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Radio Pachamama, la radio communautaire
bolivienne qui donne une voix au peuple
Depuis le 12 avril 2014, les habitants de Tarija ont la chance de pouvoir écouter tous les jours Ra-
dio Pachamama, projet communautaire à l’initiative de la fédération départementale des femmes
paysannes indigènes originaires de Tarija, plus communément appelées « Bartolina Sisa ». Son but ?
Donner une voix à ceux qui ont été pendant trop longtemps écartés des médias de communication.
DOSSIER « Quand nous avons créé la fédération nous exprimer », se rappele Felisa Cruz, une autre
départementale il y a quinze ans, je n’aurais dirigeante de la fédération.
jamais imaginé que nous aurions un moyen C’est pourquoi lorsque le projet de Radio
de communication qui nous permette de nous Pachamama, surnommée symboliquement
exprimer”, nous avoue Julia Ramos, dirigeante des “la radio des sans voix”, a commencé à émerger,
Bartolina Sisa aficionada de radio depuis toujours. son aspect communautaire est apparu
Il faut dire que pendant longtemps, les moyens comme primordial afin de lutter contre cette
de communication étaient réservés à l’oligarchie désinformation des médias qui a duré pendant
et peu d'espace, voire aucun, était réservé aux trop longtemps.
femmes et aux paysans. “Dans les années 80 et 90, En installant d’abord il y a deux ans, l’antenne
les moyens de communication étaient influencés de la radio à Tucumilla, village situé à quelques
par l’étranger et voulaient éviter la divulgation kilomètres de la ville de Tarija, la radio pouvait
de la culture bolivienne. Il n’y avait pas de liberté ainsi être diffusée dans cinq des six provinces
d’expression”, assure Julia Ramos. Les paysans, qui du département. « Acheter le matériel nécessaire,
représentent pourtant une part importante de la mettre en place l’antenne a été la première étape
population bolivienne, peinaient ainsi à trouver du projet qui n’aurait pas été possible sans l’aide de
un média qui daigne leur laisser la parole. France Amérique Latine qui nous a soutenues de
« Nous avons toujours eu beaucoup de choses à manière financière et organisationnelle depuis le
dire et pourtant, lorsque nous voulions aborder début », tient à préciser Julia Ramos.
des sujets qui nous concernent, les journalistes
ne nous offraient pas d'espace de parole pour Les animateurs d
Sebastián CALLE Walter Tintaya Viviana Aparicio Ermelinda Martial
"J’anime tous les matins de 5h à "Je viens du monde rural et quand " Depuis mars 2015, j’anime le " A vrai dire, je n’aurais jamais pensé
6h l’émission "El Menu del día". j’étais petit, seule la radio pouvait programme "Un viaje al pasado", faire de la radio avant qu’on me
A cette heure-là, ce sont surtout m’informer de ce qui passait dans tous les jours de 20 à 21h, il s’agit parle d’un atelier auquel je pouvais
les personnes de l’aire rurale qui d’autres lieux. Vers 7 ans, j’avais de présenter la musique du passé, participer en tant que Bartolina. Je
écoutent la radio, je les accompagne identifié un animateur, c’était un peu des années 70, 80 et 90. Dans suis une personne assez timide et
donc avec un peu de musique pour mon modèle, j’habitais à côté du lac d’autres médias, on entend peu les c’était un bon moyen pour moi de
commencer en douceur. Puis, le but Titicaca à l’époque. musiques anciennes, alors qu’elles m’exprimer. Les premières fois, quand
est d’informer ces personnes, dont En 1980, quand je suis arrivé à sont populaires et que leurs paroles je pensais à toutes ces personnes qui
certains n’ont pas forcément les Tarija, j’ai entendu à nouveau ce ont une vraie signification, ce qui étaient en train de m’écouter, ça me
moyens d’avoir une télévision chez fameux locuteur, j’ai commencé à malheureusement est moins le cas rendait nerveuse, je commençais à
eux ou d’acheter les journaux, sur ce me sentir nostalgique et je suis allé désormais. bégayer, c’était horrible !
qui se passe dans notre département, à son émission. Il m’a dit : à partir de Depuis début décembre, je fais un Et finalement, j’ai commencé à voir
ce que font et disent nos autorités et demain tu travailles avec moi à la autre programme de 15h à 16h qui que mon programme, qui parle de
surtout les organisation sociales ". radio. s’appelle " Encuentro juvenil " dont musique cumbia tous les jours de 18h
Depuis, j’ai toujours fait de la radio le but est de parler de l’éducation des à 19h, plaisait aux auditeurs.
pour parler des thèmes qui me jeunes, avec des informations et des Que ce soit en ville ou à la campagne,
tiennent à cœur. C’est pourquoi mon thèmes qui les concernent. les jeunes comme les moins jeunes,
programme la "Voz Popular", qui Dans les deux programmes, les aiment écouter de la cumbia.
passe tous les jours de 6h à 9h, diffuse auditeurs m’écrivent pour me Pour moi ça inspire la joie, c’est
l’information locale, départementale demander de mettre tel ou tel pourquoi j’ai appelé mon programme
et nationale. J’essaie de donner une morceau et c’est ça que j’aime le " Alegrando las tardes ".
opportunité au peuple de s’exprimer plus dans la radio, même si je ne les
sur des thèmes différents. Je le fais vois pas et eux n’ont plus, je me sens
avec beaucoup d’affection et de connectée avec eux ".
sérieux car la radio est ma passion".
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