Le Mexique est couvert du sang des femmes (entretien avec Wendy Galarza / Itzel Marie Diaz-QG)


Wendy Galarza est une activiste féministe mexicaine. Le 9 novembre 2020, alors qu’elle participait à une manifestation contre un féminicide à Cancún, la police l’a grièvement blessée par balles. Elle est devenue une figure incontournable de la lutte pour la défense du droit des femmes au Mexique.


Le Mexique est l’un des pays les plus violents au monde pour les femmes, dix d’entre elles en moyenne y sont assassinées chaque jour. De janvier à septembre 2021, l’État a enregistré 2104 homicides volontaires contre des femmes, dont 273 rien qu’au mois d’août. Mais ces chiffres officiels sont en dessous de la réalité et l’impunité règne dans le pays. Wendy Galarza, trente ans, est éducatrice pour jeunes enfants à Cancún. Loin de l’idée paradisiaque qu’on peut se faire de cette ville, elle travaille dans un contexte où les femmes sont souvent maltraitées. Le 9 novembre 2020, elle a participé à une manifestation pour réclamer justice après le meurtre de Bianca Alejandrina, 20 ans, connue sous le nom d’Alexis. Ce jour-là, Wendy Galarza a été victime de violences policières avec d’autres camarades. Les policiers l’ont frappée et lui ont tiré dessus à deux reprises. Elle a reçu une balle dans la jambe, et une autre à l’entrejambe. Contactée par Amnesty International, elle voyage en ce moment en Europe afin de rendre visibles les violences faites aux femmes et de faire pression sur les autorités mexicaines afin d’exiger des réparations. Nous avons rencontré la jeune militante dans les locaux d’Amnesty International France, où elle nous a reçus, souriante et déterminée.

QG – Pourquoi êtes-vous descendue dans les rues de Cancún le 9 novembre 2020 et comment la manifestation s’est-elle déroulée?

Wendy Galarza – Le 9 novembre 2020, plusieurs collectifs féministes et civils se sont rassemblés à Cancún suite au meurtre de la jeune Alexis. En réalité, ce féminicide a été la goutte d’eau qui a fait déborder le vase car au Quintana Roo (NDLR: l’État de la ville de Cancún), il y avait de plus en plus de meurtres de femmes. Cette semaine-là, il y avait déjà eu trois féminicides. Ça a mis le feu au poudre, d’autant plus que Alexis était très engagée dans la défense du droit des femmes. Le 9 novembre 2020, nous nous sommes donc réunis devant le bureau du procureur général. Il y avait environ deux milles personnes, les proches d’Alexis et les familles d’autres victimes de féminicides. Les gens étaient indignés. Ils criaient, faisaient des graffitis, certains brûlaient des poubelles. Ensuite, nous nous sommes dirigés devant le Palais municipal. C’est là que la manifestation a vraiment dégénéré. Nous avons entendu trois tirs. À ce moment-là nous pensions tous qu’il s’agissait de pétards mais les policiers sont arrivés et ont tiré en l’air. Lorsque nous avons commencé à courir, pour fuir, ils nous ont visés. Moi, j’étais avec mon compagnon. Nous avons couru en direction de notre mobylette. Trois policiers nous ont bloqué le passage. Ils nous ont mis à terre et ont commencé à nous frapper avec tout ce qu’ils avaient sous la main: des boucliers, des matraques, des bâtons faits avec des branches d’arbre. Ils nous ont volé nos affaires, ils nous insultaient et nous crachaient dessus. Ils disaient: “Nous allons vous laisser dans un pire état qu’Alexis”. On ne m’avait jamais frappée comme ça. Les coups étaient tellement forts et douloureux que je ne sais même pas à quel moment ils m’ont tiré dessus. J’ai vraiment cru qu’ils allaient nous faire disparaître (NDLR: Au Mexique, on compte 73 201 disparitions forcées. La police et l’armée mexicaine seraient impliqués dans de nombreux cas). C’était horrible, j’ai vraiment eu très peur.

QG – Ce jour-là, vous n’êtes pas la seule à avoir subi des violences policières. Que s’est-il passé pour vos camarades également présents dans la manifestation?

W. G. – À quelques mètres de moi, il y avait un groupe de filles qui, lorsqu’elles ont entendu les coups de feu, se sont tout de suite mises à terre. Parmi elles, Gloria Chan, qui est photographe. Elle a reçu un coup sur la tête par un policier. Il lui a ouvert le crâne et elle se vidait de son sang. Gloria a demandé de l’aide, elle se sentait mal, elle avait des vertiges mais les policiers se sont moqués d’elle. Cécilia Solís et Roberto Becerril, tous deux journalistes, ont aussi été blessés par balles. María, une autre de mes camarades, s’est révoltée. Elle disait qu’elle avait des droits et que ce qu’ils faisaient était illégal. En guise de punition, ils l’ont traînée dans un endroit à l’écart. Là, ils l’ont torturée sexuellement. Naomi Quetzaly Rojas Domínguez, une autre manifestante, s’est aussi rebellée. Les policiers l’ont emmenée dans le Palais municipal où elle a subi des violences sexuelles. (…)

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Vidéo tirée du média mexicain Animal Político


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