Sentence du Tribunal mondiale de la liberté syndicale

COUR MONDIALE DE LA LIBERTE SYNDICALE

Colombie

Bogota DC, le vingt-cinq (25) mai deux mille douze (2012).

Le TRIBUNAL MONDIAL DE LA LIBERTE SYNDICAL composé des Magistrats LUIS ENRIQUE RAMIREZ, Président, LYDIA GUEVARA RAMIREZ, Secrétaire, LUIZ SALVADO, OSCAR ALZAGA, JOSE LUIS CONTRERAS MONTES, GRETEL HERNANDEZ OLIVA y SEBASTIN VISCUSO, réunis en session plénière, au sujet du dossier enregistré « Syndicats de Colombie c/République de Colombie s/ Violation du principe de liberté syndicale ». (Cause N° 001/ 2012) déclare

SENTENCE
I-OBJET DU CONFLIT

Le tribunal a reçu une plainte générale qui résume celles déposées par 81 organisations syndicales et par des travailleurs indépendants, dont le détail se trouve dans le dépôt de plainte en date du 23 mai 2012.
Y sont dénoncées de graves violations au principe de liberté syndicale par la République de Colombie, basées sur le fait que les travailleurs de ce pays « ont toujours été les cibles d’attaques de la classe politique traditionnelle », situation qui, selon les plaignants, s’est encore aggravée à partir de 1965, quand « l’Etat a recouru à la loi de sécurité nationale ou de l’ennemi intérieur ».
La plainte stipule que « le paramilitarisme est devenu une politique d’Etat, dont les cibles principales sont les défenseurs des droits humains, les opposants et les travailleurs ».
Puis la plainte développe cet aspect et en attribue la responsabilité aux États-Unis,par leur implication dans l’activité paramilitaire en Colombie, et à la complicité des partis politiques traditionnels. La plainte porte aussi sur d’autres graves violations de droits humains liés au droit syndical qu’on empêche pratiquement les travailleurs d’exercer.

II- COMPÉTENCE

Dans son arrêté daté du 23 mai 2012, le tribunal justifie sa légitimité et sa compétence pour examiner le cas présent. Tout d’abord il est composé de juristes et de personnalités sociales de différents pays, étrangers au conflit exposé.
Nous avons dit à cette occasion que le Tribunal Mondial de Liberté Syndicale – Colombie (TMLS), est un tribunal éthique international, créé par des représentants de la société civile qui ont pour objectif de dénoncer et de montrer au grand jour à la communauté nationale et internationale la violation, en Colombie, d’une des libertés fondamentales de la personne humaine : la liberté syndicale.
C’est un tribunal éthique, car il a pour objectif de faire naître une prise de conscience de la dégradation de ce droit humain, que les institutions n’ont pas pu ou pas voulu préserver. Son existence s’explique par l’échec des structures politiques formelles à donner une réponse adéquate aux agressions que subit la liberté syndicale dans ce pays. Quand les systèmes judiciaires conventionnels se montrent impuissants à faire cesser ces comportements par leur incompétence et leur laxisme ou, pire encore, par leur complicité, les victimes et les peuples ont alors le droit de se réapproprier démocratiquement la justice, en créant un espace pour dénoncer, condamner et rendre publics les actes de violation de liberté syndicale, en identifiant les responsables.
Le tribunal ne se substitue pas aux tribunaux formels, mais il contribue à ce que les normes nationales et internationales soient respectées.
Sans aucun doute, cela constitue un pas pour en finir avec l’impunité, en montrant à la communauté locale et internationale des faits que la conscience sociale de l’humanité réprouve, et qui sont à contre courant du XXIème siècle qui est le siècle des droits humains. Il s’agit, ni plus ni moins, de démasquer l’injustice et d’obliger les personnes ou les institutions qui ont le pouvoir de mobiliser des mécanismes de correction de ces conduites socialement condamnables à le faire.
Lorsque la violation des droits, et particulièrement de la liberté syndicale, font partie du quotidien, et quand les consciences semblent anesthésiées, sans doute comme mécanisme de défense et de survie à cette dégradation sociale, la crise des institutions est alors très grave. En perdant leur crédibilité, elles perdent leur légitimité. Et à ce stade les peuples ont le droit de demander et d’exiger justice, celle qui leur permet de protester et de dénoncer les violents, les corrompus, les délinquants, les exploiteurs qui salissent les institutions républicaines et, dans notre cas, de dénoncer ceux qui violent systématiquement le principe de liberté syndicale dans ses différentes manifestations.

