🇧🇷 Les prisons, berceaux des deux gangs les plus influents du Brésil (Aliénor de Matos / France 24)


Avec un taux d’occupation de près de 165 %, le Brésil fait face à une surpopulation carcérale record depuis des années. Un engorgement historique qui a donné naissance aux deux plus grandes factions criminelles du pays : le Comando Vermelho (CV) en 1979, et le Primeiro Comando da Capital (PCC) en 1993. Depuis des dizaines d’années, ces deux gangs se servent des failles systémiques de la politique carcérale pour former, recruter et développer leurs réseaux.

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“CV” – l’inscription est discrète. Elle est taguée en noir sur un mur d’une rue adjacente à la Via Apia, l’une des artères principales de la favela Rocinha à Rio de Janeiro, au Brésil. Si, pour beaucoup, ces deux lettres ne signifient pas grand-chose, les habitants savent qu’elles marquent sans détour qui est aux commandes de la plus grande favela d’Amérique du Sud : le Comando Vermelho.

Plus ancienne faction criminelle du Brésil, elle est devenue aujourd’hui l’une des plus puissantes. À l’origine, le Comando Vermelho est une alliance entre militants communistes et groupes criminels incarcérés à la prison Candido Mendes, située sur l’île d’Ilha Grande, à une centaine de kilomètres au sud de Rio. Si ses plages paradisiaques ont attiré près de 290 000 touristes en 2023, selon la Fondation brésilienne Getúlio Vargas, peu savent qu’elle abritait jusqu’en 1994 l’une des prisons les plus sécurisées du pays.

Braqueurs, voleurs, et groupes révolutionnaires croupissaient sans distinction dans un bâtiment entouré par les eaux turquoise de l’Atlantique sud. Pour les prisonniers, c’est plutôt le souvenir de l’humidité, de la promiscuité, des conditions de vie cauchemardesques ponctuées par la violence des gardes. “Cet endroit magnifique a le malheur d’être depuis longtemps associé à la souffrance humaine” témoigne William da Silva Lima, détenu dans les années 1970, dans son ouvrage “Quatrocentos contra Um” (“Quatre cents contre un”) publié en 2016.

Plus connu sous le nom de “Professeur”, William da Silva Lima a été l’un des braqueurs les plus célèbres de Rio de Janeiro et l’un des fondateurs du Comando Vermelho. Détenu jusqu’en 1979 dans la prison de Candido Mendes, William da Silva Lima côtoie des membres du MR-8 et de l’ALN, deux groupes révolutionnaires et antifascistes. Ces mouvements communistes ont organisés de nombreux attentats contre le régime militaire brésilien instauré suite au coup d’État du 2 avril 1964.

Ces groupes sont notamment connus pour l’enlèvement de l’ambassadeur américain Charles Burke Elbrick, le 7 septembre 1969, et leur lutte conjointe contre la dictature militaire qui sévit jusqu’en 1985 au Brésil. Les prisonniers politiques et bandits se retrouvent à vivre les uns sur les autres dans des cellules exiguës. En les enfermant ensemble, “les généraux cherchent à les dépeindre comme de vulgaires criminels de droit commun”, explique Misha Gelnny dans son livre “Nem da Rocinha”, qui relate l’ascension et la chute du caïd de la favela emblématique de Rio.

Mais ensemble, les détenus vont devenir une seule et même force qui va s’opposer à l’autorité pénitentiaire. Les prisonniers politiques dispensent alors des cours d’économie à leurs codétenus et leur apprennent à commettre des enlèvements contre rançon ou des braquages de banque : la Phalange rouge est née, premier nom du Comando Vermelho.

Vingt ans plus tard, c’est avec la même haine du système carcéral brésilien que naît le Primeiro Comando da Capital (PCC), dans les couloirs sombres des prisons de São Paulo. Le 2 octobre 1992, une mutinerie sanglante éclate à Carandiru, faisant 111 morts et 60 blessés, dont 25 policiers. Le déclencheur ? Des conditions de vie déplorables.

Fatima Souza, journaliste spécialiste du PCC et auteure du livre “PCC, a facção”, confie qu’elle “a compris que cette rébellion était différente. C’était organisé, il y avait un chef et il demandait de meilleurs traitements pour les prisonniers.” (…)

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Reportage de France 24