🇧🇷 « La réponse, c’est nous » : avec les leaders autochtones de la COP30 (Anne Paq, Giovanni Simone, Sandra Guimarães / Basta-média)
À la COP de Belém, en pleine Amazonie, les luttes des peuples autochtones du Brésil sont plus visibles que jamais auparavant dans une conférence pour le climat. Portrait de représentants de ces communautés en lutte pour leurs terres et leur vie.
Cela devait être la COP des peuples autochtones, aux dires du gouvernement brésilien, qui organise la conférence climatique en pleine Amazonie. Numériquement, c’est le cas, avec 3000 personnes autochtones présentes à Belém et 800 accréditées pour assister aux négociations officielles. Mais la possibilité effective qu’elles pèsent dans les décisions reste à démontrer.
Au sein de la « zone bleue » du sommet, celle où tout se joue, les membres autochtones des délégations nationales ne participent pas directement aux négociations. Ils sont regroupés dans un organe créé pour observer les discussions et les commenter. Certains mots d’ordre lancés par les organisations autochtones, comme « La réponse, c’est nous », ou « Pas de décisions sur nous sans nous », affichent clairement leur volonté d’avoir réellement un mot à dire.
Le mécontentement s’est exprimé dès la première semaine du sommet. Mardi 11 novembre, deuxième jour de la COP, une manifestation menée par les peuples du territoire Tapajós, dans l’État brésilien du Pará, a tenté d’occuper la zone de négociation, allant jusqu’au corps à corps avec le service de sécurité. Vendredi 14 novembre, le peuple amazonien Munduruku a bloqué l’accès à la zone, demandant en urgence une réunion avec le président brésilien Lula.
Les organisations autochtones investissent également les autres espaces qui accompagnent le sommet climatique : la Cúpula dos Povos, sommet des peuples, qui a lieu en parallèle de la COP, et l’espace dédié aux ONG et aux entreprises.
Basta! a rencontré plusieurs représentants des peuples d’Amazonie brésilienne pour connaître leurs parcours et leurs combats.
Toya Manchineri, du travail forcé à la protection des terres
Du haut de ses 57 ans, Toya Manchineri est une figure historique des luttes des peuples autochtones au Brésil. Enfant, il a connu l’esclavage moderne sous la dictature brésilienne, lorsque son peuple était forcé à travailler dans l’extraction de latex. Après plus de trente ans de lutte en défense de sa communauté et de la forêt, il est actuellement coordinateur général de la Coordination des organisations autochtones d’Amazonie brésilienne, Coiab.
« Notre territoire est maintenant protégé, nous avons 314 000 hectares et nous ne subissons pas d’invasions ni d’exploitation », souligne-t-il. Il attend de cette COP qu’elle confirme la protection des terres autochtones : « Nous voulons que la démarcation des terres autochtones et notre contrôle effectif sur elles soient inscrits dans le document final de la COP30 comme politiques climatiques. »
Le président Lula a parlé lors de son discours inaugural de l’importance des peuples autochtones. Toya Manchineri reste pourtant sceptique sur l’action de son gouvernement : « Les démarcations des terres ne vont pas assez vite. Il faudrait encore une centaine de millions d’hectares pour garantir le droit de tous les peuples à leurs terres ancestrales. » Actuellement, 114 millions d’hectares, soit un septième de la surface du pays, sont démarqués, c’est-à-dire protégés, au Brésil.
Une proposition de loi en discussion actuellement au Brésil pourrait menacer ce processus. Selon ce texte, seuls les territoires habités par les populations autochtones lors de l’écriture de la constitution brésilienne, en 1988, pourraient être protégés. Or, à cette date, un grand nombre de communautés avaient déjà été déplacées ou éliminées. Depuis, beaucoup revendiquent leurs terres ancestrales par des « reprises de terre ».
La loi dite du marco temporal (« repère temporel ») avait pourtant été jugée inconstitutionnelle après son adoption en 2023, mais le Congrès brésilien, en majorité de droite, voudrait la réintroduire. Et la démarcation seule ne suffit pas, selon Toya Manchineri : « Nous avons aussi besoin de politiques de santé publique, d’éducation et de garanties d’autonomie économique pour permettre aux peuples autochtones de rester sur leurs territoires. » (…)
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