La marche pour l’Eau, la Vie et la Dignité des Peuples en Equateur

La marche pour l’eau, la vie et a dignité des peuples a commencé le 8 mars à El Pangui dans le centre-sud de l’Amazonie équatorienne (zone qui sera affectée par le projet d’exploitation minière à ciel ouvert signé récemment entre l’Equateur et la Chine), et elle s’est achevée 15 jours et 700 km plus tard, à Quito le 22 mars dernier.
La CONAIE (Confédération des nationalités indigènes d’Equateur) a convoqué le peuple équatorien à une marche nationale pour la défense des principes de la Constitution de Montecristi.

Les cinq piliers de la marche étaient les suivants : [1]

  • La redistribution de l’eau par le biais de l’approbation d’une nouvelle loi sur l’eau.
  • Une révolution agraire impliquant l’approbation de la Loi des terres et la réalisation d’une réforme agraire basée sur la souveraineté alimentaire.
  • L’alternative au modèle extractiviste-minier imposé actuellement, pour un nouveau modèle basé sur le Buen Vivir- Sumak Kawsay.
  • Le refus des nouveaux impôts qui affectent les petits propriétaires et les petits producteurs.
  • La cessation immédiate de la criminalisation de la protestation sociale et l’annulation des procès pour sabotage et terrorisme à l’encontre des 194 leaders communautaires.

Les manifestants exigeaient également la pleine vigueur de la Constitution, ils s’opposaient à la l’exploitation minière à grande échelle, à l’élargissement de la frontière pétrolière, et demandaient la suspension de la dixième et onzième ronde pétrolière, le respect des droits à l’autodétermination des peuples en isolement volontaire, la suspension des opérations dans le bloc 31, et la garantie d’intangibilité du bloc ITT dans le parc Yasuní.

Face à la marche, le mandataire équatorien Rafael Correa a déclaré :
« S’ils sont 500 nous serons 50 000 ! »

Le mouvement Alianza Pais a ainsi organisé une contre-manifestation en convoquant ses forces alliées à descendre dans la rue pour défendre le gouvernement en place. Selon le gouvernement, la mobilisation organisée par l’opposition avait pour objectif de positionner des candidats pour les prochaines élections présidentielles de 2013, et instrumentalisait le mouvement indigène et paysan à des fins électorales . [2]Le discours du président Rafael Correa soutenait que la marche organisée par les mouvements sociaux était alimentée par des putschistes et qu’il existait une alliance entre la gauche et la droite afin de renverser le gouvernement . [3] Cependant l’analyste juridique Milton Castillo considère que la marche a été démocratique et non-déstabilisatrice. [4] Quant au président de la CONAIE, Humberto Cholango, il a indiqué qu’il ne s’agissait pas d’une compétition, que les indigènes n’avaient pas l’intention d’effectuer un coup d’état, mais de s’opposer à la prépotence d’un gouvernement autoritaire . [5] Il a ajouté que l’organisation de la marche a rencontré de nombreux obstacles comme le refus de laissez-passer officiels pour la circulation des bus, de nombreux contrôles policiers ou l’infiltration de membres de la force publique.

A Quito, le 22 mars, l’atmosphère est lourde, il y a comme un air d’apocalypse, les forces militaires et policières ont été déployées, des hélicoptères virevoltent au dessus des têtes, et les sirènes sifflent sans relâche. Une dizaine de milliers de manifestants indigènes, paysans métisses et afro-écuatoriens rejoignent le sud de Quito. Parés de tenues traditionnelles de toutes les régions, lances en main pour certains, tambours, sifflets et pancartes pour d’autres, les semelles usées, mais la démarche ferme, ils se dirigent comme un seul homme vers le centre historique.

« ¡No somos cuatro, no somos cien, Correa economista, aprende a contar bien ! »
« ¡Por el Agua, nadie se cansa, por la Vida, nadie se cansa ! »
« Esto no es pagado : es pueblo organizado. »
« ¡Correa tiene miedo ! Por eso tiene a Quito militarizado. »

Une grande partie des passants admirent le spectacle, encouragent et applaudissent : on se rend compte que le mouvement a réussi à susciter la solidarité de nombreux habitants.
Contre toute attente, les demandes formulées ont également atteint l’opinion publique quiteña.
De l’autre côté, la mobilisation officialiste a investi 4 espaces centraux de la capitale équatorienne : La Plaza de San Francisco, la Plaza de la Independencia, la Plaza Santo Domingo aux abords du Palais présidentiel Carondelet et le parc El Arbolito.
Rafael Correa se rendra dans les 4 rassemblements afin de « défendre la démocratie et la révolution »…

Enfin, les dirigeants de la mobilisation sociale ont été entendus par le procureur général, par le président de l’assemblée législative Fernando Cordero, et ont déposé une demande auprès des juges de la Cour Constitutionnelle afin qu’ils étudient la constitutionnalité des lois approuvées par l’Assemblée. Concernant la loi des Eaux, l’Assemblée attend la décision de l’exécutif qui se prononcera dans un mois sur la consultation inaliénable des communautés indigènes.
Ensuite reprendront les débats sur la Loi de Ressources Hydriques et la Loi de Terres.

Quito le 29 mars 2012. Lucía Villaruel (service civique FAL Marseille)
Voluntaria Fundación Pachamama Ecuador
Programa Cambio Climático y Amazonia Centro-sur