Le Honduras confronté à un coup institutionnel contre sa Présidente (analyse de Malena Reali – Le Vent se lève / Revue de presse / Vidéos)


Une semaine avant son investiture, la présidente élue du Honduras, Xiomara Castro, est déjà confrontée à une tentative de déstabilisation institutionnelle. Cette opération est orchestrée par des députés sécessionnistes de son propre parti, alliés avec les conservateurs liés au narcotrafic et à la corruption qui ont perdu l’élection. Le Honduras se retrouve ainsi plongé dans une crise institutionnelle majeure, douze ans après le coup d’État contre Manuel Zelaya.

La présidente du Honduras, Xiomara Castro. Crédits : Ricardo Stuckert/PR

Les parlementaires se sont réunis ce vendredi [21 janvier 2022] pour voter pour le président provisoire du Congrès national. Au cours d’une séance marquée par des affrontements physiques et des invectives, 20 députés du parti de la présidente élue, Liberté et refondation (LIBRE), ont fait sécession pour s’allier au Parti National, de droite conservatrice, et proposer l’un d’entre eux, Jorge Cálix, au poste de président du Parlement, en violation des accords passés par leur parti. À 85 voix pour, alors qu’un minimum de 65 était requis, les congressistes ont élu provisoirement Cálix à la présidence du Congrès. La Présidente élue n’a donc plus de majorité parlementaire.

Par un communiqué de presse, les forces armées nationales ont exprimé leur soutien à Xiomara Castro face à cette tentative de déstabilisation, de même que le Groupe de Puebla, qui a dénoncé une « trahison impardonnable » et appelé au « respect de la volonté du peuple hondurien », qui l’a élue par une large majorité. L’épouse de l’ancien président Manuel Zelaya, renversé en 2009 par un coup d’État, a effectivement remporté près de 52 % des voix lors des élections du 28 novembre dernier. Ses opposants, représentants du bipartisme historique du Honduras, sont restés loin derrière. Nasry Asfura, candidat du Parti national (PN) -la droite nationaliste et conservatrice au pouvoir depuis douze ans- a obtenu 35 % des suffrages exprimés. Le troisième en lice, Yani Rosenthal, du Parti libéral (PL) de centre-droit, a remporté 9 % des voix.

En réponse à ce coup institutionnel contre la présidente, les députés sécessionistes ont été exclus de LIBRE. La présidente ne reconnait plus le congrès, et un nouveau congrès a été inauguré, parallèle au premier. Celui-ci est désormais présidé par Luis Redondo, issu de la majorité présidentielle. Le Honduras a donc deux pouvoirs législatifs en concurrence, à quelques jours de l’investiture où sont attendus de nombreux invités internationaux : Kamala Harris, Felipe VI d’Espagne, Lula, Cristina Fernandez de Kirchner, etc.

Xiomara Castro a été élue sur la promesse de lutter contre la corruption et de rompre les liens de la politique hondurienne avec le trafic de drogue, lors d’une élection qui a affiché les niveaux de participation les plus élevés de l’histoire récente du pays. Selon les proches de la présidente, le retournement des parlementaires et l’élection de Cálix au sein du premier congrès a pour objectif de garantir l’impunité du Parti National et de ses responsables, quittant le pouvoir après 12 ans de corruption et d’accointances avec le crime organisé. Le but est par ailleurs d’empêcher le projet de réformes profondes porté par Castro. Cela permettrait au programme de démantèlement de l’État hondurien de se poursuivre, influencé par des intérêts économiques étrangers.

La souveraineté du Honduras cédée à des États parallèles

L’un des projets les plus inquiétants menés par le régime installé après le coup d’État de 2009 est celui des Zones spéciales de développement et d’emploi (ZEDE), refonte des anciennes RED (Régions spéciales de développement), proposées entre la fin de l’année 2010 et le début de l’année 2011 sous le gouvernement de Porfirio Lobo. Afin « d’apporter de la stabilité aux investissements étrangers et nationaux » et de  « générer des emplois dans le pays », ces zones-franches vont plus loin que la plupart des expérimentations en matière de dérégulation, beaucoup plus loin. 

La loi organique finalement adoptée le 6 septembre 2013 autorise ces zones, gérées par des investisseurs locaux ou étrangers, à « créer leur propre budget », leur donne « le droit de percevoir et d’administrer leurs propres taxes » et établit qu’elles disposent de « tribunaux autonomes et indépendants ayant une compétence exclusive sur la plupart des sujets ». Ceux-ci peuvent établir des jurisprudences de caractère obligatoire, soit l’équivalent pratique de lois, et peuvent se baser pour leurs décisions sur les jurisprudences issues du droit de n’importe quel pays étranger.

Tout aussi alarmant, ces zones doivent obligatoirement « mettre en place leurs propres organes de sécurité intérieure », y compris « leur propre police », leurs « services de renseignement » et leur « système pénitentiaire ». Ils sont également autorisés à créer « leur propre système de santé, d’éducation et de sécurité sociale ». (…)

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Le 25 janvier, à Tegucigalpa, les partisans de Xiomara Castro sont venus la soutenir devant le Congrès. Photo : E. Garrido/Reuters

Les députés de Libre Rasel Tome et Luis Redondo. Photo : Fredy Rodriguez / Reuters

Revue de presse : voir également:
Au Honduras, intrigues, trahisons et manœuvres yankees (Rosa Moussaoui / L’Humanité / article réservé aux abonné.e.s)
Le Honduras cherche une issue à la crise à la crise (Le Matin Ch / AFP)
Honduras: l’élection du président du Parlement tourne au pugilat politique (RFI / AFP)
Crise institutionnelle majeure au Honduras avant la prise de fonctions de Xiomara Castro (Angeline Montoya / Le Monde / article réservé aux abonné.e.s)
Au Honduras, l’arrivée chahutée de la gauche au pouvoir (François-Xavier Gomez / Libération / article réservé aux abonné.e.s)


Honduras : deux présidents élus pour un Parlement en crise
(France 24)


Diputados se enfrentaron a golpes durante
la junta directiva provisional del Parlamento de Honduras
(Crónica de hoy)