III- DEMARCHE DEVANT LE TRIBUNAL

Lorsque la plainte a été reçue, les différentes parties définies, et que les faits dénoncés ont été reconnus comme étant de la compétence du tribunal, le Président de Colombie, Monsieur Juan Manuel Santos Calderón, en a été informé afin qu’il puisse exercer son droit de défense.
Parallèlement, il a été décidé de produire la preuve fournie par les plaignants, en demandant au secrétariat, étant donnée son importance, de la garder et de l’archiver, et de recevoir les déclarations des témoins lors des audiences des 23 et 24 mai 2012, de 09h 00 à 12h 30 et de 14h 00 à 16h 30.

IV- CADRE NORMATIF

Pour résoudre le conflit présenté, le Tribunal a pris ses décisions en conformité avec la Constitution Politique (CP) de Colombie, articles 25,39, 53, 55 et 56 ; avec le Code fondamental du travail (CST) avec les accords de l’Organisation Internationale du Travail (OIT), N° 87 (1948) sur la liberté syndicale et le respect du droit à se syndiquer, N° 98 sur le droit de syndicalisation et de négociation collective (1949), N° 151 sur les relations du travail dans l’administration publique (1978) et N° 154 sur le développement des négociations collectives (1981) ; avec la Déclaration Américaine des Droits et Devoirs de l’Homme (article 23) ; avec la déclaration Universelle des Droits Humains (art.20, 23.4) ; avec ce qu’il est convenu d’appeler « les Pactes de New-York », celui qui traite des Droits Civils et Politiques (art.22.1) et des Droits Économiques, Sociaux et Culturels (art.8.1) ; avec le protocole de San Salvador, et les autres traités qui constituent le Droit International des droits Humains en matière syndicale.
Ont aussi été pris en compte les rapports et les décisions des organismes internationaux d’interprétation et d’application de ces traités et accords tels que, par exemple, la Commission des Experts, la Commission d’Application des Normes et le Comité de Liberté Syndicale de l’OIT.
Enfin, le Tribunal s’est tout particulièrement appuyé, pour prendre sa décision, sur la doctrine qui a présidé aux sentences de la Cour Inter-américaine des Droits Humains, en particulier lors des affaires « Baena, Ricardo et autres » (02/02/2001) et « Huilca tecse c/Perù » (03/03/2005).
Le Tribunal met l’accent sur le fait que la profusion des normes internationales qui consacrent le principe de liberté syndicale permet de la considérer comme un droit fondamental du « jus cogens » ou droit coutumier des personnes, obligatoire dans tous les pays conformément à la Convention de Vienne sur le Droit des Traités.

V- LA LIBERTÉ SYNDICALE.

