«Ni Una Menos», la manifestation latino-américaine qui a précédé MeToo (Celeste del Bianco / El Diario – Argentine / traduction Le Temps) / Dans le monde entier, des femmes ont manifesté pour défendre leurs droits (Le Temps)


Deux ans avant l’émergence de #MeToo aux États-Unis et ailleurs, l’Amérique latine vivait, plus discrètement, une révolution portée par la revendication «Pas Une de Moins». L’objectif: vivre. Cet article est tiré du quotidien argentin «El Diario»

Sous la bannière de «Ni Una Menos», le 3 juin 2015, les rues d’Argentine ont vu affluer des milliers de personnes.

Le 5 octobre 2017, le scandale éclate : le célèbre producteur hollywoodien Harvey Weinstein a, pendant des années, exploité et harcelé des femmes. Les journalistes Jodi Kantor et Megan Twohey écrivent à ce sujet dans le New York Times, l’actrice américaine Alyssa Milano partage l’article sur Twitter, et le hashtag #MeToo se propage et devient l’un des mots-clés les plus utilisés dans 85 pays. Différentes régions du monde, différentes langues, réunies par ces mots: « Me too ».

Mais plus de deux ans auparavant, dans l’hémisphère sud, les femmes descendaient déjà dans la rue, criant « Ni Una Menos » (« Pas une femme de moins »). Ce 3 juin 2015, la foule est dense autour du palais du Congrès de la nation argentine, tout comme en province. Dans les villes, les femmes dénoncent les féminicides, l’expression la plus extrême des violences sexistes. Des violences qui s’immiscent dans la vie quotidienne, camouflées ou pas, et qui ont une matrice : l’inégalité.

« On veut rester en vie. »

Ce cri se répand rapidement dans toute l’Amérique latine, et des manifestations ont lieu au Mexique, au Pérou, en Colombie et au Nicaragua. Au Chili, le collectif Las Tesis popularise la chanson Un violador en tu camino (Un violeur sur ton chemin), inspirée par l’anthropologue féministe Rita Segato. On la chante alors jusque dans les capitales européennes, et même à l’intérieur du parlement turc. Les Polonaises, de noir vêtues, font la grève pour faire respecter le droit à l’avortement.

«Nous ne sommes pas des célébrités»

En 2016, la première grève nationale contre les féminicides a lieu en Argentine. Elle trouve un écho au Mexique, au Chili, en Bolivie, au Honduras, en France et en Espagne. Un an plus tard, la première grève internationale des femmes a lieu.

« L’air du temps », c’est ainsi que l’écrivaine et journaliste Hinde Pomeraniec, l’un des soutiens de Ni Una Menos en Argentine, explique le phénomène. Pour la première fois, des milliers de personnes, au-delà du genre, aux quatre coins de la planète, sont descendues manifester contre un système oppressif qui a des conséquences directes sur leur vie.

« De nombreux auteurs disent que Me Too a tout déclenché à l’échelle mondiale parce que les accusations provenaient de personnalités très connues, ce qui leur a donné une énorme tribune. Nous ne sommes pas des célébrités ; en Argentine, le déclencheur était un tweet auquel nous nous identifions et ça ne concernait pas une personne célèbre contrairement à ce qui s’est passé aux États-Unis. C’était une accumulation de nombreux petits événements qui se déroulaient en même temps. »

Le tweet en question a été écrit par la journaliste Marcela Ojeda : « Actrices, politiciennes, artistes, femmes d’affaires, influenceuses… toutes les femmes… n’allons-nous pas hausser le ton ? ILS SONT EN TRAIN DE NOUS TUER. » Elle le publie après avoir appris le meurtre de Chiara Páez, une adolescente de 14 ans enceinte qui a été enterrée dans une fosse par son petit ami de 17 ans. D’autres communicatrices se joignent à elle et organisent la première marche. Trois semaines plus tard, 250 000 personnes se rassemblent dans la ville de Buenos Aires ; quelque 120 autres manifestations ont lieu ailleurs en Argentine. Comme l’explique la journaliste Paula Rodríguez dans son livre Ni Una Menos (Editorial Planeta), le lendemain de la manifestation, la ligne d’assistance téléphonique pour signaler les violences sexistes reçoit 13 700 appels, contre 1 400 habituellement. (…)

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Dans le monde entier, des femmes ont manifesté pour défendre leurs droits (Le Temps)

De l’Espagne au Pakistan, en passant par l’Amérique du Sud, des milliers de femmes, bravant parfois les autorités, sont descendues dans les rues pour la Journée internationale des droits des femmes.

Guadalajara, au Mexique © ULISES RUIZ / AFP

(…) En Amérique latine, la mobilisation du nord au sud a été placée sous le signe de la lutte contre les féminicides. Un fléau au Brésil notamment, où plus de 1400 ont été recensés l’an dernier, soit un toutes les six heures, un record amenant mercredi le président Lula à annoncer des mesures pour lutter contre ces violences «intolérables». Même mot d’ordre au Mexique, où 969 féminicides ont été enregistrés l’année dernière, dans un défilé d’ampleur sur le Zocalo, la place principale de Mexico, sous le slogan «Plus une seule femme assassinée!». En Colombie, le nombre de féminicides est passé de 182 en 2020 à 614 l’année dernière.

Bogotá. © RAUL ARBOLEDA / AFP

Au Venezuela, la manifestation de femmes à Caracas s’est concentrée sur la demande «d’un salaire décent» dans un contexte d’inflation accélérée. Au Pérou, englué dans une crise politique, les slogans étaient dirigés contre la première femme présidente du pays, Dina Boluarte, accusée par les manifestantes indigènes d’être responsable de la mort de dizaines de civils: «on n’a rien à célébrer en ce jour car nous pleurons la perte de tant de jeunes gens», a déclaré à l’AFP Ana Isabel Aguilar, une Aymara de la région de Puno (sud) (…)

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