“Utama”, film bolivien de Alejandro Loayza Grisi (revue de presse)


Dans l’immensité des hauts plateaux boliviens, Virginio et Sisa veillent sur leur troupeau de lamas. Jusqu’ici, rien n’a pu les détourner de cette vie âpre, héritée des traditions : ni leur âge avancé, ni le départ des habitants de la région, chassés par la sécheresse. Aussi accueillent-ils avec méfiance la visite de Clever, leur petit-fils de 19 ans, venu les convaincre de s’installer en ville avec le reste de la famille. Réticent à l’idée de quitter sa terre, Virginio se montre inflexible.

Le mot aymara Utama signifie « notre foyer ». Utama : La Terre Oubliée est un long métrage réalisé par Alejandro Loayza Grisi avec José Calcina, Luisa Quispe. Un film que France Amérique Latine vous recommande et qui a remporté de nombreux prix dans des festivals de cinéma latino-américain (Sundance, Toulouse, Marseille…). En salle à partir du 11 mai 2022.

« Utama, la terre oubliée » : El condor pasa
(Adrien Gombeaud / Les Échos)

Utama d’Alejandro Loayza Grisi nous conduit très loin, sur les hauts plateaux des Andes. Un témoignage splendide de la fin d’un mode de vie.

À force de vivre dans le désert, on finit par lui ressembler. Virginio, berger de l’Altiplano bolivien, a ce visage de vieux parchemin tanné par le soleil et l’air frais. Il partage sa vie, depuis toujours on l’imagine, avec son épouse Sisa. Voilà longtemps qu’il n’a pas plu. Dans le visage voisin et néanmoins lointain, le puits est à sec. Sisa doit désormais marcher jusqu’à la rivière tandis que Virginio voit fondre son troupeau de lamas. Car avec l’eau, c’est la vie qui s’en va. Ils sont de moins en moins à rester sur les sommets. Un jour Clever, petit-fils du couple, vient les rejoindre. Il va tenter de les convaincre à leur tour de regagner la ville. Mais Virginio ne veut pas partir… Après quelques jours, Clever comprend que son grand-père est malade et qu’il préfère le désert à l’hôpital.

Aux frontières du documentaire

À trente-sept ans, Alejandro Loayza Grisi signe là son premier long-métrage. Ancien photographe et chef opérateur, le film témoigne de sa maîtrise de l’image, de son sens du cadre et des couleurs. « Utama », œuvre de fiction, frôle constamment les frontières du documentaire. Comédiens non professionnels, authentiques habitants de l’Altiplano, Luisa Quisle et José Calcina jouent, on le devine, des personnages qui leur ressemblent. À ce titre, on peut voir Utama comme une belle histoire d’amour, finalement assez rare, entre deux personnes âgées. Alejandro Loayza Grisi dresse le portrait d’un couple qui, avec les années, a atteint ce niveau de complicité où les regards parlent mieux que les mots. Ils s’expriment dans un ancien quechua très rare et Clever arrive dans le film avec la langue de la ville : l’espagnol. Ce dialogue bilingue témoigne de deux mondes et générations inconciliables. (…)

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«Utama», sur les terres oubliées de Bolivie, d’Alejandro Loayza Grisi
(Isabelle Le Gonidec / RFI)

Le film Utama, du Bolivien Alejandro Loayza Grisi, est sorti mercredi en salles en France. Primée aux derniers festivals Sundance et Cinélatino de Toulouse, cette chronique familiale met en scène outre les différends entre générations creusés par l’exode rural et la déculturation qui en découle, les nouveaux problèmes posés par le changement climatique.

Utama, en langue aymara, cela signifie « notre foyer ». Il était prévu de tourner le film dans des communautés aymaras (la Bolivie est une mosaïque de cultures), finalement, nous sommes en terre quechua, sur les hauts plateaux de la région de Potosi et le mot Utama est plus joli que le mot équivalent en quechua, expliquait le réalisateur Alejandro Loayza Grisi, dont c’est le premier long-métrage de fiction, lors de la projection à Cinélatino de Toulouse.

