L’association COMPA
COMPA (Comunidad de productores de artes) est une association d’artistes engagés dont l’objectif est de transformer la société à travers un art qui se veut libérateur aussi bien du corps que de l’esprit. Cette communauté émerge à l’initiative de membres du Teatro Trono, théâtre indépendant fondé en 1989 et travaillant à restaurer la dignité d’individus et de groupes les plus marginalisés. COMPA compte cinq centres en Bolivie dont trois à El Alto, un à Cochabamba et un autre Santa Cruz. Ses éducateurs interviennent dans plus de 40 collèges par an, participent au développement de quartiers marginaux et précaires et forment de jeunes artistes et futures leaders. Concrètement, la démarche principale de COMPA consiste à réintégrer la créativité dans le système éducatif en proposant des activités qui font appel à l’intelligence corporelle. En effet, le système éducatif tend à stimuler uniquement l’intellect de l’enfant (ou de l’adulte) en oubliant que celui-ci habite un corps qui constitue également une source de mémorisation et d’accès aux savoirs. Dans un contexte socio-économique où l’éducation ne constitue pas toujours une priorité, l’insertion d’une dimension ludique et créative dans l’apprentissage permet aux enfants et aux jeunes d’acquérir les connaissances dont ils ont besoin, en commençant par l’alphabétisation et les mathématiques et en allant jusqu’au développement de la créativité et de l’expression artistique à travers le théâtre, la danse, les arts plastiques et les outils numériques tels que la vidéo et la radio. L’approche éducative de COMPA diffère donc du modèle académique dominant, faisant plutôt appel à la capacité à comprendre et à créer de chacun. Elle propose d’aider à la formation d’êtres humains et de citoyens accomplis, dans une démarche de création de générations de jeunes bien dans leur corps et dans leur tête et vecteurs de transformations dans le monde d’aujourd’hui et de demain, plus juste et plus harmonieux.
COMPA a attiré mon attention pour deux principales raisons qui constituent l’essence même de sa démarche : son effort de participer à la création d’un monde meilleur et sa modalité spécifique d’intervention qui est l’art. Non pas l’art des grandes académies mais celui qui peut émerger de chacun(e) d’entre nous. Sa philosophie est la suivante :« El artista no es una clase especial de persona, más bien cada persona es una clase especial de artista ! ». Si mon intérêt pour l’art a commencé dès mon plus jeune âge (musique, danse et activités manuelles), ma prise de conscience de la nécessité de s’engager en faveur de changements dans notre société a surgit progressivement, au cours de mes études en Sciences Humaines et Sociales. Ma première année en Anthropologie a été un déclic dans ma compréhension de l’ethnocentrisme exercé par de nombreux pays dits « occidentaux » ou encore « développés ». Dans une logique s’inscrivant en continuité avec l’époque coloniale et accentuée par l’explosion de la globalisation des marchés, ceux-ci ont tendance, d’une part, à standardiser beaucoup de leurs modes de vie, de consommation, de penser et d’autre part, à vouloir les exporter un peu partout dans le monde, considérant ceux-ci comme plus élaborés, plus performants et parfois comme seuls légitimes, au détriment d’autres savoir-faire et savoir-vivre. La suite de mes études en LCCE Espagnol et en Psychologie sociale à l’Université Lyon II, puis en Sociologie à l’EHESS, m’a permis d’approfondir un certain nombre de thématiques liées à cette logique de base : relations de domination, imposition des savoirs, globalisation des marchés, monopole de grandes multinationales sur certaines ressources, promotion du consumérisme, et toutes les conséquences fâcheuses qui en découlent : destruction de l’environnement et de nombreuses cultures de par le monde n’adhérant pas à cette logique, pourtant garantes de patrimoines culturels et de savoirs uniques, d’autant plus précieux qu’ils sont en voie de disparition. Selon un rapport de l’ONU, il est estimé que d’ici la fin du siècle, environ la moitié des quelques 6 000 langues parlées aujourd’hui dans le monde auront disparu, et avec elles les connaissances et perceptions spécifiques du monde de chacune des cultures les parlant. C’est pourquoi il me semble que la préservation de l’environnement et de la diversité culturelle est un combat urgent et essentiel à mener. Depuis l’arrivée d’Evo Morales au pouvoir en 2005, la Bolivie est dans un processus de revalorisation des nombreuses minorités culturelles et linguistiques du pays. COMPA participe de cette dynamique en rendant leur dignité et leur droit d’expression à des minorités longtemps marginalisées. C’est pour cela que c’est un honneur pour moi que de participer à leur effort à travers ce service civique, en appuyant les différents projets à la fois artistiques et éducatifs.
Christine Wornom.