Maintenant au XXIième siècle, le Tribunal considère superflu de s’étendre outre mesure sur la liberté syndicale, l’un des piliers de toute société démocratique. Il suffit de dire que par liberté syndicale on entend aussi bien la liberté syndicale individuelle, qui recouvre la possibilité de créer des syndicats, de s’affilier ou de démissionner, que la liberté syndicale collective, ou autonomie syndicale, qui permet aux organisations syndicales de réaliser toute action licite, grève incluse, pour défendre les droits et les intérêts des travailleurs.
Le rôle des syndicats, dans les sociétés modernes, est de créer une force sociale qui soit un contre pouvoir au pouvoir des entreprises. Mais la méconnaissance systématique de la liberté syndicale affaiblit structurellement les organisations professionnelles, ce qui facilite les abus et les violations des droits des travailleurs.
La liberté syndicale est intimement liée à la subsistance du travailleur et de sa famille, à sa protection et à l’amélioration de ses intérêts et de ses droits, puisque c’est la garantie de l’exercice de ses droits à un travail digne et stable et à une rémunération juste. Et si la liberté syndicale est liée à la subsistance de la personne, elle est aussi liée au droit à la vie, qui est le premier des droits humains. Ceci explique que l’OIT elle-même stipule que la liberté syndicale et la liberté d’association constituent un droit humain fondamental et une valeur essentielle dont l’objectif principal est que les travailleurs puissent défendre les droits acquis et aussi les améliorer.
Les normes constitutionnelles et la ratification des traités internationaux concernant les droits humains et les Conventions de l’OIT, constituent des bases solides pour juger de la situation de la liberté syndicale en Colombie. Mais ce qui est vraiment essentiel c’est le degré d’application effective de ces normes. Ce Tribunal a pu constater, preuves à l’appui, qu’il existe en Colombie un énorme fossé entre la norme juridique protectrice et son application dans la réalité.
On viole la liberté syndicale lorsque l’organisation juridique interne crée les conditions pour que les organisations de travailleurs soient faibles et sans capacité d’action syndicale. Et aussi lorsque le droit de grève est réglementé pour le rendre inoffensif, ou lorsque la négociation collective est un simulacre grossier. Mais la violation la plus grave de la liberté syndicale se produit lorsque la violence contre le syndicalisme est permanente, dans le cadre d’une impunité flagrante, surtout par des groupes paramilitaires, ce qui est le signe d’un Etat absent ou, ce qui est pire, complice.
La Cour Internationale des droits Humains, dans le cas « Huilca Tecse c/Peru » (03/03/2005), a déclaré : « l’état doit garantir aux personnes de pouvoir exercer librement leur liberté syndicale sans craindre d’être l’objet de quelque violence que ce soit car, dans le cas contraire, la possibilité pour les groupes de s’organiser pour protéger leurs intérêts s’en trouverait diminuée ».Et elle a ajouté : « en conséquence, l’exécution d’un leader syndical, dans un cas comme celui-ci, non seulement restreint la liberté d’association d’un individu, mais elle porte atteinte au droit et à la liberté d’un groupe déterminé de se réunir librement, sans peur ni crainte ».
L’OIT a signalé que : « un climat de violence , de pressions et de menaces de toutes sortes contre des dirigeants syndicaux et leurs familles ne facilite pas le libre et plein exercice des droits et des libertés consacrés dans les Conventions N° 87 et 98, et tout Etat a l’obligation inéluctable de favoriser et de maintenir un climat social où règne le respect de la loi comme seul moyen de garantir le respect et la protection de la vie.

(Références : Recueil de 1996, § 61 et 62 ; 306 rapport cas n° 1903, § 489, 331. Rapport cas N) 1937 et 2027, § 106 ; 327 rapport cas n°1787, §342 et 333 ; rapport cas n° 2268, § 755)

L’expérience prouve que l’exercice de la liberté syndicale est clairement conditionné par le niveau de respect des libertés individuelles qui existe dans un pays, en particulier le droit à la sécurité des personnes, la liberté d’opinion et d’expression, la liberté de réunion, le droit d’être défendu devant des tribunaux impartiaux, et le droit à la protection des syndicats.
Dans un pays où se produisent de graves violations des libertés civiles, la liberté syndicale ne peut pas exister. La Colombie en est un exemple, car la seule existence des paramilitaires est une atteinte à la légalité et à l’Etat Social de Droit.
En lien étroit avec cette situation, on constate généralement que l’administration de la justice est déficiente, ce qui contribue à accroître le climat d’impunité et d’insécurité existant.
Les restrictions civiles et politiques constituent les causes principales de violation de la liberté syndicale, selon l’OIT, ce qui explique que presque la moitié des plaintes que reçoit le Comité de Liberté Syndicale ont trait aux violations de droits humains. Le même organisme international a aussi déclaré de façon réitérée que le concept de droits syndicaux n’a aucun sens lorsque les libertés civiles n’existent pas. C’est pour cette raison qu’il a bien spécifié que la violence et l’insécurité portent préjudice à l’exercice des activités syndicales.
Garantir la vie des dirigeants syndicaux, mais aussi leur intégrité physique, leur liberté, liberté de mouvement et de circulation sans aucune crainte de représailles, est de la responsabilité directe de l’Etat. Le Tribunal, au vu de la preuve accablante fournie dans ce cas, considère que l’Etat colombien ne fait pas face à ses responsabilités.

