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Venezuela : le processus bolivarien en péril

Le dimanche 6 décembre, 17 ans jour pour jour après la première élection de Chávez à
la présidence de la République, le chavisme a connu sa première défaite pour des postes
élus. La coalition de droite regroupée autour de la Table de l’Unité Démocratique (MUD)
emporte les deux tiers des députés avec 56 % des suffrages exprimés. Le camp bolivarien
dirigé par le Parti Socialiste Uni du Venezuela (PSUV) parvient à rivaliser avec la MUD dans
les États ruraux mais subit une lourde défaite dans les zones urbaines, notamment dans les
classes populaires comme les quartiers du 23 de Enero ou Petare à Caracas. Nicolás Maduro
demeure président jusqu’en 2019 mais la nouvelle majorité législative dispose désormais
d’une majorité qualifiée permettant notamment de convoquer une Assemblée Constituante.

LesVénézuéliens ont sanctionné le gouvernement L’arrivée au pouvoir de la MUD risque fort de
en choisissant les héritiers politiques de ceux qui donner lieu à une revanche sociale contre
avaient mené des politiques néolibérales avant les classes populaires vénézuéliennes qui se
l’accession d’Hugo Chávez au pouvoir. La chute sont si souvent mobilisées pour soutenir les
du cours du pétrole (- 50 % depuis septembre gouvernements Chávez. La présidente d’une
2014) et la « guerre économique » menée par les organisation patronale en appelle déjà à revenir
élites économiques constituent sans doute une sur la loi du travail votée en 2012. Les réformes
partie des causes de la défaite. L’effondrement proposées par la MUD s’inscrivent dans le
de la monnaie depuis 2012 et la différence entre cadre néolibéral : dévaluation importante,
les taux de change officiel et officieux qui atteint augmentation des prix des produits de première
une échelle de 1 à 100, ont fortement contribué nécessité (aliments, transports), privatisation
à l’affaiblissement économique du pays. Depuis de plusieurs entreprises précédemment
l’instauration du contrôle des changes en 2003, nationalisées… Autant de mesures qui
les grandes entreprises, par surfacturation grèveraient le pouvoir d’achat déjà affaibli des
d’importations, le détournent avec la complicité Vénézuéliens les plus modestes.
de hauts dirigeants gouvernementaux. Le coût Cette victoire de la MUD doit être comprise dans
de ces opérations est estimé à plus de 250 son contexte continental, celui de l’essoufflement
milliards de dollars pour l’État vénézuélien. du cycle des gouvernements progressistes,
Ces déséquilibres monétaires créent de graves dont on peut constater également les effets
pénuries de produits importés et une inflation dans l’élection du très libéral Mauricio Macri à la
galopante. tête de l’Argentine et dans la crise économique,
Mais le traitement de cette crise économique sociale et politique du Brésil. La baisse des
par le gouvernement Maduro témoigne d’une cours des matières premières, la reprimarisation
déconnexion entre les élites bolivariennes d’économies extractivistes et la distanciation
et leur base. Ainsi, la dirigeante chaviste avec les mouvements sociaux mettent en danger
Jacqueline Faría, a déclaré durant une journée ces expériences politiques qui ont longtemps
de distribution d’aliments que les files d’attentes, été porteuses d’espoir. Espérons que, au
qui se multiplient à cause des pénuries, étaient Venezuela, les organisations de base, les conseils
« savoureuses » et appelaient les Vénézuéliens communaux, les syndicats soient en mesure de
à en profiter. Les bachaqueros, qui revendent résister aux mesures d’austérité qui s’annoncent.
du côté colombien de la frontière les produits
subventionnés par le gouvernement vénézuélien, Thomas Posado
souvent par survie économique, utilisent de Politologue, membre du Groupe d’Etudes
manière individualiste les différentiels de taux Interdisciplinaire sur le Venezuela (GEIVEN)
de change. Leur qualification de « délinquants »,
« plaies » ou « ennemis du peuple » par Diosdado
Cabello, président de l’Assemblée Nationale et vice-
président du PSUV, contribue à les pousser dans
les bras de la MUD. Nicolás Maduro a maintenu
comme principal argument de campagne la
référence à Hugo Chávez sans parvenir à établir sa
propre autorité par-delà son prédécesseur.

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