Le Chili crée un secrétariat d’État aux droits de l’homme

Par Claire Martin  RFI

Le Chili a créé le secrétariat d’Etat aux Droits de l’homme. Cette nouvelle institution dépendra du ministère de la Justice et devra notamment encourager les enquêtes et les sanctions pour les crimes commis sous la dictature d’Augusto Pinochet de 1973 et 1990.

Des manifestants brandissent des portraits de proches, victimes de violations des droits de l’homme durant la dictature Pinochet lors d’un rassemblement à Santiago du Chili, le 11 septembre 2013. Reuters/Ivan Alvarado
Des manifestants brandissent des portraits de proches, victimes de violations des droits de l’homme durant la dictature Pinochet lors d’un rassemblement à Santiago du Chili, le 11 septembre 2013. Reuters/Ivan Alvarado

De notre correspondante à Santiago,

Cette institution traîne dans les cartons du Parlement depuis 2012. C’est l’ancien président de droite, Sebastian Pinera, qui avait lancé l’idée, mais son propre camp a utilisé tous les recours possibles pour lui mettre des bâtons dans les roues. Rappelons que la droite a soutenu la dictature d’Augusto Pinochet, donc voir une institution qui sera censée encourager les enquêtes et les sanctions pour ses crimes n’est pas de son goût. Ce nouveau secrétariat d’Etat devra aussi promouvoir le respect des droits de l’homme actuels. Il sera l’organe qui encouragera, coordonnera, les politiques publiques du gouvernement en la matière. L’idée étant de faire respecter les droits de l’homme et les traités internationaux de manière transversale, d’éduquer les fonctionnaires publiques, armée et police comprises, de coordonner des instances de participation et de dialogue avec la société civile.

Les Chiliens n’ont pas tourné la page Pinochet

Quelque 20 % de la population soutient encore ce qu’ils appellent « l’œuvre » de leur général, le général Augusto Pinochet, et minimisent les crimes qu’il a commis. La dictature a fait plus de 3 200 morts et disparus. Elle a torturé plus de 38 000 personnes. C’est donc une avancée très positive, mais les associations de défense des droits de l’homme attendent des faits concrets. Aujourd’hui, après 25 ans de démocratie, près de 1 400 anciens agents de la dictature ont été condamnés par la justice. Les condamnations sont généralement symboliques ou inexistantes. Et quand les coupables terminent en prison, ils séjournent dans une prison de luxe appelée Punta Peuco. Ils conservent leur grade, leur retraite, leurs avantages sociaux. L’armée conserverait encore de nombreuses archives et des secrets qui permettraient à la justice d’avancer, mais elle ne dit mot. Et l’Etat est aussi complice de silence.

A (ré)écouter : Anniversaire du coup d’Etat de Pinochet

La Commission nationale sur l’emprisonnement et la torture

La Commission Valech a reçu en 2004 les témoignages de près de 40 000 personnes sur les tortures qu’elles avaient subies. Ils renferment des noms de bourreaux, de victimes. Ils permettraient d’apporter énormément d’informations à la justice. Mais le gouvernement de l’époque a décidé de les mettre sous scellé pendant 50 ans. Le temps finalement que tous les témoins de l’époque meurent. Il y a également un problème au niveau de la justice, chaque juge mène son instruction dans son coin et sous réserve de secret, certains accaparent des documents qui serviraient à d’autres juges et à d’autres affaires. Ce nouveau secrétariat aura-t-il le pouvoir et le budget pour faire avancer tout ça ? La question reste en suspens.