Visite de dirigeants du Mouvement des Sans Terre du Brésil à Toulouse et à Paris
Erivan Hilario et Kelli Montfort, tous deux membres de la direction nationale duMouvement des Sans Terre du Brésil, sont venus en France rencontrer leurs partenaires et amis en vue notamment de leur prochain Congrès. Le Mouvement des Sans Terre du Brésil est le plus grand mouvement social de l’Amérique Latine, avec 1 million de membres. Depuis 30 ans, à la fin de la dictature, ils ont aidé paysans à s’organiser pour occuper les terres improductives et obtenir l’attribution de terres pour y pratiquer une agriculture familiale et vivrière.
A Toulouse, tout d’abord, Erivan Hilario, accompagné d’un groupe de militants de France Amérique Latine de Toulouse, est allé rencontrer Carlos, paysan maraîcher, au sud de Toulouse. Le groupe a visité la ferme, fondée sur l’agriculture biologique, et a discuté avec les propriétaires des conditions d’accès à la terre et d’organisation de la production.
Carlos, comme les paysans du MST du Brésil, refuse l’agriculture chimique ; il affirme qu’avec un bon travail naturel de la terre, on arrive à des rendements identiques ou même supérieurs à ceux de l’agriculture dite « intensive ». Il ne produit pas moins de 30 légumes différents tout au long de l’année dans ses trois serres.
Dans le courant de la discussion entre les amis du MST et Carlos, est née l’idée d’une production solidaire : Carlos va mettre à disposition des amis de France Amérique latine une parcelle de terre et fournir les semences de piments et les militants de la ville viendront travailler la parcelle pour planter, désherber, récolter les piments, qui seront vendus au bénéfice du Mouvement des Sans Terre du Brésil. Ce projet débutera au printemps 2014, avec les semences, et tous ceux qui veulent rejoindre ce projet sont les bienvenus.
Le vendredi soir, 1er novembre, malgré le jour férié, ce sont 20 personnes qui se sont retrouvées pour écouter et échanger sur l’expérience du MST, les manifestations récentes au Brésil, les rapports avec le gouvernement de Dilma Roussef.
A Paris, le MST a rencontré des ONG avec lesquelles il travaille : Frères des Hommes, le CCFD et Caritas-Secours Catholique. Il a aussi été reçu par la Sénatrice communiste Laurence Cohen et le responsable des relations internationales du Parti de Gauche, Christophe Ventura.
Après une séance de travail avec la direction de France Amérique Latine, Erivan et Kelli ont participé à une rencontre publique dans les locaux de FAL.
Erivan Hilario, directeur de l’Ecole Nationale Florestan Fernandes, école de cadres du MST, ouverte aux leaders des mouvements sociaux de toute l’Amérique Latine, a particulièrement remercié FAL de son appui à la rénovation du jardin d’enfants de l’ENFF. Ce projet est en cours en 2013.
Il a rappelé que l’ENFF ne reçoit aucun appui financier des pouvoirs publics et qu’il est entièrement financé par la solidarité. La règle est que les étudiants ne paient pas leur cours ni leur séjour afin de ne pas limiter les possibilités d’études des mouvements qui n’ont pas de ressources. Il y a environ 400 à 500 étudiants qui suivent des cours chaque année. Il y a aussi beaucoup de visiteurs, plusieurs milliers par an.
Une association d’amis de l’Ecole nationale est en cours de création, au Brésil et dans autres pays, afin de faire circuler des recherches ou des cours intéressants, mais aussi afin de regrouper des membres bienfaiteurs qui pourraient apporter une contribution régulière au budget de l’Ecole.
Une autre piste de projet solidaire est la possibilité pour l’Ecole d’avoir son propre puits pour disposer de son eau, car elle est très chère et grève le budget.
En conclusion, Erivan et Kelli ont invité les organisations françaises à participer au 6ème Congrès du Mouvement, qui se tiendra à Brasilia du 10 au 14 février 2014.
Où en est le Mouvement des Sans Terre dans le Brésil de 2013 ?
Dans leur intervention, Erivan et Kelli ont rappelé que le MST avait 30 ans d’existence. Pour leur prochain congrès, le MST veut poser un regard critique sur la période passée et entamé des discussions sur l’avenir.
Le MST a trois grands objectifs : la lutte pour la terre, la lutte pour la Réforma agraire, et la lutte pour la transformation sociale.
Ils ont expliqué que la décade des années 90 a vu de grands mouvements paysans se développer au Brésil, et que durant cette période, l’ennemi était le latifundio et le gouvernement qui légitimait la répression.
Durant les années 2000, on a vu la consolidation du modèle agricole de l’agrobusiness, qui est devenu dominant, comme résultat d’une alliance de classes entre les grands propriétaires, les transnationales, les médias et le capital financier. L’ennemi a changé, ce n’est plus le latifundio intéressé par la terre plus par goût du pouvoir que de l’argent.
Maintenant, on a affaire à un modèle prédateur contre l’humanité.
La réforme agraire n’est plus considérée au Brésil comme un outil du développement. Aujourd’hui, le capitalisme se développe sans avoir besoin de faire une réforme agraire. La majeure partie de la production agricole est pour l’exportation.
Aujourd’hui, le MST lutte pour une réforme agraire populaire, dans le cadre d’une alliance entre la campagne et la ville, en créant un dialogue avec les citadins sur les thèmes de la qualité de l’alimentation. Le Brésil est le plus gros consommateur d’agro-toxiques du monde, avec 5,2 litres de produits chimiques déversés sur les produits agricoles par habitant.
Vis-à-vis du gouvernement, le MST a une position critique, mais ne le considère pas comme son principal ennemi. Le gouvernement a beaucoup fait pour les assentamentos (unités productives ayant obtenu l’attribution de terres), il achète une partie de la production par anticipation, il a instauré une règle qui oblige les cantines scolaires à acheter un pourcentage de leurs aliments aux petits agriculteurs locaux. Mais le gouvernement ne veut plus d’occupations de terres et ne veut plus de nouvelles attributions de terres aux petits paysans.
La question agraire au Brésil n’est pas résolue, il y a beaucoup d’inégalités entre régions, entre sud et nord ; le problème d’accès à l’eau reste crucial.
La solidarité internationale est très importante pour le MST ; le Mouvement participe à des brigades solidaires au Venezuela et en Haïti. Il pense qu’on a tous besoin les uns des autres pour faire reculer la finance internationale et les transnationales et pour apprendre les uns des autres dans les échanges.