🇦🇷 « Nous voulons savoir ce qui s’est passé, et cela fait partie de ce futur qui est présent », la lutte éternelle de Nora Cortiñas (Alejandro Ruiz, Pie de Pagina / Traduction CDHAL)


Le 30 mai, à l’âge de 94 ans, Nora Cortiñas s’est éteinte en Argentine. Nora était cofondatrice des Mères de la Place de Mai, et sa lutte pour la mémoire, la vérité et la justice a transcendé les frontières, tout comme l’espoir qu’elle a transmis aux peuples du monde.

Nora Cortiñas. Photo: Argentina.org.ar

Le 15 avril 1977, la dictature de Rafael Videla (1976-1983) en Argentine a enlevé et fait disparaître Carlos Gustavo. Avec lui, 30 000 autres personnes ont disparu aux mains de l’armée ou de la police. Mais leurs mères n’ont jamais cessé de les rechercher.

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Carlos Gustavo est le fils de Nora Cortiñas, ou Norita, comme l’ont appelée des milliers de personnes dans le monde, lorsque, un foulard blanc sur la tête, elle a commencé, avec d’autres mères et grands-mères, à exiger la comparution de son fils sur la place de Mai, en Argentine.

Avec le temps qui passe, la lutte de Norita et des autres mères de la Place de Mai n’était plus seulement de retrouver les disparus, mais de ne pas laisser le souvenir s’estomper avec le temps.

À 94 ans, dans un hôpital de Morón, en Argentine, Norita a quitté ce plan terrestre, mais son héritage persiste dans un continent qui ne cesse de crier les blessures du passé, qui, dans certains endroits, semblent revenir.

Voici un hommage qui lui est rendu.

Dans un entretien réalisé par la Bibliothèque nationale d’Argentine en 2012, Nora est revenue sur le chemin parcouru pour ne pas oublier, pour continuer à se battre.

Parlant de la fondation des Mères de la Place de Mai, Nora a déclaré : « Nous étions comme invisibles, personne ne s’approchait de nous :

« Nous étions comme invisibles, personne ne s’approchait pour nous demander ce que nous faisions, car je pense que c’est ce que produit le terrorisme d’État, cette peur de savoir ce que nous faisions là-bas. Parfois, je pense que tant d’années se sont écoulées et que les gens sont restés à l’écart. Aujourd’hui, les gens viennent nous voir, parfois des touristes, parfois non, parfois des personnes qui vivent dans la province viennent faire des démarches administratives et la première chose qu’ils font est de se rendre sur la Plaza de Mayo le jeudi et de nous dire d’où ils viennent ; parfois ils viennent avec leurs enfants pour marcher avec nous pendant un certain temps.

Lorsque Nora et ses compagnons ont décidé de se tenir devant les bureaux du gouvernement pour exiger la comparution de leurs enfants, ils n’imaginaient pas l’impact que leur lutte aurait sur le monde entier.

Au début, raconte Nora, l’idée était viscérale et spontanée, « à aucun moment elle n’a été préparée, chaque mère y allait comme elle prenait son fils ou sa fille, ou plus, il y a des cas où ils ont pris deux ou trois garçons ou filles… Et cela s’est communiqué de bouche à oreille. Je me souviens d’une mère, Elida Galletti, qui est décédée, et qui un jour s’est approchée de nous alors que nous étions réunis, d’abord elle s’est assise sur un banc et nous a regardés marcher, puis elle s’est approchée de nous en marchant lentement et nous nous sommes regardés, je lui ai dit « c’est la même chose, il t’arrive la même chose qu’à nous », « oui, ils ont pris ma fille », et elle s’est jointe à cette marche ».

Son combat a toutefois suscité une vaste mobilisation en Argentine pour la défense des droits humains. En effet, après les crimes commis par la dictature, une Assemblée permanente pour les droits humains a été créée. Cette assemblée a rapidement rejoint les Mères de la Place de Mai.

« Nous voyions déjà tout ce que les militaires et les civils faisaient pour bafouer les droits du peuple. Puis, à un moment donné, nous nous sommes regardées et nous nous sommes demandé pourquoi, et nous avons commencé à voir que c’était pour mettre en œuvre cette politique économique néolibérale en profondeur. Nous ne comprenions pas grand-chose à la politique, la plupart d’entre nous étaient des mères au foyer, chacune ayant ses propres tâches invisibles. (…)

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