LA MIGUSMANIA et la liberté d’information en France

L’ethosocioanthropojournaliste Romain Migus vit les révolutions latino-américaines de l’intérieur…

romain

Après dix ans d’implication vénézuélienne, il travaille aujourd’hui à Quito. L’homme fut menacé de mort à Caracas pour avoir démonté les mécanismes de la « guerre idéologique » contre le chavisme… Il ne revendique pas « l’objectivité », un leurre pour gugusses, mais l’honnêteté (militante), celle qui consiste à dire « de quel point de vue on parle, on se situe »… Un « grand » quotidien local, qui a oublié qu’il naquit de la Résistance, le sait aussi… mais il ne l’annonce pas. Il a relégué l’inauguration officielle du 24ème Festival latino-américain, en Mairie de Pau, en présence du maire, en page 12… Une photo et quelques lignes, moins qu’un fait divers. Et d’hiver en Béarn il n’y en a point eu… L’autre quotidien, relayé par un hebdo à large couverture, trois jours après l’ouverture du festival, tarde à annoncer, comme il se doit, le festival et ses principaux événements. A Bordeaux, on nous a clairement dit que les conférences étaient des non-informations, et la dame n’a pas ajouté, mais elle l’a pensé si fort que nous l’avons entendu, « parce que trop politiques ». La dame en question, elle, c’est bien connu, n’est pas politique.

Ce quarteron de petits et petites Torque nada locaux du papier, mais aussi de la radio, publique, rendent un mauvais service à ce qu’ils prétendent incarner : la liberté d’informer… inexistante paraît-il à Caracas, Sabaneta, Quito, San Antonio de los Baños, Rosario, Cochabamba… Eh, mort de rire ; c’est trop !

Si tu n’es pas gentil, révérencieux, lèche bottes, si tu exerces la moindre pensée critique à leur égard, si tu vas à contre-sens du système, tu es nié médiatiquement… C’est-à-dire : tu es un homme libre, mais tu dois en payer le prix. L’envie ne me manque pas de mettre un nom et un prénom sur ces quelques toutous de garde pyrénéens, de surcroît de « gooooche » et au talent fort  talen-tue-eux, qui « vendent du papier » comme on vend de la daube. Lorsqu’ils partent à la retraite ; chacun oublie vite leur nom… Mais on n’oublie pas Albert Londres, Capa… Bizarre, bizarre.

Cette poignée de micro-censeurs verrouillent des rédactions et des collectifs de journalistes compétents, des pros qui font leur boulot comme on doit le faire, mais tenus par le « profil rédactionnel » du canard… Et comme en province chacun se connaît et tout se sait, je sais de quoi je parle.

Revenons à Migus. Il marquera l’histoire du Festival. Un acteur ce Migus là. Il ne lui manquait que le violon. Deux heures de conférence pleines de fond, d’analyses lumineuses (issues des Lumières), de gags vidéos, d’autodérision, d’humour, de convictions d’antan si nécessaires aujourd’hui, de pertinences, d’analyses à rebrousse poil… à faire jouir un public embarqué, passant du rire complice à l’adhésion silencieuse. Dangereux pour la pensée unique, ce « camarade » comme il aime à se définir.

Le jeune sociologue, écrivain, devait réfléchir sur le thème « fin de cycle en  Amérique latine ? » après « dix années magiques ». Il le fit sans tabous, sans langue tas de boue.

Quelques propos volés : « Après la chute du Mur de Berlin les gauches latino-américaines ont dû de réinventer… Elles ont rapidement intégré le discours anti-néolibéral… L’idéologie mouvementiste ne posait pas vraiment la question de la prise de pouvoir… Malgré les revers électoraux, il sera de plus en plus difficile en Amérique du sud de vendre « les bienfaits » du néolibéralisme. D’où le recours au marketing, à des « produits-candidats »… comme Macri, Capriles, Nebot… Ils n’ont qu’un mot incantatoire entre leurs dents si longues, un mot valise, usé jusqu’à la couenne : le « changement ». Et ce change… ment. Le changement c’est pas maintenant, c’est main tenant… Les peuples latinos savent désormais qu’il existe des alternatives possibles… Ils ont flanqué un carton orange vif à la corruption, la bureaucratie, les interminables queues, les changements trop lents, les nouveaux besoins non satisfaits, surtout les jeunes et les classes moyennes… La perte du pouvoir n’est pas synonyme de « fin des révolutions ». La faim de révolutions demeure et on n’a pas fini d’entendre parler de « socialisme », de « socialisme du 21ème siècle »…Voyons les choses non pas sur le tango mais sur le temps long… Faire reculer la pauvreté ne suffit pas… Il faut mener la bataille de l’hégémonie culturelle, de valeurs nouvelles, d’une nouvelle esthétique… Les sociétés latinos ont changé pour long temps, pour temps long , pour longtemps. La conflictualité demeure, permanente. Il reste des socles solides de partis, de mouvements sociaux, de résistances, de reconquête ». Ce Romain, Migus, mignote ses analyses mignonnettement.

 

Source :

Jean Ortiz

Chroniques Latines – L’humanité, 20 mars 2016

Photo Meriem Laribi