Tournée du journaliste mexicain Sergio Ocampo avec France Amérique Latine (article Le Monde/ vidéo France 3 Grenoble)
Au Mexique, les « narcos » menacent les journalistes
(Paulo A. Paranagua. Le Monde)
Sergio Ocampo Arista, reporter dans l’État de Guerrero, de passage en France, invité par France Amérique Latine témoigne des menaces qui pèsent sur la presse dans son pays. Après la Syrie et l’Afghanistan, le Mexique est le troisième pays le plus dangereux pour les journalistes. Depuis le début de l’année, sept d’entre eux ont été tués, parmi lesquels Javier Váldez, dans l’État de Sinaloa (Nord), en mai. Tout comme ce dernier, Sergio Ocampo Arista est le correspondant du quotidien de gauche La Jornada et pigiste pour l’Agence France-Presse, mais dans l’État de Guerrero (Sud).
« Guerrero est un laboratoire par sa concentration de pauvreté et de richesses minières, dont un immense gisement d’or, explique le journaliste, de passage à Paris, invité par l’association de solidarité France-Amérique latine. Connu pour sa conflictualité sociale et pour ses foyers de guérilla récurrents, cet État est maintenant ravagé par les narcos. La fragmentation des grands cartels de la drogue a débouché sur une trentaine de bandes criminelles, plus jeunes, plus violentes, qui se disputent le marché et les routes. »
Polices municipales infiltrées ou corrompues
Un tiers des municipalités de la région vivent de la culture du pavot et de la marijuana. Les règlements de comptes entre organisations criminelles ont fait plus de 1 500 morts à Guerrero depuis le début de l’année. La plupart sont des jeunes âgés de 12 à 25 ans, d’origine rurale. Faute de débouchés, beaucoup deviennent des « sicarios », des hommes de main des gangs. Chilpancingo, la capitale de l’État, n’est pas épargnée par les violences, pas plus qu’Acapulco, la plus célèbre station balnéaire de la côte pacifique. La pression des narcotrafiquants incite les médias de la région à l’autocensure, pour éviter les représailles. La plupart des homicides de journalistes sont attribués aux gangs. Les organisations criminelles ont infiltré ou corrompu les polices municipales et les autorités locales chargées de la sécurité. L’impunité leur est ainsi assurée pour leurs crimes et leurs trafics.
« Lors d’un déplacement avec un groupe de sept journalistes, dont un confrère étranger, nous sommes tombés sur un barrage d’une centaine de sicarios lourdement armés, raconte Sergio Ocampo. Je pense que nous avons échappé au pire en raison de la présence de ce reporter de la presse internationale. Mais sur la même route, aussi bien avant qu’après, à quelques kilomètres à peine des sicarios, nous sommes passés par des contrôles des forces de sécurité. Nous sommes ainsi ballottés entre les uns et les autres. »
La disparition de 43 étudiants dans la ville d’Iguala, en 2014, a alerté l’opinion internationale sur la situation au Guerrero. Outre l’association des parents des disparus d’Ayotzinapa, trois autres comités réunissent les familles de victimes de disparitions forcées. « Chaque comité représente environ 500 disparus, dit Sergio Ocampo. À Iguala, 109 corps ont été découverts dans des fosses communes. Le ministère public a créé des cimetières à Chilpancingo, Iguala et Acapulco. Les autorités prétendent qu’elles n’ont pas de budget pour l’identification par tests d’ADN. » Guerrero était contrôlé par le Parti de la Révolution Démocratique (PRD, gauche), dont le dirigeant local, Demetrio Saldivar Gómez, a été assassiné en avril. Beaucoup misent désormais sur la victoire à l’élection présidentielle de 2018 d’Andrés Manuel López Obrador, dit « AMLO », qui a rompu avec le PRD pour créer sa propre formation, Morena.
« AMLO n’a pas de baguette magique, note Sergio Ocampo. Le problème des stupéfiants est global. Si la marijuana est légalisée dans une partie des États-Unis, pourquoi les Mexicains devraient-ils l’interdire ? Mais si on s’engage sur la voie de la dépénalisation, quelle position doit-on avoir sur le pavot et sur d’autres drogues ? Faut-il négocier avec les chefs des gangs pour réduire les violences ? Autant de questions qui montrent la complexité du sujet. »
Paulo A. Paranagua
Le journaliste mexicain Sergio Ocampo était de passage à Grenoble
(reportage de France 3 – Auvergne-Alpes)
Sergio Ocampo est correspondant de La Jornada, dans l’État du Guerrero, au Mexique. Ses articles, écrits en toute indépendance, dérangent à la fois le pouvoir en place et les cartels de la drogue.
Il a notamment couvert l’affaire des “Enlèvements d’Iguala”, soit la disparition dans la ville d’Iguala de 43 étudiants de l’École normale rurale de Ayotzinapa le 26 septembre 2014.
L’association France Amérique Latine organise la tournée en France de Sergio Ocampo « afin de témoigner de la situation de ses confrères et consœurs au Mexique ».
Le Mexique est en effet l’un des pays les plus dangereux pour les journalistes. 147ème sur 180 selon Reporters sans Frontières. On compte 36 assassinats depuis le début du mandat présidentiel d’Enrique Peña Nieto fin 2012.