Notre foyer, notre maison, l’air que l’on respire, l’herbe que broutent les lamas, les montagnes qui ferment l’horizon, ces jolis cailloux colorés et polis que ramasse Virginio pour offrir à Sisa… c’est tout cela Utama pour Virginio et Sisa. Ce vieux couple, interprété par des gens de la communauté à laquelle il a fallu demander l’autorisation de filmer, raconte encore le réalisateur, est dans le film dans son propre rôle dans la vraie vie : éleveur de lamas, cultivateur de pommes de terre et de haricots, fileur de laine et tisserande. Pas de folklorisme ou de maniérisme ici, les gestes sont économes, les sentiments et les dialogues retenus, dans un décor qui, justement, ne fait pas décor. (…)

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Interview de Alejandro Loayza ,
réalisateur d’Utama : la terre oubliée
Alfonso Rivera / Cineuropa

Utama : la terre oubliée a triomphé à Sundance et il a également de nouveau été encensé et primé au 25ème festival de Málaga, où il a décroché la Biznaga d’or du meilleur film ibéroaméricain et les Biznagas d’argent de la mise en scène, de la meilleure musique et de la critique (lire l’article). Son réalisateur, Alejandro Loayza, est à présent en France pour poursuivre la tournée des festivals.

Cineuropa : Vous habitez présentement en Europe, me semble-t-il…

Alejandro Loayza : À Madrid, où je suis le Master en scénario Mediapro à l’université Complutense. Je serai en Espagne jusqu’au mois d’août, mais je suis en train d’envisager de rester à Madrid ensuite et de faire des allers-retours entre cette ville et la Bolivie.

Votre premier film n’a pas encore de distributeur en Espagne, mais en France si. Qu’en est-il du reste du continent européen ?

Le 11 mai, le film va sortir en France et nous avons déjà une distribution assurée en Suisse et au Danemark.

Que signifie Utama ?

“Notre foyer” en aymara. Phonétiquement, c’est beau et ça marche dans toutes les langues, et on s’en souvient facilement. Ainsi, nous n’avons pas eu à chercher un autre titre – quoiqu’en France, le distributeur ait ajouté |e sous-titre “la terre oubliée”.

Vous avez été photographe avant d’être cinéaste, en plus de tourner quelques courts et de travailler sur une série télévisée.

J’ai commencé ma carrière professionnelle en dehors du cinéma, en faisant un métier assurant de gagner plus d’argent. J’ai étudié la publicité mais ensuite, j’ai participé à un atelier de photographie et je suis tombé amoureux de la photo, après quoi j’ai découvert la caméra en mouvement et ça m’a plu encore plus, de sorte que j’ai commencé à travailler comme chef opérateur. Quand je me suis rendu compte des responsabilités que pouvait avoir un réalisateur, j’ai voulu ça pour moi : j’ai commencé à réaliser des clips et ça m’a servi de transition.

Votre passé de photographe se perçoit dans Utama : la terre oubliée : les cadrages sont très esthétisés.

Absolument, parce que l’image me réussit beaucoup mieux que les mots : l’aspect visuel du film était tellement clair dans mon esprit que j’ai tout dessiné sur un storyboard. Quand la cheffe opératrice Barbara Alvarez a rallié le projet et que nous avons discuté du film, elle avait le même type de film en tête, le lumière, les cadreafes : la collaboration a été très fluide. C’est pour cela que je suis en train de faire un Master en scénario, parce que si l’image me réussit, les mots un peu moins : la première version du scénario d’Utama faisait 43 pages et j’étais sûr de pouvoir tourner à partir de ça, mais on m’a enjoint de le travailler davantage jusqu’à ce qu’il atteigne 75 pages.

C’est un film qui exprime beaucoup de choses à travers les images, comme le cinéma pur.

Le silence peut en dire beaucoup plus long que les mots, et les regards en disent résolument beaucoup plus long, parce que les regards ne peuvent cacher ce qu’ils ressentent. J’ai voulu utiliser cela, les regards comme les silences, et que ces paysages reculés parlent également. Je me suis même dit que quand un couple vit ensemble depuis des années, comme dans le cas de l’héroïne, il n’a pas besoin de parler beaucoup non plus, parce qu’on dit tout à travers des petits actes et gestes.

Vos acteurs, non-professionnels, sont merveilleux, ce vieux couple marié. Je suppose que vous avez privilégié leur naturel quand vous les avez choisis.

Je trouve que l’ensemble du processus a été très beau ; nous nous sommes amusés. J’ai partagé le scénario avec eux, bien qu’il y ait des réalisateurs qui ne le font pas, pour obtenir le plus de naturel possible. Moi je l’ai fait, et nous avons répété. (…)

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