VI – DES FAITS DÉMONTRÉS.

Le Tribunal a pu prouver qu’au sein de l’Etat et des secteurs colombiens de l’entreprise existe une culture antisyndicale, parallèlement à une culture de la violence comme façon de résoudre les conflits. Un comportement est culturel lorsque, en dehors de toute légalité ou légitimité, il est socialement considéré comme faisant partie de l’ordre naturel des choses.
Il est démontré que la violence exercée par l’Etat ou les groupes économiques réduit la syndicalisation et rend difficile la création de nouveaux syndicats. En 1970 le taux de syndicalisation de la population active était de 14%, il est actuellement de 4%, et seulement 2% des travailleurs sont protégés par une convention collective.
L’exercice de la violence contre la force de travail a comme conséquence la disparition progressive des contrats de travail au profit des prestations de services, et du travail formel au profit du travail au noir et de la sous-traitance. Parallèlement, ce processus a été accompagné par une forte offensive contre le droit de négociation collective, en dénaturant et en ne respectant pas les conventions collectives existantes dont les clause sont systématiquement bafouées, aussi bien par l’Etat que par les employeurs privés.
La violence antisyndicale a facilité l’apparition de coopératives frauduleuses de travail associé, qui déguisent ceux qui ne sont que des travailleurs dépendants sous l’appellation de sociétaires coopératifs. Un autre phénomène similaire est l’utilisation frauduleuse des agences d’intérim qui ont pour but de remplacer les travailleurs effectifs par des travailleurs à moindre coût qui constituent une main d’œuvre qu’il est difficile, voire impossible, de syndicaliser.
Ce Tribunal considère que la majeure partie des travailleurs colombiens se trouvent dans une situation que l’on pourrait qualifier de préhistoire du Droit du Travail , situation à laquelle on arrive à cause des faits ici mentionnés et dénoncés dans ce cas.
Face à la violence irrationnelle, fonction de la sauvegarde des intérêts des groupes économiques et des entreprises multinationales, la réaction de l’Etat colombien, régulièrement dénoncé et condamné par les organismes internationaux, a été de développer d’inefficaces mesures de protection des dirigeants syndicaux, en se dispensant de s’attaquer aux causes de cette violence avec détermination politique.
Le Tribunal certifie qu’en Colombie il existe une alliance non dissimulée entre l’Etat et les groupes économiques et financiers, locaux et étrangers. Il est donc évident qu’existent de puissants intérêts pour que le mouvement syndical reste faible et fragmenté, situation parfois aggravée par l’attitude de quelque direction syndicale agissant pour ses propres intérêts.
Face aux actes notoires de graves violations des droits humains de la classe ouvrière, le Tribunal a la certitude que les responsables de ces violations agissent en parfaite impunité, la responsabilité du Pouvoir judiciaire étant par là clairement engagée.
Les droits syndicaux, qui sont l’outil qui permet de garantir l’activité des représentants syndicaux, et qui sont reconnus dans la Constitution Politique de Colombie et dans les Conventions de l’OIT’ sont systématiquement violés. Le tribunal a pu constater que le licenciement arbitraire des dirigeants et des militants syndicaux est un fait qui se répète avec une régularité impressionnante. Cette situation s’aggrave lorsque les décisions de justice de réintégration des travailleurs sont bafouées.
En Colombie, les relations de travail ne sont ni démocratiques ni participatives. Elles sont profondément autoritaires. Le travailleur est un sujet sans volonté, qui laisse ses droits de citoyen à la porte de l’entreprise. Celle-ci est, en général, une structure autoritaire où l’un commande et les autres obéissent. On n’y connaît pas l’accord bilatéral et démocratique entre les parties qui constituent la relation de travail. Le travailleur est un simple rouage, facilement interchangeable, d’une machinerie dont les leviers sont actionnés par des mains que le patron ignore.
La stabilité au travail est la base de tous les droits du travail, car un travailleur sans stabilité a peu de chances de pouvoir les défendre. Le tribunal a pu constater qu’en Colombie les relations de travail sont précaires et que le principe de la stabilité des contrats de travail est bafoué. L’absence de liberté syndicale, qui affaibli et fragmente le syndicalisme, conduit au fait que des contrats de travail qui devraient être à durée indéterminée, car répondant à des besoins permanents des entreprises, sont travestis en contrats à durée déterminée, en engagements de prestations de services, ou en relations coopératives, toutes ces situations constituant clairement une fraude flagrante.
Il est logique que, dans ces conditions, face à une main d’œuvre qui a peur de perdre son emploi, le patronat soit tout puissant et se livre aux abus et à la discrimination. Le contrat de travail est, par nature, une relation de pouvoir ; pouvoir sans contrôle lorsqu’il n’y a pas de liberté syndicale, comme dans le cas de la Colombie. La faiblesse du mouvement ouvrier dans ce pays n’est pas un hasard, ni un fait inévitable en soi. Le Tribunal a la preuve qu’il y a un plan pour qu’il existe une main d’œuvre docile et peu onéreuse. Et pour cela il faut que le syndicalisme ne soit pas un obstacle. Le procédé pour atteindre cet objectif est flagrant dans ce dossier : une répression de l’activité syndicale, une violence extrême et une impunité, dignes des débuts du XIXième siècle et pas d’une société démocratique et moderne.
On a pu constater que cette situation dans laquelle la classe ouvrière colombienne n’est pas protégée et où le syndicalisme est extrêmement faible a pour conséquence une grande précarité du travail, malgré l’absence de statistiques officielles fiables. Les conditions de travail d’une large frange des travailleurs sont déplorables.
Cela a pour conséquence que très peu d’ouvriers bénéficient de la sécurité sociale, et que la majeure partie d’entre eux n’ont aucune couverture sociale.
La protection de la vie et de la santé, seul patrimoine du travailleur, est considérée comme un coût que tous les employeurs ne sont pas disposés à supporter. A cela s’ajoute l’inefficacité des organismes d’état, qui devraient contrôler l’application des normes d’hygiène et de sécurité au travail.
Le Tribunal reproche à la Colombie de prétendre, dans ses discours officiels, et particulièrement lors des forums internationaux, respecter les droits des travailleurs et la liberté syndicale. Mais ces affirmations sont fausses, et la meilleure preuve en est la résolution adoptée par la Cour Constitutionnelle de Colombie dans le cas P 750/2011 dans laquelle elle déclare précisément que « l’activité syndicale dans le pays est à haut risque ».

