés aux droits des peuples ancestraux dont les territoires seront affectés par la onzième ronde pétrolière.
L’État devra rendre des comptes à la Nationalité Achuar d’Équateur (NAE), à la Nationalité Shiwiar d’Équateur (NASHIE), à la Nation Sápara d’Équateur (NASE), à la Nation Shuar d’Équateur (NASHE), au Peuple Ancestral de HUITO, au Peuple Kichwa de Sarayacu, à l’Association de Femmes Huaorani d’Équateur (AMWAE), à la Fédération Interprovinciale des Centres Shuar (FICSH), à la Confédération des Nationalités Indigènes de l’Amazonie Équatorienne (CONFENIAE), à la Confédération des Nationalités Indigènes d’Équateur (COANIE). En effet tous ces groupes ont refusé que les entreprises pétrolières étatiques et privées réalisent sur leurs territoires ancestraux des investissements, qui seraient illégaux car ils affectent les droits collectifs et les droits de la nature. Ils exigent donc l’abandon de la politique pétrolière que l’on veut mettre en application dans leurs territoires par la 11ème ronde pétrolière destinée à l’exploration et l’exploitation de 21 bloc pétroliers dans les provinces d’Orellana, de Pastaza et de Morona Santiago [3].
Enfin, on peut illustrer l’aspect paradoxal de la position du gouvernement équatorien en citant l’article du Dr Mario Melo La nouvelle ronde d’appel d’offres pétrolier et l’écroulement du paradigme constitutionnel :
“Comment peut-on dire que la Nature a des droits en Equateur, si l’État essaie de transformer les plus importantes forêts amazoniennes megadiverses qui lui restent en champs pétroliers ?”
Lucía Villaruel FAL Marseille
Service civique auprès de la Fondation Pachamama Equateur
Projet Amazonie Equatorienne
La XI ronda petrolera y la afectación de los derechos de la naturaleza
Article rédigé pour le programme « Derechos de la Naturaleza » de la Fondation Pachamama.