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DOSSIER Radio Ñomndaa, symbole de la lutte pour l’autonomie
Le 20 novembre dernier, Radio Ñomndaa, La Palabra del Agua (la parole de l’eau) a fêté son neuvième anniversaire
dans ses locaux perchés en haut d’une colline, le Cerro de las Flores, à Xochistlahuaca (Suljaa’ en langue amuzga),
dans l’État de Guerrero. Elle est née de la solidarité nationale et internationale et de la volonté des habitants de se
doter d’une radio véritablement libre face à celles gérées par l’Institut national indigéniste (INI).
Neuf années de luttes, de résistances, de mobilisations pour soutenir le projet d’autonomie du groupe nanncue
ñomndaa, connu comme amuzgo. Au service des communautés, elle diffuse ses émissions dans sa langue pour
défendre sa culture et ses droits. Des procès ont été engagés contre ses fondateurs mais aussi les autorités agraires
et traditionnelles dont certaines, comme Genaro Cruz Apostol, l’un des fondateurs de la commune autonome de
Suljaa’, ont été emprisonnées sous des prétextes fallacieux et contraintes à de longs contrôles judiciaires. En 2008,
quinze jours après une nouvelle tentative de l’Agence fédérale de renseignements (AFI) de démanteler la radio
–tentative mise en échec par la mobilisation des habitants, notamment des femmes-, l’un de ses fondateurs et col-
laborateur, l’anthropologue Miguel Angel Gutierrez Avila a été assassiné.
Rien n’est facile, rien n’est gagné. Pourtant, malgré des divisions, la radio continue. Comme les projets culturels,
informatiques et, plus récemment, celui d’un musée communautaire pour le municipio autonomo de Suljaa’.
Xochistlahuaca: par conséquence, dans plusieurs deth conserva son autorité sur la municipalité,
communautés, il y eut deux écoles. En 2014, il avec le soutien de l’État, c’est-à-dire que le bud-
reste des écoles divisées à cause de cette femme, get destiné aux travaux et autres charges de la
car beaucoup des professeurs qui étaient ses al- commune était toujours entre les mains de cette
liés n’ont pas su dépasser le conflit. Face à de tels dame et sous son contrôle.
abus, le peuple Nnancue répondit en convoquant Ce n’était pas le cas des Autorités Traditionnelles
une assemblée générale de la Communauté. Pour récemment nommées, qui ont commencé leur
organiser les protestations contre la façon de travail, sans ressources pour les travaux ni pour
gouverner d’Aceadeteehle, les réunions prépara- les projets dont elles avaient besoin pour le chef-
toires avaient lieu dans une école du chef-lieu, et lieu et les communautés. Malgré tout, les gens se
c’est là que les gens ont commencé à s’organiser sont organisés, ont élaboré des stratégies et fait
pour prendre le pouvoir à Xochistlahuaca. Ce fut des propositions importantes pour que puisse
la première action entreprise par les habitants qui fonctionner l’indépendance de Xochistlahuaca,
refusèrent immédiatement de reconnaître la pré- état de Guerrero, proclamée le 20 novembre
sidente comme étant l’autorité. 2002.
La décision la plus importante prise par l’assem- En récupérant leur système de gouvernance, les
blée générale fut de nommer sept Autorités Tra- Nnancue ont recommencé à consulter la com-
ditionnelles de la Municipalité de Xochistlahuaca munauté, comme ils avaient l’habitude de le faire,
(Na’’ma’n’iaa’’Ndaatyuaa Suljaa’) et de commen- pour en obtenir les informations leur permettant
cer une lutte avec ces autorités à leur tête. Avec de se lancer dans des projets qui leur soient bé-
cette organisation, les Nnancue parlant la langue néfiques. Il devint alors nécessaire de s’intéresser
Ñomndaa de Suljaa firent resurgir leurs traditions à l’environnement du territoire et de cibler les
de gouvernance en remettant à l’ordre du jour problèmes urgents tels que la déforestation, l’en-
le principe de servir le peuple et commander en tretien et la conservation de la rivière San Pedro,
obéissant, ce principe reposant sur des personnes ainsi que des sources situées à l’extérieur de Xo-
honnêtes, responsables et travailleuses, soucieu- chistlahuaca, entre autres problèmes.
ses des problèmes qui affectent la communauté Les Autorités Traditionnelles reprirent aussi le
dans son ensemble. Ces nouveaux représentants contrôle de quelques espaces publics du chef-
ont inauguré leur mandat en 2002 par un com- lieu, comme le marché municipal, l’auditorium,
muniqué élaboré par l’assemblée de Xochistla- le cimetière et autres. Surgirent alors d’autres
huaca et ainsi formulé : « le territoire municipal est besoins, appuyés par l’assemblée générale, tels
plongé dans la peur et subit la répression depuis des que la création d’une bibliothèque publique,
mois. C’est dans ce climat que se sont déroulées les au service des jeunes étudiants, et l’élaboration
élections pour désigner le nouveau Président Muni- d’un moyen de communication et d’information
cipal, et le vainqueur de cette bataille a été le PRI et en langue Ñomndaa, car la majeure partie de la
la famille (le cousin) de l’ex présidente ». population parle sa langue maternelle, cet outil
Il faut préciser que malgré la nomination des ayant pour but essentiel de renforcer la matrice
Autorités Traditionnelles, l’administration d’Acea-
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