VII- NORMATIVITÉ RÉGRESSIVE

1-L’article 430 du Code fondamental du travail (CST) qui interdit la grève dans un large secteur d’activités qui ne sont pas des services essentiels est toujours en vigueur, bien que les organismes de contrôle de l’OIT, et particulièrement du Comité de Liberté Syndicale, ait recommandé plusieurs fois de réglementer le droit de grève en fonction des critères de l’OIT en matière de services essentiels.
2-dans l’article 417 du CST, il est interdit aux fédérations et confédérations de décréter la grève.
3- Alors qu’il y a en Colombie plus d’un million d’entreprises et 19 millions de travailleurs et travailleuses, la négociation collective, le fait de négocier des durées et des conditions de travail mutuellement acceptables, ainsi que de codifier les relations de travail entre plusieurs représentants des ouvriers, des syndicats ou des centrales syndicales d’un côté, et un employeur, un groupe d’employeurs et une ou plusieurs organisations patronale de l’autre, est quelque chose de tout à fait marginal.
4-La convention collective. La négociation collective concerne moins de 2% des travailleurs colombiens. Un grand nombre de travailleurs sont même en dehors du cadre d’application du CST, qui ne concerne que 30% des 19.138.000 travailleurs. Seuls 124.200 bénéficient d’un accord collectif. En dehors des contrats de travail, le droit à la négociation collective n’existe pratiquement pas.
5-La loi 1453 a modifié l’article 200 du Code Pénal, en condamnant quiconque perturberait une réunion, une association ou une grève. Cette mesure est inutile car elle n’a jamais été appliquée à ce jour, et on ne connaît aucun jugement qui s’y réfère.
6-L’Etat colombien a promulgué l’Acte législatif N° 01 de2005 en interdisant que le sujet des retraites soit abordé dans la négociation collective.
7- L’Etat colombien a promulgué le décret 535 de 2009 qui réglemente la concertation en ce qui concerne les conditions de travail des employés publics, refusant ainsi toute négociation collective à ces travailleurs. Mais avec cette « concertation » sont exclus des thèmes qui vont au-delà du travail proprement dit : la structure organisationnelle, le nombre des employés, les compétences de la direction et de l’administration ainsi que la fiscalisation de l’Etat, les mesures administratives et le principe du mérite comme élément essentiel de la carrière administrative.

