🇵🇪 Pour la démocratie au Pérou / Por la democracia en el Perú (communiqué d’un collectif de citoyen.nes péruvien.nes et  français.es)


Personne ne met en doute le fait que le Pérou traverse une grave crise politique et démocratique, ni que cette décomposition est ancienne. Depuis le nouveau millénaire, presque tous les présidents ont terminé en prison ou ont été accusés de faits délictueux. Des dix derniers, huit ont fait l’objet d’enquêtes et/ou ont été condamnés, et un autre s’est suicidé. Cependant, ces dernières  années, la situation a atteint un tel niveau qu’il est difficile d’imaginer pire.


Le 19 janvier 2023, à Lima, manifestation contre la présidente Dina Boluarte. Joseph Moreno M/Shutterstock

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À la crise économique, qui se traduit par une forte récession, l’augmentation de l’inflation, de la pauvreté et de l’informalité, s’ajoute une énième crise politique d’une gravité sans précédent, avec un pouvoir exécutif et législatif déconnectés de la population et un discrédit presque absolu (85% de désapprobation d’après IEP) et l’absence de forces politiques alternatives.

À tout cela s’ajoute un état d’insécurité et un développement de la criminalité encore jamais vus et  comme si cela ne suffisait pas, un système judiciaire titubant au milieu de scandales de  corruption : une Procureure de la nation suspendue, sous procédures judiciaires, accusée d’être à la tête d’une présumée organisation criminelle ayant des liens avec le Congrès.

Et, au cœur de toute cette situation, la corruption, qui se répand comme un cancer dans toutes les institutions et instances du pouvoir et de la société.

Si, comme nous l’avons dit, cette crise politique n’est pas récente, il est important de remarquer que depuis le gouvernement d’Alberto Fujimori (1993-2000), le spectre politique a changé de manière  substantielle : les partis politiques ont été transformés en groupes aux intérêts et comportements mafieux alors que les acteurs démocratiques et les partis de gauche ont perdu du terrain et la connexion avec la base qu’ils prétendaient représenter.

En 2021, l’arrivée au pouvoir de Pedro Castillo, sous les étendards de la gauche, a représenté pour beaucoup un immense espoir de changement. Espérance à laquelle Castillo n’a pas su ni pu répondre. Son gouvernement fragile a souffert tout d’abord d’incessantes attaques de l’opposition qui n’a jamais accepté sa victoire, mais également de différences internes au sein du parti, Pérou Libre, ainsi qu’avec les autres partis de gauche qui l’avaient soutenu. Tout ceci l’a empêché de consolider sa position. Durant la première année très instable de son gouvernement, Castillo a coupé les ponts avec le parti Pérou Libre et ses autres alliés de base pour finir isolé et entouré d’un groupe de conseillers et de membres de sa famille qui l’ont mené à sa perte en décembre 2022, avec un coup d’État raté, difficile à comprendre, pour lequel il se retrouve actuellement en prison.

Face à cette situation, au lieu de démissionner et de convoquer de nouvelles élections générales, la vice-présidente, Dina Boluarte a conclu un pacte avec les principales forces politiques du Congrès, recevant également  l’appui de l’Armée, pour que tous  se maintiennent  au pouvoir jusqu’en  2026, date des prochaines élections générales.

Un mouvement populaire de protestation inédit de par sa force et son importante a commencé dans le sud andin et s’est propagé à tout le territoire national, réclamant la démission de Dina Boluarte, la clôture du Congrès et une nouvelle Constitution par l’intermédiaire d’une assemblée constituante. Le gouvernement a répondu par une répression brutale, avec plus de soixante-dix morts – dont quarante-neuf par des balles tirées par les forces de répression-, des centaines de blessés et de prisonniers. L’usage excessif de la force, les exécutions extrajudiciaires, la criminalisation et les graves violations des droits humains ont été dénoncés par toutes les organisations de défense des droits humains, tant au niveau national qu’international. La réponse à toutes ces demandes de justices a été l’impunité.

Dans ce contexte, on ne peut plus parler de partis politiques de gauche, de droite ou du centre. Ce qui existe aujourd’hui au gouvernement ainsi qu’au Congrès de la république, et il faut le dire sans ambages, ce sont des groupes corrompus « de type mafieux » qui se sont approprié le pouvoir comme un butin, et qui « gouvernent » pour satisfaire leurs propres intérêts en toute impunité malgré les dénonciations, la médiatisation et la réprobation de l’opinion publique. Quelques voix, très rares, s’élèvent mais ont du mal à résister au pouvoir majoritaire de ces institutions décomposées.

Et pour comble, à la fin de  l’année 2023, le Tribunal Constitutionnel du Pérou a libéré l’ancien président Alberto Fujimori, condamné à vingt-cinq ans de prison pour crime de lèse-humanité, contrevenant ainsi à la résolution de la Cour Interaméricaine des Droits de l’Homme, plaçant ainsi le Pérou dans une situation délicate en ce qui concerne le respect des accords internationaux, d’autant plus que la majorité du congrès réclame le retrait du Pérou de l’organisme interaméricain.

Alors, on se demande jusqu’à quand nous allons supporter cet état de choses.

Le drame que vit en ce moment notre pays frère, l’Équateur, auquel nous apportons notre solidarité, doit nous alerter sur ce qui nous attend si nous ne réagissons pas maintenant. La lutte pour l’état de droit et la démocratie doit s’inscrire également dans le cadre latino-américain.

En effet, la « récession démocratique actuelle » (titre d’un rapport de 2023 de Latinobarómetro) illustre et souligne l’inquiétante vulnérabilité de la démocratie en l’exposant à des discours populistes ou à des régimes non démocratiques, impliquant la décomposition des institutions.

Il est urgent d’apporter une réponse démocratique, massive et forte pour laquelle nous demandons la participation de toutes les voix et  forces démocratiques du pays.

Nous demandons la démission de Dina Boluarte, des élections générales immédiates et la convocation d’un référendum pour une Assemblée constituante.

Nous dénonçons les tentatives de rupture avec le cadre juridique international et en particulier avec la CIDH.

Le Pérou mérite et a absolument besoin d’un gouvernement avec des institutions démocratiques décentes, dignes, représentées par des citoyens engagés et prêts à œuvrer pour le progrès, son développement et pour le bien-être du peuple péruvien. Ceci implique que tous les démocrates unissent leurs forces pour atteindre cet objectif.


Por la democracia en el Perú
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Que el Perú atraviesa por una grave crisis política y democrática nadie lo pone en duda.  Que esta descomposición no es antigua, tampoco. Desde el nuevo milenio casi todos sus presidentes han terminado presos o acusados de hechos delictivos. De los últimos diez, ocho han sido o son investigados y/o sentenciados y uno se suicidó. Sin embargo, en los últimos años se ha llegado a un grado tal que es difícil imaginar algo peor.

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