VIII- ATTEINTES A LA VIE ET A L’INTEGRITE DES PERSONNES, AU DROIT D’ASSOCIATION ET DE NÉGOCIATION COLLECTIVE, PERSECUSSION SYNDICALE, CRIMINALISATION DE L’ACTIVITE SYNDICALE.

Pour simplifier la lecture de la présente sentence, et considérant le nombre significatif de cas qui ont été présentés au Tribunal durant les audiences des 23 et 24 mai 2012, et ceux qui ont continué à arriver pendant le déroulement des sessions du Tribunal, le détail figure à l’Annexe 1 qui doit être considérée comme partie intégrante de ces conclusions.

IX- Au vu de tous les faits exposés et sur la base des preuves fournies, LE TRIBUNAL MONDIAL DE LIBERTÉ SYNDICALE.

DÉCIDE :

1-De condamner l’Etat de la République de Colombie , responsable des actes systématiques de violation du principe de Liberté Syndicale, en qualité d’auteur directe, de coauteur, de complice ou de dissimulateur d’homicides, de blessures, de licenciements et de représailles pour l’exercice de liberté syndicale.
2-D’exhorter le Gouvernement de la République de Colombie à adopter tous les moyens nécessaires pour garantir dans le pays la Liberté Syndicale, en supprimant immédiatement tous les obstacles et les restrictions qui ont été ici dénoncées.
3-D’exiger du Gouvernement de la République de Colombie qu’il interdise, fasse cesser et sanctionne avec la rigueur nécessaire toutes les violations, quels qu’en soient leurs auteurs, qui affectent le libre exercice de l’activité syndicale.
4-Qu’il demande à chacune des entreprises et des institutions publiques concernées par cette plainte d’en finir avec leurs politiques et leurs actions antisyndicales. Dans le cas d’entreprises multinationales, le Tribunal s’adressera à la maison mère.
5-De faire connaître à l’Organisation Internationale du Travail cette sentence. De charger Me Gladys Delgado de Rodriguez de toutes les démarches nécessaires à cette notification.
6- De communiquer à tout le mouvement ouvrier organisé, au niveau local ou international, les décisions de ce Tribunal.
7- De communiquer cette sentence aux organismes défenseurs des Droits Humains, au niveau local et international.
8-De créer une structure intermédiaire, et de fixer lieu et date pour analyser l’évolution de la situation de la Liberté Syndicale en Colombie.

Rédigé en langue espagnole, à Bogota, le 25 mai 2012.
Pour notification et application.

LUIS ENRIQUE RAMIREZ, Président.
LYDIA GUEVARA RAMIREZ, Secrétaire.
LUIZ SALVADOR, Magistrat.
OSCAR ALZAGA, Magistrat.
GRETEL HERNANDEZ OLIVA, Magistrat.
JOSE LUIS CONTRERAS MONTES, Magistrat.
SEBASTIAN VISCUSO, Magistrat.
MARIANA MUÑOZ MARIN, Secrétaire adjointe.